Jamra versus féministes sénégalaises : le temps de la déconstruction de nos impostures sociales.

Mardi 21 Janvier 2025

La chroniqueuse Khady Gadiaga

Il y a beaucoup à apprendre de cette confrontation entre l'ONG Jamra et les féministes sénégalaises tant le déni de la violence faite quotidiennement aux femmes électrise et soulève des vérités crues que personne ne veut endosser car elles mettent le doigt sur la face hideuse de nos impostures, devenue le reflet de nos âmes. Aujourd’hui, grâce à la scolarisation et à leur entrée sur le marché du travail, les femmes parviennent en de nombreux endroits à secouer le joug. Mais cette aspiration à l’égalité, devenue une manifestation planétaire, ne va pas sans déchaîner en retour la colère ni sans alimenter un désir de représailles. 

 

La lutte pour l’émancipation est âpre. Aucun groupe dirigeant ne renonce à sa position de supériorité sans combattre.

 

C’est cette résistance acharnée, parfois sanglante, qui se manifeste de manière implacable, d’un bout à l’autre du monde. Régimes politiques masculinistes, djihadisme, fondamentalisme religieux, courants réactionnaires, mouvements d’extrême droite…: son attention se porte sur tous les groupes qui, quand il s’agit des femmes et du féminisme, montrent une parfaite identité de vue. 

 

Tous les torts que subissent les femmes peuvent allègrement alimenter des encyclopédies de la misogynie.

 

L'ONG Jamra dont la mission est, dixit, de préserver les valeurs, autrement « samm jikko yi » gagnerait à être moins sélective dans ses indignations et à porter le combat des femmes pour une égale dignité des membres de la société. Le prophète de l'islam (psl) dont nos moralisateurs se réclament n'a cessé de son vivant de faire la promotion de la condition féminine. Le prophète Mohammed n’a pas fait qu’aimer les femmes dans un sens idéaliste, il a démontré qu’il les aimait profondément en ébranlant complètement les fondations de la société misogyne de l’époque. Il a tout fait pour leur donner un statut légal de femmes indépendantes et autonomes au sein de la société islamique naissante et ce, malgré les réticences voire les résistances de ses propres compagnons et des plus fidèles d’entre eux qui n’arrivaient pas à concevoir que les femmes puissent avoir des droits !

 

Il est clair qu’à vouloir refuser la conflictualité sans laquelle aucune vérité ne peut être mise au jour, notre société risque beaucoup plus. Ce qu'on a attendu pendant longtemps de ces soit-disant "directeurs de conscience" n'était plus, ni moins qu'une égale condamnation pour tous les crimes économiques et autres dérives d'ordre politicien qui ont perduré pendant tout le règne libéral et comme me le soulignait un ami, un engagement non feint pour secouer une société en déliquescence dont presque tous les remparts semblaient s'effondrer pour laisser usurpateurs, marchands d'illusions et autres illuminés brouiller les perspectives déjà grandement compromises par une classe d'affairistes et d'opportunistes aux commandes. 

 

De quoi se demander s'il ne faudrait pas, en définitive, protéger les hommes d’un patriarcat qui les met en position de  domination mais, ce faisant les oblige à s’inscrire dans une masculinité toxique, dangereuse pour eux comme pour les autres ?

 

C’est là toute l’importance de la relecture du texte coranique afin de réhabiliter la compréhension des concepts clés fournis par les sources et de revenir ainsi au souffle premier, celui qui a été enterré et enfouie dans les bas fonds d’une compilation savante surannée et exclusivement masculine.

 

Mais pour cela, il lui faudrait saisir la portée d’une approche véhiculant un projet réaliste et un autre, idéologique, et proposer son adhésion à un contre-discours.

 

Khady Gadiaga, 21 janvier 2025

 
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