Journée ordinaire d'un roi (fiction)

Dimanche 12 Aout 2018

- Mame, c'est quoi tout ce vacarme, je t'vais dis de fermer la fenêtre, je n'entends même plus la tv!

- Mais sire, la fenêtre est fermée, c'est le peuple qui s'est amassé devant les grilles du château, ils n'en peuvent plus!

- Ils n'en peuvent plus de quoi? J'ai déjà distribué des enveloppes à tour de bras, ca suffit pas?,

- Non sire, ils se plaignent qu'ils n'ont plus d'eau, rien à manger...

- Plus d'eau? qu'on leur donne du coca! hihihihi! Ils veulent manger, ils ont faim? C'est normal, c'est midi! hiiihiiihiii!

- Sire, la dernière qui a parlé comme ca, c'était en France, en 1789...elle y a laissé sa tête...

- Oui, mais moi, je ne suis pas Marie Antoinette... Je suis le roi de ce pays, le plus grand, le plus beau, le plus intelligent...

- Ca c'est bien vrai! Jamais le pays n'a connu un homme comme vous! Vous êtes comme un envoyé de Allah!

- C'est vrai, c'est vrai, j'en ai conscience, mon bon MAME. Mais tout ce vacarme, ça me dérange, ça m'empêche de réfléchir: qu'attend donc mon ministre de l'Intérieur pour dégager tout ça, tirer dans le tas, au besoin...

- Justement, il dit qu'il ne veut plus porter le chapeau, la dernière fois, il y a eu mort d'homme...

- Et alors? C'est si grave que ca? J'ai tout arrangé, une fois de plus...

- Justement, ils disent qu'en fait, vous n'avez rien arrangé du tout, et que l'argent que vous donnez à droite à gauche, c'est pas votre argent, c'est celui du peuple, il ne vous appartient pas!

- Comment ça! je suis le roi! Tout le pays m'appartient, tout l'argent de ce pays m'appartient...

- Justement, eux, ils disent que ça ne marche plus comme ça, au 21ème siècle...

- Ca marche comme moi je veux que ça marche! c'est pas eux qui décident, c'est moi et moi seul!

- Et vos ministres aussi peut-être un peu, sire...

- Mes ministres! Parlons-en! Une bande d'incapables qui ne me servent à rien! Ils sont juste là parce que je l'ai voulu, et pour certains, parce qu'ils savent des choses disons...un peu embarrassantes pour moi!

- Sire, vous êtes vraiment un génie. Vous êtes le maître du monde!

- Oui, j'en ai conscience moi aussi. Mais tu vois, mon plus gros problème, c'est comment gérer toute cette fortune que j'ai amassée, depuis que j'ai accédé au trône...J'en ai mis un peu partout, dans tous les pays complaisants, mais ça n'arrête pas d'affluer. Ah crois-moi, mon bon MAME, c'est pas facile d'être riche!

- Ca, je veux bien vous croire! Moi j'ai pas tous ces problèmes, le quinze du mois, j'ai plus de sous! Mais vous êtes le plus grand, le plus fort, Sire. Personne ne peut rien contre vous!

- Ca c'est vrai! Personne! Tous mes opposants, je les ai réduits au silence. La justice, elle est dans ma poche, en fait, c'est moi qui commande là aussi! Personne ne peut rien contre moi! Tu vois, finalement, j'ai fait mieux que mon copain turc, tu sais, celui qui vient de temps en temps au château!

- Ah oui, je vois, mais il est pas un peu fatigué, celui là?

- Oui, mais il faut le tenir à distance...le peuple lui doit beaucoup d'argent!

- Comment ca le peuple?

- Et bien oui, MAME, tu comprends rien! C'est pour cela que je te garde avec moi, d'ailleurs! Les dettes, c'est pour le peuple, l'argent, c'est pour moi!

- Alors, toutes ces constructions, tous ces travaux...

- Tout ça, ça sert à rien, c'est ma vitrine! Comme ça je peux dire que je fais ce que je peux pour le bien du peuple, mais il faudra rembourser un jour, et c'est quand même pas moi qui vais le faire, non! Moi, je prends juste au passage le plus possible, pour moi beaucoup, pour ma famille pas mal, et les miettes, pour mes ministres pour leur silence!

- Ah, sire, vous êtes vraiment un être exceptionnel...

- Je sais, je sais... Le seul qui est peut être un petit peu plus fort que moi, c'est le Chinois: lui, il fait très fort!

- Sire, mieux que vous? Au monde, ça ne peut pas exister...

- Lui, il a trouvé le moyen de supprimer les élections: il est sur son trône jusqu'à sa mort! Economies de papier, de réunions, de bavardages inutiles... C'est lui, point barre...

- Vous avez fait un peu comme lui, non?

- Non, moi, bêtement, parce que j'ai voulu faire du social, j'ai remis mon titre en jeu tous les cinq ans, comme ça se fait un peu partout dans le monde... On appelle ça les élections...

- Oui, sire, mais c'est vous qui les organisez, donc pas de souci, tout est prévu! Il n'y a plus que le score à définir, non?

- Evidemment, je suis pas stupide...mais je dois parcourir mon royaume, sous la chaleur, faire des discours, des promesses... Il faut bien faire un peu semblant, sinon, ils vont me traiter de dictateur.

-Oui, sire, mais ça, il y a bien longtemps que les gens n'y croient plus...

- Détrompe-toi, il y a encore des gogos et des incultes qui croient à mes promesses...C'est bien pour ça que je veux maintenir le taux d'analphabétisme le plus élevé possible! A plus de 50%... S'ils se mettent à comprendre mon système, je suis foutu!

- Mais non, mais non, sire, vous êtes le meilleur!

- C'est vrai, je suis quand même extraordinaire... Quel destin! Il y a dix ans, j'étais à la rue, aujourd'hui, je suis roi!

- Oh le roi! c'est pas fini tout ce tintamarre!

- Mais ma chérie, c'est le peuple qui manifeste!

- Je vais leur en faire, moi de manifester! Et ton ministre de l'Intérieur, qu'est-ce qu'il fout! Qu'il envoie ses hommes et qu'ils tirent dans le tas, ça les calmera!

- Tout de suite, tout de suite ma chérie, je l'appelle tout de suite!

- Laisse tomber, je m'en occupe moi même! Toi tu n'es qu'un incapable. Pendant ce temps, viens un peu ranger ta chambre, c'est un vrai souk!

- J'arrive ma chérie, j'arrive!

- Après tu passeras l'aspirateur et tu laveras les vitres: pour une fois, tu serviras à quelque chose...

- Mais chérie...Je suis le roi...

- Oui, et roi ou pas, c'est moi qui commande! Allez, exécution!

- Tout de suite ma chérie, tout de suite...

Me François JURAIN
NB : Avis au(x)lecteur(s): ce petit texte a pour seul but de vous divertir. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne peut être que pure coïncidence: les personnages, le pays, c’est le fruit de l'imagination de l'auteur et ne pourrait en rien être assimilé à une situation existante de par le monde.
 
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