L'opposant Ousmane Sonko (g) et le Président Macky Sall
Quelle mouche a bien pu piquer le ministre de la Pêche Alioune Ndoye qui déclare : « si les députés (de l’opposition) veulent bloquer le gouvernement, le Président (de la république) va dissoudre l’Assemblée nationale. C’est la Constitution qui le permet.»
Ce que la tête de liste départementale de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY) oublie de préciser, c’est que l’article 87 de cette même Constitution ne permet la dissolution d’une Assemblée nationale nouvellement élue qu’après deux années de législature. En d’autres termes, cela ne serait possible qu’en juin ou juillet 2024, soit plus de trois après l’élection présidentielle de cette année-là...
En réalité, les propos du candidat socialiste pro-BBY dans la capitale cachent mal l’effrayante perspective que constituerait pour le président Macky Sall une cohabitation politique au sommet du pouvoir avec une majorité parlementaire d’opposition. Qui sortira vainqueur des élections législatives du 31 juillet 2022 ? Personne ne le sait ici et maintenant. Mais Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition présidentielle, a le mérite et l’honnêteté d’éclairer la lanterne d’une certaine opinion publique.
« Gouvernement et législatif contrôlés par l’opposition »
Avant et surtout depuis le début de la campagne électorale, les principaux responsables de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi et leurs alliés de Wallu théorisent une potentielle victoire qui réduirait drastiquement les pouvoirs et la marge de manœuvre du Président de la République. Cela s’appellerait « cohabitation ». Un scénario qui n’a jamais pratiquement existé au Sénégal et que le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup explique en ces termes sur sa page Facebook :
Et pour confirmer les mots d’Aminata Touré, le juriste Ngouda Mboup va plus loin en ce qui concerne l’état de prisonnier dans lequel est pris le chef de l’Etat en exercice s’il ne parvient pas à conserver et consolider sa majorité parlementaire, et donc si la nouvelle majorité appartient à ses adversaires (articles 55 et 86 de la Constitution).
En parlant du « monarque qui règne mais ne gouverne pas», Ngouda Mboup pensait peut-être, entre divers exemples, à l’une ou aux deux cohabitations survenues en France.
D’abord quand le socialiste François Mitterrand, arrivé au pouvoir en mai 1981 après plus de vingt ans d’opposition, est contraint de nommer premier ministre le libéral gaulliste et conservateur Jacques Chirac dont le parti (Rassemblement pour la république, RPR) arrive premier aux législatives de mars 1986. Cette cohabitation durera jusqu’en mai 1988.
Ensuite lorsque le même Mitterrand, pourtant réélu pour un second septennat 1988-1995, doit vivre une deuxième cohabitation avec un autre premier ministre de droite, Edouard Balladur, aux termes des législatives de 1993. L’élection victorieuse de Jacques Chirac en 1995 contre…Edouard Balladur, la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans à partir de 2002, et le placement des législatives dans la foulée de la présidentielle ont favorisé depuis une concordance des majorités présidentielle et parlementaire.
Malgré sa victoire présidentielle du 19 avril 2022 contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est retrouvé avec une courte majorité parlementaire aux législatives de juin. Une assemblée nationale fortement renouvelée avec deux fortes minorités d’opposition a émergé : le Rassemblement national (RN) d’extrême droite (89 députés) et la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), une alliance de gauche suscitée par Jean-Luc Mélenchon (137 députés).
« Inenvisageable ». C’est le qualificatif utilisé par un membre de la majorité présidentielle sénégalaise pour récuser toute perspective d’un partage quelconque des pouvoirs entre le chef de l’Etat et ses opposants aux termes des législatives du 31 juillet prochain. Ce synopsis politique n’est pas loin d’équivaloir à une fin de monde pour Macky Sall lequel ne s’en cache pas d’ailleurs.
