L’avenir politique de Trump entre les mains de Mitch McConnell

Jeudi 14 Janvier 2021

Le destin politique du bouillonnant Donald Trump est désormais entre les mains du chef des républicains au Sénat, le réservé Mitch McConnell, habile stratège qui s’est accommodé de ce partenaire politique inattendu pendant quatre ans pour faire avancer son programme conservateur, mais pourrait désormais le lâcher.
 
Fier de sa réputation de tacticien impitoyable, le conservateur âgé de 78 ans, dont plus de 35 passés au Sénat, se surnomme même « la Faucheuse », symbole de la mort des espoirs législatifs des démocrates à la chambre haute.  
 
Sauf qu’après quasi six ans passés à diriger la majorité républicaine, Mitch McConnell retombera le 20 janvier dans la minorité.  
Et Donald Trump en porte une bonne part de responsabilité.  
 
Derrière le basculement au Sénat : la victoire de deux démocrates en Géorgie, un État longtemps conservateur également remporté par Joe Biden. Pour la présidentielle de novembre comme lors des sénatoriales début janvier, le sentiment anti-Trump a mobilisé les électeurs en faveur des démocrates.  
 
Connaissant parfaitement l’effet de ses paroles mesurées, Mitch McConnell n’a rien laissé au hasard en rendant publique mercredi sa position, juste avant la deuxième mise en accusation historique de Donald Trump à la Chambre des représentants.
 
« Je n’ai pas pris ma décision définitive sur mon vote » lors du procès en destitution qui devra suivre au Sénat, à partir du 20 janvier.
 
En n’excluant pas de condamner pour incitation à l’insurrection le 45e président des États-Unis, Mitch McConnell sait qu’il peut avoir une influence décisive sur les sénateurs républicains qui hésitent.  
 
Mais le tacticien pourrait aussi, en refusant d’organiser en vitesse un procès au Sénat avant l’investiture de Joe Biden mercredi prochain, avoir dans le viseur les débuts de mandat du 46e président des États-Unis.  
 
Un procès en destitution risque en effet de monopoliser la chambre haute, indispensable au démocrate pour faire passer les lois qui permettront de lancer rapidement son programme, et nommer les membres de son cabinet.  
 
« Spirale mortelle »
 
Face à Donald Trump, le changement de ton est en tout cas radical comparé à son premier procès en destitution.  
 
À l’époque, Mitch McConnell avait imposé des débats à marche forcée, bien décidé à offrir au président un acquittement rapide. Le sénateur était alors l’un de ses fidèles alliés au Congrès, satisfait de l’avancée d’un programme conservateur sous sa présidence : plus de 220 juges fédéraux nommés par Donald Trump, sur environ 850, dont trois à la Cour suprême, temple du droit américain appelé à trancher les questions de société les plus sensibles, comme l’avortement et les armes.  
 
Mitch McConnell est d’ailleurs perçu comme l’un des artisans de la victoire choc du magnat de l’immobilier en 2016.  
 
En refusant de nommer un juge progressiste sur les bancs de la Cour suprême dans les derniers mois de la présidence de Barack Obama, il avait mobilisé des électeurs conservateurs, soucieux de ne pas voir la Cour tomber dans une majorité progressiste, en faveur du candidat républicain malgré le passé tumultueux de cet ancien démocrate.  
 
La réforme fiscale de l’administration Trump, promulguée fin 2017, est aussi l’une des grandes victoires législatives des conservateurs.  
 
Mais après l’assaut du Capitole et, auparavant, les semaines passées par Donald Trump à nier sa défaite à la présidentielle, la rupture semble bien consommée entre ces deux étranges alliés, que tout séparait.  
 
Le magnat de l’immobilier new-yorkais aux emportées tonitruantes est né riche héritier tandis que le sénateur du Kentucky, plus gris, au ton monocorde marqué d’un accent du Sud des États-Unis, où il a grandi, a survécu à la polio quand il était enfant.  
 
Refuser la victoire de Joe Biden, lors de la certification officielle au Congrès, risquerait de plonger la démocratie américaine « dans une spirale mortelle », avait mis en garde Mitch McConnell au Sénat le 6 janvier.
 
Peu après, des manifestants pro-Trump, convaincus de sa victoire, partaient à l’assaut du Capitole, où siégeaient les parlementaires. Mitch McConnell et les élus étaient évacués pendant que le président américain gardait un long silence.  
 
« Le Sénat américain ne se laissera pas intimider », avait-il martelé à son retour dans l’hémicycle, au soir du saccage.  
Les deux hommes ne se seraient pas parlés depuis l’assaut meurtrier.  
 
L’épouse de Mitch McConnell Elaine Chao, ministre des Transports de Donald Trump depuis son arrivée à la Maison-Blanche en 2017, a elle démissionné le lendemain, en se disant « troublée » par cet « évènement traumatisant ». (AFP)
 
 
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