La France propose une prise en charge d'éventuelles pénalités US

Lundi 21 Mai 2018

PARIS (Reuters) - La France propose que le coût d’éventuelles sanctions financières imposées par les Etats-Unis à des entreprises européennes soit pris en charge par le budget européen, a déclaré dimanche son ministre de l’Economie et des finances. La décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien ouvre la voie à des sanctions à l’encontre d’entreprises européennes ayant des relations d’affaires avec l’Iran.

“Est-ce que nous acceptons que les Etats-Unis soient le gendarme économique de la planète ? La réponse européenne doit être clairement non”, a déclaré Bruno Le Maire, invité du Grand Rendez-vous Europe 1-Les Echos-CNEWS.

La Commission européenne a décidé la semaine passée d’activer un règlement européen de novembre 1996, adopté à l’époque pour contourner l’embargo américain à Cuba et censé protéger les entreprises européennes contre “l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers” - en d’autres termes, contre des sanctions américaines.

Il permet théoriquement aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à de telles législations ou sanctions mais n’a jamais été employé jusqu’ici.

Les gouvernements de l’Union européenne considèrent que cette “loi de blocage” est plus une arme politique qu’un instrument juridique pratique, car elle est assez vague et difficile à mettre en oeuvre.

La France propose cependant de s’appuyer sur ce règlement pour renforcer la souveraineté économique de l’UE et protéger les entreprises européennes, a expliqué Bruno Le Maire.

“Le renforcement du règlement de 1996 (...) nous permettrait de prendre à notre charge l’éventuel prix des sanctions payées par les entreprises et qui pourrait être payé par l’Union européenne”, a-t-il déclaré.

La France souhaite aussi que l’Europe se dote de “systèmes de financement autonomes” pour que les entreprises européennes désireuses d’investir à l’étranger, par exemple en Iran, ne dépendent plus du système financier et bancaire américain.
  RIPOSTER OU DISPARAÎTRE
Pour le ministre français, le budget européen devrait être mis à contribution : “Nous sommes en train de travailler sur les perspectives financières de l’Europe, sur le nouveau budget européen. Est-ce qu’il ne faut pas que nous réfléchissions à ce qui, dans ce budget, pourrait être prévu pour payer notre autonomie, pour payer notre indépendance ?”

La France est par ailleurs en faveur d’une capacité de riposte de l’Europe, pour sanctionner des entreprises qui ne respecteraient pas ses règles.

“L’Europe est à la croisée des chemins : soit elle construit sa souveraineté, elle affirme sa puissance politique, et, dans ce cas-là, elle ne sera pas broyée par les Etats-Unis et par la Chine ; soit elle se couche, elle cède. Mais là, effectivement, elle disparaîtra”, a-t-il averti.

Il a dit comprendre qu’un groupe comme Total envisage de renoncer à un projet gazier en Iran s’il n’obtient pas une “dérogation” aux sanctions américaines.

“Il y a des entreprises dont nous pouvons parfaitement comprendre que, dans l’immédiat (...), elles n’ont pas d’autre choix que de partir”, a dit Bruno Le Maire, qui a aussi cité le cas d’Airbus.

“Aujourd’hui il y a un contrat de 100 Airbus qui doivent être livrés à l’Iran. Airbus ne peut pas le faire. Pourquoi ? Parce que dans un A350, il y a 40% de composants américains.”

Le ministre de l’Economie et des Finances a également invoqué l’accord tout juste conclu par la Chine et les Etats-Unis pour tenter d’éviter une guerre commerciale.

“C’est bien la preuve par l’exemple pour ceux qui en doutaient encore (...) que les Etats-Unis et la Chine risquent de se mettre d’accord sur le dos de l’Europe si l’Europe n’est pas capable de montrer de la fermeté”, a-t-il dit.
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