Justice de compagnie

Vendredi 30 Mars 2018

Lourde, la condamnation de Khalifa Ababacar Sall à 5 ans de prison ferme l’est sans doute. De même que celles, également de 5 ans, infligées à deux de ses collaborateurs, Mbaye Touré, directeur administratif et financier de la Ville de Dakar, et Yaya Bodian, le comptable.
A dire vrai, ce verdict tant attendu n’est pas une surprise, loin s’en faut. C’est la traduction d’une volonté d’Etat manifeste de «tuer» dans l’œuf les velléités de candidature du maire de Dakar à la présidentielle du 24 février 2019.
 
Il n’y a pas eu de surprise car nous partons du principe qui veut qu’un pouvoir qui prend le risque de déclencher une telle procédure s’entoure des pleines et totales garanties de son succès par un verrouillage d’acier sur les hommes et les organes chargés de lui faire ce job. C’est cela que Macky Sall a fait avec une froideur et un cynisme qui renvoient tout autant à la faiblesse morale et politique de l’homme. Mais qu’espérait-on vraiment de ce feuilleton POLITIQUE où une libération du maire de Dakar aurait été encore plus dangereuse pour le commanditaire et donneur d’ordre ?
 
Ce verdict n’est pas une surprise. Comme dans d’autres secteurs «stratégiques» de la vie nationale, le président de la République s’est taillé une justice de compagnie sur mesure qui s’est mise en situation de ne pouvoir rien lui refuser de ce qu’il lui demandera, jusqu’au déraisonnable. De hauts magistrats imbus de leurs fonctions et de leur puissance présumée mais réelle ont pris en otage l’institution la plus significative de l’ordre démocratique dont elle est le pilier. C’est cette institution là, qui devait faire vivre l’Etat de droit au quotidien, qui a été corrompue et compromise jusqu’à la moelle pour soutenir un idéal de pouvoir personnel et familial aux antipodes des attentes des Sénégalais. Cette justice de compagnie est là pour frapper encore et encore sur les cibles qui lui seront désignées pour destruction.
 
Ce verdict n’est pas une surprise, il est une HONTE pour ce pays et pour ceux qui le gouvernent selon leurs humeurs, leur agenda, sans jamais se transposer dans la direction que commande l’intérêt général. Il est le prolongement de la complicité organique tissée entre une magistrature bureaucratique corrompue et un ersatz de féodalité autocratique qui, à ses risques et périls, feint d’oublier qui elle est, d’où elle vient.
 
L’une, composée de dinosaures en rouge et en noir, a parachevé aux forceps les réformes judiciaires par lesquelles la carrière des magistrats est encore soumise aux desiderata conditionnels de leur hiérarchie ; l’autre est un conglomérat d’entrepreneurs politiciens dont l’ambition ne dépasse visiblement pas une accumulation tranquille de capital en temps de vaches grasses. Mais à l’histoire, on n’impose pas toujours le chemin de ses sentiments!   
 
Par delà ce procès, c’est pourtant le mal sénégalais qui transparaît si on s’éloigne un tant soit peu de cette justice de compagnie attachée à ses privilèges de gouvernance. Soyons juste pour dire que nos drames proviennent fondamentalement d'une race particulière d'hommes politiques de tous horizons dont les pratiques prospèrent au-dessus de nos têtes grâce à un turn-over dont les enjeux échappent souvent aux citoyens électeurs. Et ça, c'est un vrai problème!
 
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