Joe Biden fait saisir 7 milliards de dollars de l’Afghanistan aux Etats-Unis

Samedi 12 Février 2022

Dans une manœuvre très inhabituelle, Joe Biden a signé vendredi un décret permettant de prendre le contrôle des actifs de la banque centrale afghane déposés aux États-Unis, soit environ 7 milliards de dollars, qu’il veut réserver pour moitié à des familles de victimes du 11-Septembre.
 
Le président américain, utilisant les « pouvoirs économiques extraordinaires » que lui donne une loi de 1977, entend faire transférer ces actifs sur un compte bloqué de la Réserve fédérale de New York, une institution publique, a précisé la Maison-Blanche.
 
« Le vol et la saisie de l’argent du peuple afghan détenu/gelé par les États-Unis représentent le niveau le plus bas de décadence humaine et morale d’un pays et d’une nation », a réagi sur Twitter Mohammad Naeem, porte-parole des talibans.
 
Les actifs des banques centrales sont le plus souvent des titres financiers, des devises ou de l’or.
 
Joe Biden veut qu’une moitié de la somme soit réservée pour des demandes d’indemnisation déposées en particulier par des familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001.
 
Deora Bodley, une étudiante de 20 ans, était la plus jeune des 40 passagers et membres d’équipage à mourir lorsque le vol 93 détourné s’est écrasé dans un champ en Pennsylvanie.  
 
Sa tante, Sandra Bodley, s’est offusquée de la décision de Joe Biden, soulignant que « le peuple afghan n’est pas responsable du 11-Septembre ».
 
L’Afghanistan est « dévasté […] et tous les fonds disponibles devraient être consacrés à aider les Afghans », a-t-elle ajouté.
 
Joe Biden veut consacrer l’autre partie des réserves à de l’aide humanitaire pour l’Afghanistan, mais qui serait versée de manière à ce que l’argent ne tombe pas aux mains des talibans, a expliqué la Maison-Blanche.
 
« Il est très important de pouvoir à la fois prendre 3,5 milliards de dollars et s’assurer qu’ils soient utilisés au bénéfice du peuple afghan », et par ailleurs de garantir que des familles de victimes du terrorisme « puissent se faire entendre » devant la justice fédérale américaine, a expliqué un haut responsable de la Maison-Blanche lors d’une conférence de presse.
 
En clair, il s’agit de mettre en réserve environ 3,5 milliards de dollars en attendant l’issue des procédures judiciaires intentées par ces familles, qui réclament la saisie des avoirs afghans.
 
« Compliqué »
 
Le haut responsable américain, qui a souhaité rester anonyme, a reconnu que cet ensemble d’opérations orchestré par la Maison-Blanche était « juridiquement compliqué », et a fait valoir que l’annonce de vendredi n’était que le début d’une procédure qui devrait durer des mois.
 
La voie choisie par le président américain, qui voit les États-Unis prendre possession des actifs d’un autre État, suscite de nombreuses controverses, au moment où l’Afghanistan connaît une grave crise humanitaire.
 
Les talibans ont réclamé de prendre le contrôle des réserves de la banque centrale afghane, et la Russie notamment a également exhorté les États-Unis à débloquer ces avoirs.
 
Au total, les réserves brutes de la Banque centrale afghane s’élevaient fin avril 2021 à 9,4 milliards de dollars, selon le Fonds monétaire international.
 
Cette somme, déposée avant que les talibans ne reprennent le pouvoir en août dernier, est détenue surtout à l’étranger, et pour la majeure partie aux États-Unis.
 
Certainement conscients des controverses que la décision ne manquera pas de susciter, les responsables de la Maison-Blanche ont assuré que ces réserves de la banque centrale afghane « provenaient de l’assistance continue et significative [à l’Afghanistan, NDLR] des États-Unis et d’autres donateurs internationaux pendant deux décennies ».
 
L’exécutif américain a aussi rappelé que les États-Unis étaient déjà le principal fournisseur d’aide à l’Afghanistan, et a assuré que cette aide bilatérale restait distincte de la procédure de gel des actifs de la banque centrale afghane.
 
« Ce décret va permettre de garder une partie substantielle des réserves de l’Afghanistan au bénéfice du peuple afghan, mais nous comprenons toutefois que les problèmes économiques de l’Afghanistan, exacerbés par la prise du pouvoir par les talibans, ne peuvent être résolus de manière simple », a estimé la Maison-Blanche dans un communiqué. (AFP)
 
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