Sur fond d'appel à bâtir une "économie de guerre", les ministres de la Défense de l'Union européenne ont négocié mercredi un plan de livraisons à l'Ukraine d'obus et de munitions qui pourrait être porté à deux milliards d'euros.
L'armée ukrainienne, qui en tire des milliers chaque jour pour repousser l'envahisseur russe, ne cesse notamment d'alerter sur son manque criant d'obus de 155 mm pour ses canons.
"Notre priorité numéro un ce sont des systèmes de défense aérienne, ainsi que des munitions, des munitions, et encore des munitions", a de nouveau insisté le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov.
Réunis à Stockholm avec le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, ses homologues européens ont peaufiné un plan en trois volets, dont une donation d'un milliard d'euros d'obus à l'Ukraine, qui devrait être adopté le 20 mars.
L'objectif est d'accélérer la cadence, alors que l'armée ukrainienne est menacée d'encerclement sur le point chaud de Bakhmout, dans l'est du pays.
Fondé sur des gros achats communs pour rassurer les industriels sur la pérennité des commandes, le projet vise à la fois à répondre aux besoins immédiats de Kiev et à doper les capacités de l'industrie de défense européenne à plus long terme.
Le premier volet, conçu par les diplomates de l'UE, vise à utiliser un milliard d'euros puisé dans la Facilité européenne pour la paix (FEP), afin de livrer d'ici quelques semaines des obus déjà en stocks dans les armées des Etats membres.
Les alliés européens de l'Ukraine ont déjà abondamment puisé dans leurs stocks militaires, avec un soutien chiffré à 12 milliards d'euros dont 3,6 milliards provenant de la FEP.
- Haute intensité -
Malgré des stocks déjà faibles avant la guerre pour de nombreuses armées, et sérieusement entamés, les Etats européens ont estimé avoir encore une marge pour répondre aux besoins ukrainiens.
"Tout le monde est d'accord sur l'urgence d'agir parce que tout le monde est d'accord sur l'objectif d'aider l'Ukraine autant et aussi vite que possible", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borell.
Il a proposé de débloquer en outre un milliard supplémentaire du FEP pour une commande groupée pour l'Ukraine.
Le plan prévoit également d'inciter les fabricants d'obus à augmenter leurs capacités.
L'Ukraine souhaite davantage.
"Ce n'est pas assez, parce que nous avons besoin d'un million d'obus, donc environ quatre milliards d'euros", a plaidé M. Reznikov. "Il nous faut plus!".
L'UE veut aussi éviter de voir son plan freiné par la bureaucratie.
Le choix s'oriente vers des contrats passés par l'agence de défense de l'Union européenne plutôt que via des Etats membres, avec plus d'expérience de ce type d'achats.
Autre point de désaccord: la solution consistant à acheter des obus hors d'Europe, une façon d'aller plus vite selon certains, mais sans soutenir le complexe militaro-industriel européen s'inquiètent d'autres.
"S'il y a des livraisons possibles d'autres pays, je ne crois pas que nous devrions exclure cette possibilité", a cependant estimé le ministre suédois Pål Jonson.
La consensus règne en revanche au sein des 27 sur le fait qu'après les nombreuses années de désinvestissement militaire post-guerre froide, il faut se préparer de nouveau aux conflits entre puissances.
"Nous sommes à un moment décisif de notre soutien à l'Ukraine, et il est absolument impératif que nous allions vers une forme de mode +économie de guerre+", a insisté le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.
Un vocabulaire martial qui va trop loin, a toutefois estimé le ministre allemand, Boris Pistorius.
"Ce serait un signal mortifère", signifiant que "nous subordonnons tout à la production d'armes et de munitions", a-t-il dit. "Nous, l'UE et l'Allemagne, ne sommes pas en guerre", a-t-il insisté. (AFP)