La stabilité du Sénégal et de ses institutions dépend néanmoins des comportements des électeurs lors des scrutins, d’autant plus que les législatives ne sont plus « dans la foulée » de l’élection présidentielle. Principal chef de l’opposition sénégalaise et de la coalition Yewwi Askan Wi, Ousmane Sonko a donné à ces législatives un double sens : imposer la cohabitation politique à Macky Sall en obtenant une majorité de députés, et lui enlever toute envie de postuler à une troisième candidature présidentielle en 2024.
« Cohabitation ? Scénario inimaginable ! » (Président Macky Sall)
Selon des sources médiatiques, le président Sall a mis un paquet financier important dans ces élections parlementaires dont l’issue transformerait sa trajectoire politique, en bien ou en mal. Une défaite de ses troupes serait d’autant moins supportable que, note le juriste Ngouda Mboup, deux leviers constitutionnels seraient alors entre les mains de la majorité parlementaire imposée par les urnes.
D’une part, sur la base de l’article 100 de la Constitution, le parlement va élire les nouveaux membres de la Haute Cour de Justice. Et d’autre part, avec l’article 101, « la majorité parlementaire peut mettre en accusation le premier ministre, les ministres et le Président de la République » lui-même.
Eu égard aux rancœurs nées de l’adversité violente qui oppose Macky Sall à certains de ses opposants dont le moindre n’est pas Ousmane Sonko, il est effectivement plus sage pour le chef de l’Etat et ses partisans de considérer une cohabitation comme perspective politique inenvisageable au soir des élections du 31 juillet. Cela, ce sont les électeurs sénégalais qui en décideront. A moins que le candidat Alioune Ndoye révèle ce que sont « les moyens » du Président Sall pour « contourner (le) plan » de ses opposants au niveau de l’hémicycle.
Ce que la tête de liste départementale de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY) oublie de préciser, c’est que l’article 87 de cette même Constitution ne permet la dissolution d’une Assemblée nationale nouvellement élue qu’après deux années de législature. En d’autres termes, cela ne serait possible qu’en juin ou juillet 2024, soit plus de trois après l’élection présidentielle de cette année-là...
En réalité, les propos du candidat socialiste pro-BBY dans la capitale cachent mal l’effrayante perspective que constituerait pour le président Macky Sall une cohabitation politique au sommet du pouvoir avec une majorité parlementaire d’opposition. Qui sortira vainqueur des élections législatives du 31 juillet 2022 ? Personne ne le sait ici et maintenant. Mais Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition présidentielle, a le mérite et l’honnêteté d’éclairer la lanterne d’une certaine opinion publique.
« Je pense qu’il faudrait nommer (un premier ministre) au lendemain des législatives, car celui-ci devra sortir des rangs de la nouvelle majorité parlementaire. C’est une fonction importante, une tâche nécessaire.» (in « Jeune Afrique », juillet 2022).
« Gouvernement et législatif contrôlés par l’opposition »
Avant et surtout depuis le début de la campagne électorale, les principaux responsables de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi et leurs alliés de Wallu théorisent une potentielle victoire qui réduirait drastiquement les pouvoirs et la marge de manœuvre du Président de la République. Cela s’appellerait « cohabitation ». Un scénario qui n’a jamais pratiquement existé au Sénégal et que le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup explique en ces termes sur sa page Facebook :
« En période de cohabitation, le Gouvernement et le Législatif seront contrôlés par l’opposition. Le Président de la république va devenir, selon la maxime de Gambetta, un monarque qui règne mais ne gouverne pas…»
Et pour confirmer les mots d’Aminata Touré, le juriste Ngouda Mboup va plus loin en ce qui concerne l’état de prisonnier dans lequel est pris le chef de l’Etat en exercice s’il ne parvient pas à conserver et consolider sa majorité parlementaire, et donc si la nouvelle majorité appartient à ses adversaires (articles 55 et 86 de la Constitution).
« L’Assemblée nationale peut renverser le Gouvernement si le Président refuse de nommer un premier ministre issu de l’opposition », souligne le juriste.
En parlant du « monarque qui règne mais ne gouverne pas», Ngouda Mboup pensait peut-être, entre divers exemples, à l’une ou aux deux cohabitations survenues en France.
