La Turquie lance une offensive terrestre et aérienne en Syrie

Dimanche 21 Janvier 2018

La Turquie a lancé samedi une offensive terrestre et aérienne dans le nord de la Syrie contre une milice kurde qu'elle considère comme une organisation terroriste, une opération considérée avec inquiétude par Washington.

Dix personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées dans des bombardements turcs dans la région d'Afrine, a affirmé un porte-parole de la milice kurde qui contrôle la région.

Dans la soirée, la milice a affirmé dans un communiqué qu'elle allait "tenir la Russie pour responsable de ces attaques au même titre que la Turquie". "La Russie sera tenue pour responsable pour tous les massacres perpétrés dans le canton d'Afrine", a-t-elle ajouté.

L'opération, baptisée "Rameau d'olivier", a débuté à 14H00 GMT, a annoncé l'armée turque. Parmi les cibles figurent notamment l'aéroport militaire de Minnigh, selon l'agence de presse turque Anadolu, qui évoque au total 108 cibles touchées.

"L'opération Afrine a commencé de facto sur le terrain", avait déclaré plus tôt le président turc Recep Tayyip Erdogan dans un discours télévisé, citant le nom de l'enclave contrôlée par les Kurdes.

Afrine est tenue par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde considérée par Ankara comme une organisation terroriste mais alliée des Etats-Unis dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI).

Ankara accuse les YPG d'être la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie depuis plus de trente ans et est considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme une organisation terroriste.

- 'Brutale agression' -

Mais les YPG ont aussi été un allié incontournable des Etats-Unis, partenaires de la Turquie au sein de l'Otan, dans la guerre contre le groupe Etat islamique. Elles ont joué un rôle majeur dans l'éviction des jihadistes de tous leurs principaux fiefs de Syrie.

Face à cette offensive turque, la Russie a appelé à la "retenue", alors que la Syrie avait affirmé jeudi qu'elle abattrait tout appareil militaire turc s'aventurant dans son espace aérien.

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a indiqué samedi que son pays tenait le président syrien Bachar al-Assad informé "par écrit" de son offensive, ce que le régime syrien a nié, dénonçant une "brutale agression de la Turquie sur Afrine".

La Grande-Bretagne a de son côté estimé que la Turquie avait un "intérêt légitime" à assurer la sécurité de ses frontières.

Les analystes estiment qu'aucune offensive majeure ne peut être lancée en Syrie sans l'aval de la Russie, présente militairement dans la région et qui entretient de bonnes relations avec les YPG.

Le chef de l'armée turque, le général Hulusi Akar, et celui des services de renseignement, Hakan Fridan, se sont rendus à Moscou jeudi pour des entretiens.

"La Turquie ne lancera pas une offensive terrestre et aérienne totale sans la bénédiction de Moscou", avait estimé Anthony Skinner, analyste du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft.

Le ministère russe de la Défense a annoncé samedi que les militaires russes déployés dans la zone d'Afrine avaient quitté leurs positions pour "empêcher d'éventuelles provocations" ou menaces à leur encontre.

Les menaces d'intervention turque avaient suscité l'inquiétude à Washington, qui a soutenu les YPG dans leur lutte contre l'EI et leur prise de contrôle d'une grande partie du nord de la Syrie, jusqu'à la frontière irakienne.

Selon Moscou, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov s'est entretenu samedi au téléphone avec son homologue américain Rex Tillerson et ils ont évoqué "les mesures visant à assurer la stabilité dans le nord" de la Syrie.

"Nous ne pensons pas qu'une opération militaire (...) aille dans le sens de la stabilité régionale, de la stabilité de la Syrie, ou de l'apaisement des craintes de la Turquie pour la sécurité de sa frontière", avait averti vendredi le département d'Etat.

Une opération turque constituerait "un sérieux coup dur" pour la coalition dirigée par les Etats-Unis en Syrie, qui dépend encore fortement des YPG pour stabiliser la région après la débandade de l'EI, selon l'analyste Anthony Skinner.

M. Erdogan a réagi avec colère, cette semaine, à l'annonce d'un plan pour constituer une force de 30.000 hommes, provenant en partie des YPG, sous l'égide des Etats-Unis, à la frontière nord de la Syrie. Il a qualifié ce projet de force d'"armée de la terreur".

Par ailleurs, 16 civils ont été tués près de Damas dans un bombardement des forces gouvernementales contre des rebelles retranchés dans l'enclave de Goutha, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Et au moins 13 Syriens sont morts en tentant de fuir leur pays vers le Liban voisin pendant une tempête de neige, selon un nouveau bilan fourni samedi par l'ONU.
 
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