La Cour suprême lui a déjà accordé bien plus qu’il ne pouvait espérer, mais il en veut encore davantage. De retour au pouvoir, Donald Trump pourra resserrer durablement l’emprise conservatrice sur l’appareil judiciaire américain, voire la Cour elle-même.
Dans un arrêt historique, la Cour, par une majorité de six voix contre trois – les juges conservateurs contre les progressistes –, a en particulier reconnu le 1er juillet au président des États-Unis une large présomption d’immunité pénale pour ses « actes officiels ».
Elle a ainsi de facto permis à l’ex-président de ne pas être jugé avant l’élection présidentielle du 5 novembre pour tentatives illicites d’inverser les résultats du scrutin de 2020 remporté par Joe Biden.
Et maintenant son élection lui assure d’échapper virtuellement à toute poursuite jusqu’à son départ de la Maison-Blanche.
En raison de l’ampleur de la victoire, avec une majorité républicaine dans les deux chambres du Parlement, « il apparaît inévitable que la Cour suprême sera une fois encore la dernière institution à pouvoir s’opposer à tout ce que M. Trump veut faire », prévient le professeur de droit constitutionnel Steve Vladeck.
Au regard de son précédent mandat, « il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu’il y aura des cas dans lesquels son comportement ira trop loin pour la majorité actuelle de la Cour », écrit-il dans une tribune publiée cette semaine par le New York Times.
« Aller se faire voir »
Les questions dont sera saisie la Cour suprême « porteront sur le respect des libertés publiques et des droits constitutionnels, s’agissant par exemple des mesures prises par la nouvelle administration en matière d’immigration », explique à l’AFP Christopher Peters, professeur de droit à l’Université d’Akron.
« Il est possible qu’un nombre suffisant de [juges de] la majorité résiste à une option extrême que Trump pourrait adopter », dit-il, rappelant que cela s’est déjà produit pendant son premier mandat, y compris de la part de certains des trois juges conservateurs qu’il a nommés à vie.
« La Cour suprême est légèrement en meilleure posture pour résister un peu si elle le souhaite parce qu’elle est perçue comme tellement réceptive aux positions d’une administration Trump qu’il serait politiquement difficile à cette dernière de la discréditer en cas de décision défavorable », ajoute Christopher Peters.
Mais selon Steve Vladeck, « il sera cette fois beaucoup plus difficile pour les juges de réfréner » Donald Trump, « même s’ils le veulent », car la Cour s’est discréditée avec des « arrêts controversés », comme l’annulation de la protection fédérale du droit à l’avortement en 2022 ou l’immunité présidentielle, et le « comportement éthiquement discutable de certains » juges.
Le constitutionnaliste vise ainsi les largesses accordées par des milliardaires aux deux membres les plus conservateurs, Clarence Thomas et Samuel Alito.
« Que se passera-t-il si la Cour rend une décision défavorable à M. Trump et qu’il leur dit d’aller se faire voir ? », s’interroge-t-il aussi.
« Les présidents mécontents de décisions de la Cour suprême s’y sont néanmoins historiquement pliés à cause des conséquences politiques de ne pas le faire », rappelle-t-il, citant les précédents de Richard Nixon et George W. Bush.
« Une génération »
Dans ce contexte, Donald Trump pourrait encore renforcer sa mainmise sur les leviers du pouvoir en cas de vacance au sein de la Cour.
Cette hypothèse pourrait se matérialiser rapidement si les doyens de la Cour, Clarence Thomas, 76 ans, et Samuel Alito, 74 ans, partaient à la retraite.
Cela ne modifierait pas le rapport de forces entre conservateurs et progressistes, mais l’inscrirait dans la durée puisque Donald Trump leur choisirait certainement des successeurs bien plus jeunes.
Il faudrait dans ce cas « que cela arrive rapidement et assez tôt dans la présidence Trump », avant les élections de mi-mandat en 2026 susceptibles d’inverser la majorité au Sénat, qui statue sur ces nominations, indique à l’AFP Steven Schwinn, professeur de droit constitutionnel à l’Université de l’Illinois à Chicago.
La décision leur appartient entièrement, mais « ils sont tous les deux assez avisés politiquement pour voir que c’est le moment s’ils veulent sceller une majorité conservatrice à la Cour pour au moins encore une génération », souligne-t-il.
S’il restait jusqu’en 2028, Clarence Thomas pourrait en revanche battre le record de longévité de plus de 36 ans à la Cour suprême, détenu par le juge progressiste William Douglas. [AFP]