D’abord quand le socialiste François Mitterrand, arrivé au pouvoir en mai 1981 après plus de vingt ans d’opposition, est contraint de nommer premier ministre le libéral gaulliste et conservateur Jacques Chirac dont le parti (Rassemblement pour la république, RPR) arrive premier aux législatives de mars 1986. Cette cohabitation durera jusqu’en mai 1988.
Ensuite lorsque le même Mitterrand, pourtant réélu pour un second septennat 1988-1995, doit vivre une deuxième cohabitation avec un autre premier ministre de droite, Edouard Balladur, aux termes des législatives de 1993. L’élection victorieuse de Jacques Chirac en 1995 contre…Edouard Balladur, la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans à partir de 2002, et le placement des législatives dans la foulée de la présidentielle ont favorisé depuis une concordance des majorités présidentielle et parlementaire.
Malgré sa victoire présidentielle du 19 avril 2022 contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est retrouvé avec une courte majorité parlementaire aux législatives de juin. Une assemblée nationale fortement renouvelée avec deux fortes minorités d’opposition a émergé : le Rassemblement national (RN) d’extrême droite (89 députés) et la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), une alliance de gauche suscitée par Jean-Luc Mélenchon (137 députés).
« Inenvisageable ». C’est le qualificatif utilisé par un membre de la majorité présidentielle sénégalaise pour récuser toute perspective d’un partage quelconque des pouvoirs entre le chef de l’Etat et ses opposants aux termes des législatives du 31 juillet prochain. Ce synopsis politique n’est pas loin d’équivaloir à une fin de monde pour Macky Sall lequel ne s’en cache pas d’ailleurs.
« L’opposition veut une cohabitation ? Vous savez très bien que, même dans les pays développés, c’est rarement une réussite. Je ne peux imaginer un tel scénario au Sénégal. Nous sommes sous un régime présidentiel : on élit un président et on lui donne, dans la foulée, une majorité pour gouverner. Le passage du septennat au quinquennat a modifié l’ordre des choses, mais ne change rien sur le fond : le sénégal, comme l’Afrique, a besoin de stabilité. » (in « Jeune Afrique » juin 2022)
La stabilité du Sénégal et de ses institutions dépend néanmoins des comportements des électeurs lors des scrutins, d’autant plus que les législatives ne sont plus « dans la foulée » de l’élection présidentielle. Principal chef de l’opposition sénégalaise et de la coalition Yewwi Askan Wi, Ousmane Sonko a donné à ces législatives un double sens : imposer la cohabitation politique à Macky Sall en obtenant une majorité de députés, et lui enlever toute envie de postuler à une troisième candidature présidentielle en 2024.
« Cohabitation ? Scénario inimaginable ! » (Président Macky Sall)
Selon des sources médiatiques, le président Sall a mis un paquet financier important dans ces élections parlementaires dont l’issue transformerait sa trajectoire politique, en bien ou en mal. Une défaite de ses troupes serait d’autant moins supportable que, note le juriste Ngouda Mboup, deux leviers constitutionnels seraient alors entre les mains de la majorité parlementaire imposée par les urnes.
D’une part, sur la base de l’article 100 de la Constitution, le parlement va élire les nouveaux membres de la Haute Cour de Justice. Et d’autre part, avec l’article 101, « la majorité parlementaire peut mettre en accusation le premier ministre, les ministres et le Président de la République » lui-même.
Eu égard aux rancœurs nées de l’adversité violente qui oppose Macky Sall à certains de ses opposants dont le moindre n’est pas Ousmane Sonko, il est effectivement plus sage pour le chef de l’Etat et ses partisans de considérer une cohabitation comme perspective politique inenvisageable au soir des élections du 31 juillet. Cela, ce sont les électeurs sénégalais qui en décideront. A moins que le candidat Alioune Ndoye révèle ce que sont « les moyens » du Président Sall pour « contourner (le) plan » de ses opposants au niveau de l’hémicycle.