Dans le cadre des récentes mobilisations étudiantes à Sciences Po Paris, en solidarité avec le peuple palestinien, les déclarations d'Aymeric Caron et de Rima Hassan ont marqué les esprits par leur virulence et leur profondeur critique à l'égard de la réponse française aux bombardements israéliens sur la bande de Gaza, en Palestine.
Les deux figures politiques ont également dénoncé les restrictions de la liberté d'expression en France, exprimant leurs inquiétudes et leurs critiques sur la manière dont la France gère sa politique extérieure et intérieure en ce contexte de crise.
Pour rappel, le comité Palestine de Sciences Po, moteur de cette mobilisation, exige de l'université parisienne une "condamnation explicite des actions d'Israël" ainsi que "la cessation de toute collaboration" avec des "institutions ou entités" considérées complices "de l'oppression systématique du peuple palestinien". Il réclame par ailleurs la fin de "la répression des expressions pro-palestiniennes sur le campus", alors qu'une intervention policière a récemment eu lieu dans l'université, pour tente de mettre fin à la mobilisation étudiante.
Le manque d'actions concrètes de la France
Aymeric Caron, député apparenté à La France Insoumise, a ouvert le bal des critiques en pointant du doigt le manque d'actions effectives de la France face aux bombardements israéliens qui se poursuivent dans la bande de Gaza :
"La France n'est clairement pas à la hauteur de son rang depuis six mois. Effectivement, il y a régulièrement des messages d'interrogation, voire presque de condamnation de certaines actions, de certaines situations, comme en ce qui concerne les charniers qui sont découverts autour d'hôpitaux [de la bande de Gaza]. Mais en réalité, ce sont des paroles qui sont suivies de très peu d'effet voir d'aucun effet du tout. La France est extrêmement décevante depuis le début de l'offensive qui est menée par l'armée israélienne contre Gaza, et je dirais même qu'elle se déshonore par rapport aux valeurs qu'elle est censée porter", a-t-il déclaré en réponse à une question d'Anadolu.
Pour rappel, depuis le 20 avril, un émoi international se manifeste suite à la mise au jour de fosses communes dans l'hôpital Nasser.
Les forces de la défense civile palestinienne, appuyées par diverses photos et vidéos, ont révélé l'existence de nombreux cadavres enterrés au sein de l'enceinte de l'établissement médical à Khan Younes, dans le sud de Gaza.
Face à ces révélations, l'Union européenne et les Nations Unies, rapidement rejointes par la France le 25 avril, ont demandé l'ouverture d'une enquête indépendante. Ces fosses ont été exhumées par la défense civile palestinienne à compter du 20 avril, révélant initialement une cinquantaine de corps. Les recherches ont continué les jours suivants, portant le total à 340 corps selon les chiffres de la défense civile palestinienne.
Aymeric Caron a également abordé les implications de cette position sur la scène internationale, en critiquant notamment le soutien continu des États-Unis à Israël : "Aujourd'hui, la priorité, c'est évidemment d'arrêter de financer Israël devant sa campagne militaire.
Donc, il faut arrêter d'armer Israël, il faut arrêter d'apporter de l'argent à cette campagne militaire. Si, aujourd'hui, les États-Unis arrêtent de fournir des armes, ça y est, c'est terminé ! On peut enfin se mettre autour d'une table et parler de la paix."
Répression de la mobilisation pro-palestinienne
D'un autre côté, Rima Hassan a mis l'accent sur les répressions internes, singulièrement les attaques contre la liberté d'expression en France. Selon elle, la situation actuelle révèle des failles profondes dans le respect des libertés fondamentales :
"Ce qui se passe est inédit bien sûr. Et il faut dézoomer. Il ne s'agit pas de cas individuels, de Rima Hassan ou de Mathilde Panot. Mathilde Panot, c'est une présidente de groupe [parlementaire] qui est députée de l'opposition. Derrière ces plaintes, c'est véritablement la liberté d'expression, nos libertés fondamentales auxquelles on porte atteinte", a-t-elle expliqué à Anadolu.
Elle a poursuivi en insistant sur l'importance de la cause palestinienne comme révélateur des libertés en France : "La cause palestinienne est très structurante et elle nous apprend une chose : que les libertés fondamentales ne sont pas acquises. C'est une bataille de tous les instants."
Pour rappel, Mathilde Panot, la présidente du groupe parlementaire La France insoumise (LFI), a annoncé mardi être convoquée par la police suite à un communiqué de son groupe.
Cette convocation fait partie d'une enquête pour apologie du terrorisme initiée après la publication d'un communiqué datant du 7 octobre 2023, jour d'une attaque lancée par le Hamas contre Israël. Le texte en question a suscité la controverse pour ne pas avoir désigné le Hamas comme une organisation terroriste.
D'autres personnalités politiques telles que le fondateur de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, ou encore Rima Hassan, ont également été interdites de tenir des conférences dans les universités françaises. Un nombre important de syndicalistes, artistes, sportifs, et étudiants sont aussi inquiétés par la justice concernant l'expression de leur soutien à la cause palestinienne et leur dénonciation des bombardements israéliens sur la bande de Gaza.
Les interventions de ces personnalités politiques interrogées par Anadolu, interviennent dans un contexte de manifestations étudiantes qui prennent de l'ampleur, non seulement à Paris, mais aussi dans d'autres grandes universités à travers le monde, notamment aux États-Unis, où des étudiants occupent leurs campus pour exprimer leur solidarité et exiger des actions concrètes de leurs gouvernements.
Les propos de Caron et Hassan, en résonance avec ces mouvements, appellent à une réflexion plus profonde sur les engagements de la France et le respect des droits fondamentaux au niveau national et international.
Situation humanitaire à Gaza
Pour rappel, Israël poursuit, depuis octobre 2023, ses bombardements indiscriminés sur la bande de Gaza, alors que l'attention internationale s'est récemment tournée sur le conflit entre Tel Aviv et Téhéran.
Depuis plus de six mois, Israël mène une guerre dévastatrice dans l'enclave palestinienne, qui a fait des dizaines de milliers de victimes civiles, pour la plupart des enfants et des femmes, en plus d'une catastrophe humanitaire sans précédent et d'une destruction massive des infrastructures.
En raison de la guerre et des restrictions israéliennes, la population gazaouie, particulièrement celle des districts de Gaza et du nord de l’enclave palestinienne, est au bord de la famine, tandis qu'une grave pénurie de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant frappe ce territoire à la suite du siège total imposé par Israël.
Le conflit a provoqué le déplacement d'environ deux millions de Palestiniens à l’intérieur de la bande de Gaza, soumise au blocus israélien depuis 17 ans.
Il est également à noter que, pour la première fois depuis sa fondation en 1948, l'État d'Israël est poursuivi pour crime de génocide devant la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, pour son offensive meurtrière contre la bande de Gaza.
Une ordonnance rendue le 26 janvier par la CIJ a ordonné à Tel-Aviv de prévenir la réalisation d'actes susceptibles d'être considérés comme génocidaires et de prendre des mesures pour garantir l'acheminement de l'aide humanitaire aux civils de Gaza. [AA]