Dans un paysage politique international souvent marqué par la polarisation et les affrontements stériles, les récentes discussions entre Ousmane Sonko, figure de proue de l'opposition sénégalaise, et Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), offrent une bouffée d'air frais. Leurs échanges sur des questions sociétales clivantes illustrent une expression positive de ce que doit être notre humanité : un dialogue ouvert, respectueux, et courageux entre deux hommes d'État.
Des positions divergentes mais respectueuses
Sonko et Mélenchon, bien que issus de contextes politiques et culturels différents, partagent une approche similaire sur l'importance du débat démocratique. Lors de leurs récents échanges, ces deux leaders ont exposé publiquement leurs divergences et convergences sur des sujets tels que l'immigration, la justice sociale, et la laïcité. Ils ont également abordé des questions particulièrement sensibles comme l'homosexualité et la polygamie.
Désaccord sur l’homosexualité
Jean-Luc Mélenchon, connu pour ses positions progressistes, défend les droits des personnes LGBTQ+ et prône l'égalité totale en matière de droits civiques. Ousmane Sonko, en revanche, reflète une perspective plus conservatrice, influencée par les normes culturelles et religieuses du Sénégal, où l'homosexualité est vue comme une dégénérescence morale, une perversion de la nature de l’Homme. Bien que leurs positions divergent nettement, leur discussion a été marquée par un ton de respect et une volonté d'écoute mutuelle, ce qui est notable dans un contexte où ce sujet suscite souvent des réactions passionnées et polarisées.
Divergence sur la polygamie
Un autre point de désaccord concerne la polygamie. Sonko, venant d'un pays où la polygamie est socialement acceptée et culturellement pratiquée, défend cette institution en tant que partie intégrante de la culture africaine. Mélenchon, en revanche, s'oppose fermement à la polygamie, la considérant incompatible avec les principes d'égalité entre les sexes promus par la République française. Ici encore, malgré des positions fondamentalement opposées, le dialogue entre les deux hommes est resté courtois et constructif.
Convergence sur les relations entre l'Afrique et l'Occident
Les échanges entre Sonko et Mélenchon ont également mis en lumière des convergences significatives concernant les relations entre l'Afrique et l'Occident. Ousmane Sonko, tout en réaffirmant son soutien aux pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), a déclaré : « Nous ne lâcherons pas nos frères du Sahel et nous ferons tout ce qu'il faut pour raffermir les liens et leur apporter notre solidarité.».
Il critique vivement les double-standards de certains pays occidentaux : « Ceux qui aujourd'hui condamnent des régimes considérés comme des régimes militaires ou dictatoriaux sont pourtant enclins à aller vers d'autres régimes qui ne sont pas démocratiques lorsqu'il s'agit de négocier du pétrole ou des marchés. Est-ce qu'à partir de ce moment, on peut dire qu'on se mêle de tout avec les mêmes principes ? Absolument pas. Les problèmes internes aux pays doivent être réglés par les citoyens de ces pays. Certes, il y a eu des coups d'État et certes, personne n'encourage la commission de coups d'État, mais je refuse de faire partie de ceux qui analysent les symptômes et refusent d'analyser les causes réelles de ces coups d'État.»
Mélenchon, bien qu'il partage certaines critiques du colonialisme passé et soutienne l'idée d'une relation plus équitable, aborde ces questions avec une perspective différente, souvent centrée sur les dynamiques géopolitiques actuelles et les enjeux de coopération internationale. Cette divergence reflète non seulement leurs contextes nationaux respectifs mais aussi leurs visions sur comment l'Afrique et l'Occident peuvent coexister et prospérer ensemble.
Un exemple de courage et de clarté
Ce qui rend ces échanges particulièrement remarquables, c'est la manière dont Sonko et Mélenchon abordent leurs désaccords. Au lieu de chercher à discréditer l'autre, ils argumentent avec des faits et des idées, illustrant ainsi ce que le philosophe Jürgen Habermas appelait « l’espace public » de la démocratie délibérative. Ils montrent que le désaccord n'est pas synonyme d'inimitié, mais peut être un vecteur de progrès lorsqu'il est exprimé avec courage et clarté. Nous autres Africains disons : « Si tu parles à quelqu’un et qu’il ne t’écoute pas, tais-toi ; écoute-le, peut-être qu’en l’écoutant tu sauras pourquoi il ne t’écoutait pas. »
Une rareté dans le monde politique actuel
Il est rare, de nos jours, de voir des leaders politiques s'engager dans des débats ouverts et constructifs. Trop souvent, le discours politique est réduit à des slogans simplistes et à des attaques personnelles. En ce sens, Sonko et Mélenchon offrent un modèle à suivre. Leur capacité à discuter des sujets sensibles sans tomber dans le piège de la division montre qu'il est possible d'avoir des désaccords sans que cela dégénère en animosité.
Une leçon pour les démocraties
Les échanges entre Sonko et Mélenchon devraient servir d'exemple pour les démocraties du monde entier. Ils rappellent que la politique doit être un espace de dialogue et de compréhension, pas de conflit perpétuel. En ces temps de défiance généralisée envers les institutions (malades) et les élites (déconnectées de la société), leur dialogue représente une lueur d'espoir pour une politique plus humaine et plus inclusive.
Samba THIONGANE (CONGAAN)
UIP (Ubuntu Internationale Panafricaine)