Karim Wade (g) et son ami Bibo Bourgi
La décision de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation française de condamner définitivement l’Etat du Sénégal dans son différend avec Ibrahim Abou Khalil Bourgi dit Bibo est un véritable tsunami politique. Le silence bavard des autorités sénégalaises en est une parfaite illustration alors qu’elles sont au courant de cette décision arbitrale depuis bien avant qu’elle soit révélée par Jeune Afrique le 21 juillet 2023. Ce sont 168,5 milliards de francs CFA que la plus haute juridiction française exige que le Sénégal verse à l’homme d’affaires franco-sénégalais comme solde de tous préjudices.
Depuis plusieurs années, Bibo Bourgi était soupçonné de n’être pas plus qu’un prête-nom de Karim Wade dont il est un ami d’enfance. Pour les avocats de l’Etat du Sénégal, la totalité de ses avoirs (comptes bancaires, biens immobiliers, services aéroportuaires au Sénégal et à travers le monde, etc.) appartenaient à son ami. Ainsi, toute leur stratégie au cours du procès intenté à l’ancien ministre d’Etat et à certains de ses collaborateurs reposait sur cette théorie. Ce que Bibo Bourgi et ses conseils ont toujours réfuté.
Cette affaire tombe (très) mal pour le président sénégalais Macky Sall, engagé dans un révisionnisme à grande vitesse au terme duquel il promet de réintégrer Karim Wade (et Khalifa Sall) dans le jeu politique en « permettant » (leur) participation éventuelle à l’élection présidentielle de février 2024. Ce processus issu du « dialogue national » organisé en juin dernier en l’absence d’une frange significative de l’opposition ira-t-il jusqu’au bout ? Dans quelle mesure la condamnation définitive de l’Etat du Sénégal – Macky Sall en est l’incarnation – au profit de Bibo Bourgi – proche ami de Karim Wade – pourrait-elle stopper l’élan en marche du « pardon » présidentiel ?
Pour le Trésor sénégalais, la facture financière qui sera sans doute un record dans l’histoire des décisions arbitrales internationales contre le Sénégal va être très salée. Obligé de dédommager Ibrahim Abou Khalil Bourgi à hauteur de 168 milliards de francs CFA n’est déjà pas une mince affaire si cela doit être fait. Y rajouter la perspective de devoir renoncer à l’amende de 138 milliards de francs CFA que la défunte Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) avait infligée à…Karim Wade lors de sa condamnation est une autre épreuve qu’il devra surmonter. Pour les gardiens de nos sous, il va donc falloir s’accommoder de l’imprévisibilité des politiciens en jonglant avec cette double peine que nous vaut l’obsession d’un président de la République à ne pas avoir d’adversaire politique balèze à la présidentielle de 2019.