Me Wagane Faye, ancien député du Sénégal
Mais si humaine soit-elle, celui qui la commet sciemment, est susceptible de poursuites, et éventuellement encourir des sanctions et être tenu à réparer le préjudice qu’il a causé.
Quant à celui qui s’amuserait à porter plainte sans fondement contre quelqu’un, et lui porter préjudice, il peut courir le risque d’une action pour dénonciation calomnieuse dans certains cas.
J’avoue que je suis inspiré par la situation catastrophique, au double point de vue économique et humain, et par la forte probabilité de responsabilité qui pèserait sur le Président Macky Sall en rapport avec la plainte de Mme Adji Sarr sans laquelle, les pertes en vies humaines et en biens matériels subis dans notre pays depuis deux ans, n’auraient pas eu lieu.
La responsabilité de notre chef de l’Etat repose essentiellement sur le fait incontestable que dès lors qu’il détient à lui seul tous les pouvoirs de l’Etat, toute catastrophe à l’origine fautive que les citoyens vivent en ce moment, l’implique et partant, il est tenu d’en répondre. C’est la contre partie du fait d’avoir accaparé tous les pouvoirs. Tous les citoyens, notamment les intellectuels savent de quoi je parle. Mais si certains parmi eux ont fait le choix de ne pas l’admettre, soit par ignorance, soit par je m’enfoutisme, soit par opportunisme, en âme et conscience, ils savent bel et bien que le pouvoir n’est nullement partagé chez nous. Donc la charge des responsabilités de toutes sortes ne doit incomber qu’à celui qui concentre tous les pouvoirs dans ses mains.
Quant à ceux qui en souffrent, ils ont fait le choix de tourner le dos aux possibilités de tirer profit des subsides que le « béni-oui-oui Monsieur le Président » à chaque occasion, leur permet d’atteindre et d’en jouir.
Plusieurs faits peuvent permettre à tout un chacun, de constater que tel que la gestion du pouvoir d’Etat est constitutionnellement et réglementairement agencé dans notre pays, ce qui ne date pas de la prestation de serment du Président Macky Sall pour s’installer au trône, il importe de le souligner. Mais s’arcbouter sur l’argument consistant à dire « mes prédécesseurs ne gouvernaient pas autrement », ne nous fait pas avancer ; pire il peut faire que certains pays d’Afrique qui prenaient le Sénégal, jusqu’à une époque récente, comme un exemple à suivre, se détrompent et aillent chercher des exemples à suivre ailleurs.
Là où la concentration excessive du pouvoir entre les mains du chef de l’Etat est le plus nocif, est l’effacement des frontières entre les pouvoirs. Cette notion de frontière entre les pouvoirs pourrait faire sourire certains qui ont pris note de ce qu’il y a longtemps qu’elle s’est mise à faire des pas de géant en arrière.
En me souvenant de mon mandat de député sous le régime du Président Abdoulaye WADE, je persiste et signe que les parlementaires ne servaient à rien, sauf à applaudir. Ni contrôle de l’action du gouvernement, ni enrichissement de la réflexion prospective.
Et c’était compte tenu de cette réalité, que lorsque le Président Abdoulaye WADE avait décidé, pour des raisons de politique politicienne de proroger notre mandat de député, en faisant fi de la constitution, d’un commun accord, sous l’impulsion du Professeur Abdoulaye BATHILY, à l’époque Secrétaire Général de la LD, parti en coalition avec le PDS, nous primes la décision de démissionner, conscient du fait qu’accepter la prorogation de notre mandat de député, par la seule volonté du chef de l’exécutif, sans piper mot, aurait signifié que nous demeurerions sous sa coupe et mettrions nos professions de foi sous cap.
Le Président Abdoulaye WADE qui, étant à l’opposition fustigeait le fait qu’ « au Sénégal on ne démissionne pas », sous entendu même si on lui fait avaler des couleuvres, aurait dû féliciter ses « amis » de la LD que nous serions, qui venaient de prouver qu’ils avaient pris au sérieux ses propos d’opposant, auxquels lui-même ne croyait certainement pas.
Pour la petite histoire, une secrétaire au cabinet d’Abdoulaye BATHILY, que j’avais croisée dans un couloir de l’Assemblée Nationale, après m’avoir informé que celui-ci venait de faire déposer à son secrétariat de vice-président du bureau de l’Assemblée, les clés de son bureau et celles de sa voiture de service, actant ainsi sa démission, m’avait dit : « on n’a jamais vu ça ! » ;
Ceci dit, pour éviter les menus détails qui allongeraient mon papier, je passe au dit pouvoir judiciaire.
