L'Ukraine arrache la bataille de l'embargo pétrolier européen mais recule à Severodonetsk face au rouleau compresseur russe

Mardi 31 Mai 2022

Ursula von der Leyen et Charles Michel
L'Ukraine a remporté une bataille en obtenant des Européens un embargo sur le pétrole russe, mais son armée recule face au rouleau compresseur russe dans l'est de l'Ukraine, où les forces de Moscou contrôlent désormais une partie de la ville-clé de Severodonetsk.
 
Après plusieurs semaines de blocage de la part d la Hongrie, les 27 dirigeants de l'Union européenne ont trouvé dans la nuit de lundi à mardi un accord sur un embargo progressif, lors d'un sommet à Bruxelles qui se poursuivait mardi. 
 
L'embargo frappera dans un premier temps uniquement le pétrole transporté par bateau, soit les deux tiers des achats européens d'or noir russe, et pas celui acheminé par oléoduc, ce qui a permis de lever le veto de Budapest.
 
"Cela va couper une énorme source de financement de la machine de guerre de la Russie", a affirmé dans un tweet le président du Conseil européen Charles Michel.
 
L'extension de l'embargo aux livraisons par oléoduc sera ensuite discutée "dès que possible" et, au total, ce sont 90% des exportations de pétrole russe vers l'UE qui seront arrêtées d'ici la fin de l'année, ont affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président français Emmanuel Macron.
 
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait interpellé par visioconférence, au début du sommet, les dirigeants européens sur leur nécessité de faire front face à la Russie et d'assécher ses ressources financières, dont les hydrocarbures représentent une part importante.
 
"L'Europe devra renoncer au pétrole russe. Car il en va de l'indépendance même des Européens vis-à-vis de l'arme énergétique russe", a-t-il commenté lundi soir dans son adresse quotidienne à ses compatriotes, avant même qu'un accord à Bruxelles ne soit annoncé.
 
Ce sixième paquet de sanctions européennes comprend aussi l'exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont la Sberbank, principal établissement du pays, une mesure qui pourrait entrer en vigueur dès cette semaine.
 
Sberbank a cependant assuré mardi que cette mesure n'aurait qu'un impact limité. "Les principales restrictions sont déjà en vigueur (...) "l'exclusion de Swift ne change rien à la situation pour les règlements internationaux", a indiqué dans un communiqué la banque, déjà visée par de lourdes mesures américaines et britanniques.
 
Les dirigeants européens ont également approuvé lundi soir l'octroi de neuf milliards d'euros au gouvernement ukrainien pour couvrir ses besoins immédiats en liquidités afin de faire fonctionner son économie.
 
Mardi, les dirigeants de l'UE devaient discuter des moyens de se passer à terme du gaz russe, plus indispensable à certains pays européens que le pétrole. 
  
- "Réalité de la guerre"-
 
L'adoption de ce nouveau paquet de sanctions intervient alors que l'armée ukrainienne perd du terrain dans l'est du pays, où les forces russes ont concentré leurs forces après s'être retirées de la région de Kiev fin mars et avoir achevé la prise du port stratégique de Marioupol (sud-est) le 20 mai. 
 
Les forces russes contrôlent désormais "une partie" de Severodonetsk, qu'elles pilonnent et essaient de prendre depuis des semaines, a reconnu mardi le gouverneur de la région Serguiï Gaïdaï, qualifiant la situation d'"ultra-compliquée".
 
Les efforts russes "se concentrent sur la prise de contrôle de Severodonetsk", résumait mardi matin l'armée ukrainienne dans son point quotidien.
 
Les forces russes ont pour objectif affiché de contrôler l'intégralité du grand bassin minier du Donbass, dont des forces séparatistes prorusses appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014. 
 
La ville de Severodonetsk, avec celle voisine de Lyssytchansk, situées à quelque 80 km de la capitale administrative régionale ukrainienne de Kramatorsk, est une agglomération-clé pour y parvenir.
 
C'est dans cette zone qu'a été tué lundi un journaliste français, Frédéric Leclerc-Imhoff, qui travaillait pour la chaîne BFMTV.
 
Il "était en Ukraine pour montrer la réalité de la guerre. A bord d'un bus humanitaire, aux côtés de civils contraints de fuir pour échapper aux bombes russes, il a été mortellement touché", a indiqué le président français Emmanuel Macron sur Twitter.
 
Il pourrait rester quelque 12.000 civils dans cette ville qui comptait 100.000 habitants avant la guerre, pris au piège des combats et des bombardements, a indiqué mardi le Norwegian Refugee Council, une ONG dont l'essentiel du personnel en Ukraine était, jusqu'à l'invasion russe de l'Ukraine le 14 février, basé dans cette ville.
 
Après avoir distribué aux habitants jusqu'à la semaine dernière de la nourriture et des biens de première nécessité à Severodonetsk et la région alentour, "l'intensification des combats rend maintenant les distributions impossibles", a indiqué son secrétaire général Jan Egeland dans un communiqué, appelant les belligérants à permettre l'accès des organisations humanitaires et l'évacuation des civils. 
 
Mais un cessez-le-feu même ponctuel paraissait improbable, en l'absence de tout pourparler de paix. 
 
- "Corridors sécurisés" pour les céréales ukrainiennes?
 
Pour l'instant, les discussions semblent se concentrer sur une reprise des exportations de céréales ukrainiennes, bloquées selon Kiev par le blocus russe des ports ukrainiens de la mer Noire, alimentant une crise alimentaire mondiale qui devait être également discutée au sommet de l'UE mardi.
 
Le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov se rendra le 8 juin en Turquie pour discuter de la mise en place de "corridors sécurisés" pour le transport des céréales ukrainiennes, a annoncé mardi son homologue turc Mevlüt Cavusoglu.
 
Lundi, le président russe Vladimir Poutine avait déclaré au président turc Recep Tayyip Erdogan, lors d'un entretien téléphonique, que la Russie était prête à travailler avec la Turquie à la libre circulation des marchandises en mer Noire, dont "l'exportation des céréales provenant des ports ukrainiens", selon un communiqué du Kremlin.
 
En attendant un éventuel déblocage des ports ukrainiens, les forces séparatistes prorusses ont annoncé mardi avoir relancé les activités portuaires de Marioupol, malgré la dévastation de cette ville sur la mer d'Azov, bombardée sans relâche pendant près de trois mois.
 
"Aujourd'hui 2.500 tonnes de rouleaux de tôle laminée sont sorties du port de Marioupol", en direction de la ville russe de Rostov-sur-le-Don, s'est réjoui le chef des séparatistes prorusses de Donetsk sur sa messagerie Telegram. (AFP)
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