Journalisme dévoyé !

Vendredi 11 Janvier 2019

«Le droit à l’information suppose qu’une information digne de ce nom soit disponible et il a comme
contrepartie le devoir de lucidité critique des citoyens.» (Manon BONER-GAILLARD)



Crédibilité
 
Le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert donne la définition suivante de la crédibilité : «Ce qui fait qu’une personne, une chose mérite d’être crue.» Appliquée à une personne, on peut postuler que la crédibilité  se construit dans le temps et s’illustre à travers une posture singulière entrainant l’unanimité du jugement positif des autres personnes sur la base de critères objectifs.
 
Lorsque l’objectivité du journaliste, censée informer juste  et vraie, se mesure à l’aune des relations harmonieuses ou conflictuelles qu’il entretient avec les personnes citées dans ses écrits ou dans  ses analyses médiatiques, alors il y a lieu de ne point accorder une grande  crédibilité sur ce qu’on lit ou entend.
 
Lorsque la ligne éditoriale d’un journal  et le ton de voix d’un journaliste sont conditionnés par les pressions reçues ou par les privilèges négociés auprès   d’un pouvoir en place, alors il y a également lieu de douter considérablement de la véracité des informations reçues. Celles-ci peuvent être tronquées et biaisés dans le simple but de plaire ou de nuire.
 
Lorsqu’un journaliste de profession clame haut et fort ses accointances avec des hommes de pouvoir et qu’il en arrive même à s’exhiber fièrement avec eux, alors la courtisanerie prend inévitablement la place de  la critique objective et distanciée. Car la vérité s’accommode mal des relations d’affaires et d’intérêts. 
 
Dans un tel contexte, lorsqu’une information vous parvient,  le contenu du message est digne d’intérêt, mais le rapporteur du message l’est encore plus. Si la crédibilité de ce dernier est entachée, ses informations livrées comme des «scoops» ou des «bombes» sont alors à prendre par des pincettes.
 
Méfiance
 
Voilà sept années maintenant que les Sénégalais observent  le parti pris manifeste et l’orientation partisane de certains quotidiens majeurs du paysage médiatique sénégalais.  Que   s’est-il réellement passé entre le règne d’Abdoulaye  Wade et celui de Macky Sall  pour que l’omerta sur certains sujets sensibles et le traitement tendancieux de l’information deviennent la règle dans les salles de nouvelles? Combien de scandales financiers (COUD, Poste, PRODAC, etc.) se sont retrouvés  sur la table du procureur et qu’on a réussi à étouffer, avec la complicité de la presse, par des stratégies de diversion massive et d’occultation volontaire du réel?
 
Ils étaient pourtant légion  sous Wade à se distinguer très positivement par le surnom de journalistes sérieux, neutres et objectifs? Leurs paroles faisaient écho et leurs analyses très attendues. Vous les reconnaîtrez très facilement. Ils nous tympanisaient  les oreilles et inondaient nos yeux.
 
Depuis 2019, par des chroniques aseptisées et des éditoriaux teintés de compromission, ils ferment volontairement  et subtilement les yeux sur tout ce qui semble noircir le mandat du pouvoir en place. Les dérives autocratiques. La mal gouvernance systémique. La catastrophe économique.
 
Si la bienveillance à l’endroit de leur bienfaiteur a bien fonctionné pendant ces sept dernières années, l’autre versant de la stratégie propagandiste sera la diabolisation de l’opposition politique.
 
Propagande
 
À quelques semaines de l’élection présidentielle, voilà que Madiambal Diagne se réveille subitement de son mutisme partisan, alimenté par ses analyses orientées les lundis,  pour nous sortir un semblant de lièvre de son chapeau et mettant en cause Ousmane Sonko, l’un des plus farouches opposants du régime de Macky Sall et son éventuel challenger en cas de second tour.
 
Le moment choisi  dans le contexte préélectoral  et les plateaux ciblés pour livrer son message ne sont pas anodins. En effet, le parrainage, vendu à la base pour rationaliser la pléthore de partis politiques, s’est retrouvé finalement comme une stratégie savamment orchestrée  d’ostracisme politique et de fausseté du jeu démocratique. 
 
L’objectif  de restreindre drastiquement les adversaires devant  affronter le candidat Macky Sall ainsi atteint, la prochaine étape des artisans de la mascarade électorale sera de charcuter  à nouveau dans le short list des candidats de l’opposition.
 
Karim Wade et Khalifa Sall boutés hors de la course par le truchement des subterfuges juridiques, il ne reste alors qu’Ousmane Sonko,  crédité d’un bon score par toutes les firmes de sondage, pour finaliser le plan de crime parfait du passage forcé au premier tour.
 
Puisque les menaces et  les intimidations seront mal perçues  à quelques semaines de l’élection,  il faut alors  le retrouver sur son terrain de prédilection afin de lui nuire et anéantir toutes ses chances de passer au second tour : l’accuser des maux qu’il tente de soigner et qui tournent essentiellement autour de la probité morale et de la  bonne gestion de nos ressources financières. Pour ce faire, il faut recourir d’abord aux services de journalistes célèbres,  à la plume corruptible et à la voix faussement objective afin de donner l’impression d’objectivité sur les allégations qui seront fabriquées.
 
De Madiambal Diagne à Cheikh Yerim Seck, en passant par Oumou Wane et tous les autres journalistes en embuscade dans l’attente du bon moment pour tirer, ces chasseurs de prime sont en mission commandée pour soutenir leur chef dans ses diaboliques manœuvres. Leur neutralité n’est que de façade. Que leur mine finement soignée pour mieux vendre leurs salades ne vous impressionnent guère!
 
D’un journaliste, de surcroît patron de presse,  qui ose publiquement défier un politicien dans des termes menaçants «bakk na njaak», on  ne devrait rien attendre de moins qu’un règlement de comptes médiatique basé sur le traitement tendancieux et préfabriqué de l’information.
 
Lamine Niang
nianlamine@hotmail.com
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