Comme le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire n’en est réellement pas un. On en juge mieux par les résultats des recours dans le domaine politique et aussi à l’occasion des jugements des litiges où est greffable une quelconque préoccupation à caractère politique.
Rien n’y fait. Même une affaire purement civile au sein d’un couple, on en a connu un cas, sans la moindre connotation de la notion d’ordre publique, même une affaire qualifiée de pénale à dessein, dans la rigueur des principes et une application rigoureuse de la loi pénale, si la préoccupation politicienne force la porte et s’introduit dans la chambre des débats, le droit en sort ipso facto. Des cas concrets pour corroborer pourraient être développés avec des détails pertinents, mais ce serait superflu, tellement cela reviendrait à défoncer des portes déjà plusieurs fois ouvertes.
Dans le deuxième cas évoqué, on présume que le temps long pour examiner les faits prêtés à la cause et leur appliquer les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale, a dû s’expliquer par une vraisemblable implication non judiciaire dans la recherche combien difficile d’une mouture de jugement très délicate, vu les contours du litige qui a tenu en haleine tout le pays pendant deux ans, et dont les conséquences sont énigmatiques. D’aucuns susurrent que si les juges qui « décident souverainement » n’avaient pas tenu bon dans l’affaire opposant Ousmane SONKO à Adji Sarr, de l’avis de certains spécialistes du droit pénal, donnant crument leur point de vue non entaché de préoccupation autre que de pur droit, ce litige n’aurait pas dû être déféré à une juridiction de jugement. Le dernier lieu où on aurait dû entendre parler de cette affaire qui empoisonne notre pays, serait la Gendarmerie, où les agents sans être nécessairement de fins pénalistes s’attendaient à un classement sans suite du dossier. Si le point de vue des pénalistes, qui s’étaient exprimés, indépendants de tout pouvoir, avait bénéficié de la considération qu’il mérite, les pertes en vies humaines et en matériel que le pays vient de subir, les larmes que la malheureuse Adji Sarr aurait versées au prononcé du jugement portant démenti à ce que d’aucuns par-ci par-là, lui auraient fait croire, la situation de non-prison, et de non-liberté que vit le pauvre Ousmane SONKO depuis plus de dix jours aurait pu être évité. Il ne viendra à personne de soupçonner un parti pris du tribunal en faveur du prévenu Ousmane SONKO. Le contraire serait plus vraisemblable. Mais là où le bât blesse est la gymnastique à laquelle le tribunal s’est livré pour casser la poire en deux pour en donner une à une partie qui n’en avait absolument pas droit.
Il s’y ajoute que Monsieur le Président, se serait passé de l’organisation d’un dialogue dithyrambique digne d’un meeting de lycéens, qui auraient permis à certains élèves distingués dans l’art de la laudation de faire croire à Monsieur le Proviseur qui aurait été à l’origine de la rencontre, qu’elle peut être utile. L’ex-mentor de Monsieur le Président Sall avait l’habitude de dire à ses partisans qu’ils ne connaissent pas les Sénégalais. Mais lui aussi, je doute qu’il les connaisse. En tout cas pas mal de raisons permettent d’en douter.
A entendre certains intervenants au dialogue, on dirait que pour eux les meilleurs interventions sont celles qui rivalisaient dans l’art de décocher des flèches les plus méchantes les unes que les autres sur Ousmane SONKO. A quelle fin ? Allez savoir.
N’eût été le fait que ce que je lisais sur le visage du Président de séance, attestant apparemment des marques de satisfaction, je me serais demandé si la plupart des présents au dialogue réfléchissaient à la très sérieuse question de savoir dans quel état sera maintenu notre pauvre pays jusqu’à la fin de la précampagne et de la campagne électorale pour les futures élections présidentielles. Puisque, comme on dit gouverner c’est prévoir, j’invite Monsieur le Président de la République à réfléchir sur la situation qui prévaudra dès aujourd’hui.
A mon avis, peuvent avoir raison les irresponsables qui soutiennent qu’il vaut mieux être un citoyen inconscient qu’un citoyen qui se pose des questions, notamment sur l’avenir du Sénégal. Ne peut-on pas rétorquer à ceux-ci que notre pays a besoin plutôt que ses fils unissent leurs efforts chaque fois que de besoin pour contribuer à sa bonne marche.
Dakar, 06 juin 2023
Me Wagane Faye