La Françafrique est "derrière nous", dit Ayrault sur le Gabon

Vendredi 2 Septembre 2016

PARIS (Reuters) - La France est partenaire des pays africains mais n'a pas vocation à s'ingérer dans leurs affaires internes, a déclaré vendredi Jean-Marc Ayrault sur fond de crise électorale au Gabon, ancien pilier de la "Françafrique".

L'annonce de la victoire du président sortant Ali Bongo dans ce petit pays d'Afrique centrale riche en pétrole a été suivie par des heurts entre forces de l'ordre et soutiens de l'opposant Jean Ping à Libreville, faisant craindre un embrasement.
 
Avant la publication des résultats, le gouvernement gabonais avait dénoncé "des ingérences multiples", notamment de la Côte d'Ivoire et du Parti socialiste français, et avait appelé au respect de sa souveraineté. Dans le collimateur de Libreville, le communiqué du PS publié dimanche dans lequel il estimait qu'"une alternance serait signe de bonne santé démocratique et un exemple" après plus d'un demi-siècle de règne de la famille Bongo.
 
La période de la "Françafrique", synonyme de réseaux occultes entre la France et l'Afrique, "est derrière nous", a dit Jean-Marc Ayrault sur France 2. "Nous sommes des partenaires de l'Afrique mais nous ne voulons en aucun cas nous ingérer dans les affaires intérieures des pays", a-t-il ajouté. "Ce serait irrespectueux pour les Africains, ils ne nous le demandent pas. Simplement, quand ils s'expriment ils nous demandent de dire le droit, de rappeler les principes et c'est ce que nous faisons".

"Je crois que c'est très important qu'on sache quelle est la ligne de la France, elle est claire".
Quelque 14.000 ressortissants français vivent au Gabon, où la France dispose d'une base militaire avec 450 soldats.
 
"NOUVELLE DONNE"
A son arrivée au pouvoir en 2012, François Hollande avait déclaré que le temps de la "Françafrique" était révolu. "Il y a la France, il y a l'Afrique, il y a le partenariat entre la France et l'Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité", avait dit le chef de l'Etat lors d'une visite au Sénégal en octobre 2012.
 
Quatre ans plus tard, si les relations historiques entre la France et les pays africains demeurent, la configuration n'est plus la même, souligne Philippe Hugon, directeur de recherche chargé de l'Afrique à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Il y a des restes de relation de Françafrique, c'est indéniable, mais les choses ont évolué, il y a une nouvelle donne", dit-il. Au Gabon, "ce que souhaite avant tout la France, c'est évident, c'est qu'il n'y ait pas de guerre ou de conflit grave par affrontement après le résultat des élections".
 
Un avis partagé par Aline Leboeuf, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et co-auteure en 2014 d'un rapport sur la politique africaine de la France sous François Hollande. "Il y a plusieurs interprétations de la Françafrique : la première c'est l'existence de réseaux parallèles", dit-elle. "Il y a vraiment eu un recentrage, une clarification sur le fait que s'il y avait des négociations avec partenaires africains, il fallait passer par le canal officiel", dit-elle.
"Après, si la fin de la Françafrique veut dire assainir les relations avec les partenaires africains, ça c'est assez délicat à mettre en place", ajoute-t-elle.
 
"La France garde une certaine autonomie mais ce sera toujours très difficile pour elle de critiquer les gouvernements en place contrairement à ce que font les Américains qui sont capables de critiquer ouvertement des décideurs africains tout en promouvant les intérêts économiques de leur pays".
 
Dans les rangs des diplomates, la question divise.
"J'entendais encore hier qu'on était au Mali pour défendre nos intérêts, quels intérêts?", soulignait récemment une source diplomatique. "Il n'y a pas d'intérêts français au Mali, au mieux, on a défendu les intérêts canadiens ou même américains des mines d'or."
"Au-delà de cela, c'est quand même le continent avec lequel on a des affinités historiques et sur lequel politiquement et diplomatiquement on a encore une main politique", ajoutait cette source. "Si on la perd ou si on ne la cultive pas, je ne sais pas sur quel continent on l'aura à ce niveau-là".
 
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