Le triomphe de l’extrême droite aux élections néerlandaises a provoqué une onde de choc à Bruxelles, à moins de sept mois des élections européennes qui pourraient être marquées par une nouvelle poussée des forces eurosceptiques.
Aux yeux des formations pro-européennes, le leader du Parti de la liberté (PVV) Geert Wilders, proche de la Française Marine Le Pen, encensé également pour sa victoire par le Hongrois Viktor Orban, fait figure d’épouvantail.
Il pourfend les « diktats » de l’Union européenne et a promis pendant sa campagne un référendum sur le « Nexit », une potentielle sortie des Pays-Bas de l’UE. Sans parler de ses partis pris controversés sur le soutien à l’Ukraine ou la guerre au Proche-Orient.
Une arrivée de Geert Wilders à la table des dirigeants européens comme premier ministre de son pays n’est toutefois pas pour demain, préviennent les politologues.
« Il faut distinguer l’arithmétique (sa première place aux élections avec 37 sièges selon les dernières projections, NDLR) et ce qui est politiquement possible », rappelle Benoît Rihoux, professeur à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique, soulignant qu’il sera contraint à des compromis pour trouver des alliés et espérer former une coalition.
« Les Pays-Bas sont un membre fondateur de l’UE et nous continuons de compter sur sa pleine participation à l’Union, évidemment », a commenté Eric Mamer, porte-parole de la Commission européenne, en refusant de s’exprimer sur les résultats des élections.
À l’approche du scrutin européen de juin 2024, cette nouvelle progression d’un parti eurosceptique anti-immigration, dans le 7e pays le plus peuplé de l’UE (17 millions d’habitants), annonce un bouleversement possible des équilibres au Parlement de Strasbourg.
« On peut s’attendre au moins à une consolidation des populistes de droite voire à une augmentation de leur nombre de sièges au Parlement européen », explique Nathalie Brack, de l’Université libre de Bruxelles (ULB), jointe par l’AFP.
« Vivement juin »
Sans élu actuellement, le PVV pourrait y faire son entrée en renforçant les rangs du groupe Identité & Démocratie (ID) au côté notamment du Rassemblement national (RN) français et de l’AfD allemande, qui ont tous deux le vent en poupe, selon cette professeure de sciences politiques.
« Vivement juin 2024 ! », a réagi sur le réseau social X l’eurodéputé RN Jordan Bardella, un des vice-présidents du groupe ID, en saluant « une belle défaite infligée aux partisans de l’immigration massive et de l’islamisme».
Ce que Nathalie Brack décrit surtout comme « un mécontentement généralisé dans certains pays à l’égard des partis traditionnels » pourrait également profiter au groupe ECR du Parlement européen.
Constitué de conservateurs eurosceptiques issus de seize pays (d’Espagne avec les élus de Vox ou de Pologne avec ceux du PiS) ce groupe revendique 67 eurodéputés, devant ID (60) et juste derrière les Verts (72)… Qui pourraient bien être dépassés dans la future composition de l’hémicycle.
« Il y a même une possibilité qu’ECR devienne le troisième groupe du Parlement par exemple si les libéraux sont sanctionnés », indique encore la politologue de l’ULB.
Pour l’élu français Raphaël Glucksmann, probable tête de liste socialiste au scrutin européen, l’UE est « en danger » avec les succès engrangés par l’extrême droite élection après élection.
« Monsieur Wilders a fait campagne non seulement contre les musulmans, l’immigration, mais aussi contre le Pacte vert européen, la transition écologique, etc. », a-t-il relevé.
Figure symbolique des combats de la Commission européenne, architecte de son Pacte vert, le Néerlandais Frans Timmermans a perdu son pari de faire triompher un attelage écolo-socialiste dans son pays.
Distancé de 12 sièges par le PVV dans les dernières projections, l’ancien vice-président de l’exécutif européen aura du mal à tirer son épingle du jeu dans les négociations à venir. [AFP]