L'Opep sous l'influence croissante du tandem Ryad-Moscou

Mercredi 19 Juin 2019

LONDRES, DUBAI, MOSCOU (Reuters) - Le mois de tiraillements au sein de l'Opep pour convenir de la date de sa prochaine réunion souligne le poids croissant du tandem formé par son chef de file saoudien avec la Russie, au grand dam de membres historiques comme l'Iran.
 
Les prises de décision n'ont jamais été chose facile à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui regroupe 14 producteurs arabes et non arabes dont certains nourrissent des rivalités anciennes.
 
Les tensions sont devenues plus vives avec l'émergence du nouvel axe Ryad-Moscou qui a face à lui un Iran soucieux de se faire entendre quand son secteur pétrolier est étranglé par les sanctions américaines. Cette nouvelle donne promet de futures réunions et décisions encore plus difficiles, disent des sources de l'Opep.
 
Les Etats membres se sont enfin entendus mercredi sur la tenue de leur prochaine réunion ministérielle le 1er juillet, élargie le lendemain aux alliés non Opep, au lieu des dates précédemment convenues des 25 et 26 juin.
 
Les tractations sur ce calendrier ont coïncidé avec un regain de tension dans le Golfe, où des navires pétroliers ont subi des attaques en mai et juin. Washington et Ryad ont accusé l'Iran, qui a démenti.
 
Selon des sources de l'Opep, la Russie était derrière la proposition de repousser la réunion à début juillet, une fois passé le sommet du G20 des 28-29 juin - une position soutenue par l'Arabie saoudite.
 
"Certains ont pu penser que les Russes faisaient partie de l'Opep", a dit une source de l'organisation. Une autre a ajouté : "Cela ne s'était encore jamais produit, en général l'Opep décide d'une date et c'est tout."
 
La date initiale des 25-26 juin coïncidait avec les derniers jours de l'accord d'encadrement de la production entré en vigueur le 1er janvier pour une durée de six mois. L'Opep et ses alliés devaient alors décider de reconduire ou non les réductions de pompages.
 
La décision sera finalement prise début juillet à Vienne.
 
L'IRAN PÈSE MOINS LOURD SUR LE MARCHÉ ET POLITIQUEMENT
 
"L'Iran est peut-être irrité d'avoir moins de pouvoir sur le cours des choses", avance une autre source de l'Opep.
 
L'Iran, l'un des membres fondateurs de l'Opep, compte désormais parmi les producteurs les plus modestes du groupe. Avec les sanctions américaines, ses exportations ont chuté à environ 500.000 barils par jour (bpj) le mois dernier contre 2,5 millions en avril 2018.
 
Le Venezuela, autre membre fondateur de l'Opep, subit aussi l'impact de sanctions américaines qui ont amplifié ses graves problèmes économiques. Ses exportations, qui dépassaient encore largement le million de bpj l'an dernier, sont tombées à moins de 800.000 bpj.
 
Dans le même temps, les exportations de l'Irak, voisin de l'Iran, ont augmenté et le cartel est aussi confronté au boom de la production des Etats-Unis, qui ne sont pas partie prenante de l'accord d'encadrement.
 
L'Opep, la Russie et les autres producteurs membres de l'Opep+ doivent maintenant décider s'ils prolongent ou ajustent l'accord qui réduit leurs pompages de 1,2 million de bpj.
 
Quoi qu'en dise l'Iran, grand rival régional de l'Arabie saoudite, les discussions risquent de se résumer à un tête-à-tête entre Ryad et Moscou, qui produisent à eux deux plus de 40% du pétrole de l'Opep+.
 
"Je pense que ces deux pays poussent l'Opep vers sa ruine, mais nous voulons que l'Opep soit préservée", a dit récemment le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh, cité par l'agence de presse de son ministère, Shana. "Ces deux pays vont saper l'organisation en suscitant des luttes intestines au sein de l'Opep", a-t-il accusé.
 
L'Iran à majorité chiite et l'Arabie saoudite sunnite s'opposent en Syrie et au Yémen par belligérants interposés, mais aussi depuis longtemps dans le cénacle feutré de l'Opep.
La réunion du début juillet ne fera pas exception.
 
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