La chute de Mugabe, un espoir pour les oppositions en Afrique ?

Jeudi 23 Novembre 2017

Quelques heures après la démission forcée de Robert Mugabe, qui était au pouvoir au Zimbabwe depuis 37 ans, le président ougandais Yoweri Museveni annonçait des hausses de salaires pour les militaires et les fonctionnaires. Lui aussi ancien guérillero, Museveni, âgé de 73 ans, vingt ans de moins que Mugabe, est à la tête de son pays depuis plus de trente ans. Et le sort de l'ex-président zimbabwéen a peut-être de quoi l'inquiéter.
 
"Maintenant que la situation économique s'améliore en Ouganda, le gouvernement va pouvoir se pencher sur une augmentation de la solde des militaires et des salaires des fonctionnaires, des travailleurs médicaux et des enseignants, et s'occuper aussi du logement social", a-t-il promis mercredi sur Twitter.
 
Parler aujourd'hui d'amélioration économique en Ouganda est pour le moins discutable. Le pays compte 37 millions d'habitants, dont 27% vivent avec moins d'un dollar par jour - ils étaient 20% il y a cinq ans. Réélu en février 2016 avec plus de 60% des voix, Museveni cherche à faire supprimer l'âge limite de 75 ans pour le chef de l'Etat, ce qui suscite des contestations, y compris au sein du parti au pouvoir.
 
Un membre du gouvernement ougandais, Okello Oryem, chargé des affaires étrangères, a toutefois rejeté toute comparaison entre la situation dans son pays et celle au Zimbabwe. Pour lui, la chute de Mugabe est le résultat d'une ingérence occidentale.
 
"INGÉRENCE OCCIDENTALE"
"Les services de renseignement de l'Ouest ont travaillé jour et nuit pour mettre le Zimbabwe à terre", a-t-il dit à Reuters. Pour l'opposant ougandais Asuman Basalirwa, les dirigeants qui s'accrochent au pouvoir risquent de plonger leur pays dans la violence. Et l'intervention de l'armée, en définitive, conduit à encore plus de répression. "Il est temps que le continent se démocratise", dit-il.
 
Plusieurs dirigeants africains ont été contestés par la rue ces dernières années, comme au Togo ou au Gabon, où des violences ont éclaté l'an dernier après la réélection du président Ali Bongo. Pour de nombreux opposants à travers l'Afrique, la chute de Mugabe laisse un espoir de changements pacifiques.
 
Président de l'Ouganda depuis 1986, Museveni est l'un des plus anciens dirigeants africains toujours au pouvoir. En Guinée équatoriale, Teodoro Obiang est président depuis 38 ans. Paul Biya dirige le Cameroun depuis 35 ans et Denis Sassou Nguesso totalise au Congo 33 années de présidence, en deux fois. Au Togo, la famille Gnassingbé est aux commandes depuis un demi-siècle, comme la famille Bongo au Gabon. La famille Kabila dirige la République démocratique du Congo depuis vingt ans.
 
Dans plusieurs pays, le nombre de mandats présidentiels est limité à deux, mais d'autres Etats, comme le Cameroun et le Congo, sont revenus sur cette limitation.
 
ÉVOLUTION
Au Zimbabwe, la chute de Mugabe a été la conséquence d'une révolte des militaires qui ont pris parti pour le vice-président Emmerson Mnangagwa après son limogeage au début du mois. "Nous aurions aimé que l'armée togolaise se range à nos côtés. Nous avons été bouleversés de voir les soldats et les civils zimbabwéens danser dans les rues. C'est ce que nous voudrions pour le Togo", déclare l'opposante togolaise Brigitte Adjamagbo-Johnson.
"Il y aura du changement cette année au Zimbabwe, il y en aura aussi au Togo", ajoute-t-elle.
 
En République démocratique du Congo, le président Kabila, un allié de Mugabe, a reporté plusieurs fois les élections et a refusé de se retirer à la fin de son mandat l'an dernier, ce qui a provoqué des violences. Son mandat, qui devait se terminer en décembre 2016, a finalement été prolongé jusqu'en avril 2018. L'un des proches de Kabila, Jean-Pierre Kambila, a dénoncé les événements de Harare, provoqués selon lui "par ceux qui n'acceptent pas la libération de l'Afrique". Dans plusieurs pays, les choses ont pourtant évolué ces dernières années.
 
Au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré a été chassé par des manifestations en 2014, alors qu'il cherchait à modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir.
 
En janvier dernier, le dirigeant gambien Yahya Jammeh a dû partir en exil sous la pression des pays de la région, après 22 années de pouvoir. (Reuters)
 
 
 
 
 
Nombre de lectures : 119 fois