La crise au gouvernement, aubaine pour l'opposition

Mercredi 21 Juin 2017

PARIS (Reuters) - "Crise majeure", "réveil douloureux" et "Bérézina" : le départ précoce de quatre piliers du gouvernement sur fond d'affaires judiciaires offre une prise à l'opposition face à un exécutif sur lequel les critiques semblaient jusque-là glisser.
 
En trois jours, Richard Ferrand a renoncé à ses fonctions pour briguer la présidence du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale puis les trois ministres issus du MoDem - Sylvie Goulard, François Bayrou et Marielle de Sarnez - ont annoncé leur départ à tour de rôle.
 
Pour toute une partie de la droite et de la gauche comme pour le Front national, ces rebondissements en chaîne apportent la preuve qu'Emmanuel Macron ne flotte pas au-dessus du commun des dirigeants politiques.
 
"Imaginez deux secondes si on avait été dans cette situation, si François Hollande lui-même avait été dans cette situation (...). C'est une crise majeure", a réagi Laurent Wauquiez, figure des Républicains (LR), sur BFM TV.
 
Selon lui, il serait malvenu désormais de laisser Richard Ferrand, visé par une enquête préliminaire sur ses anciennes activités aux Mutuelles de Bretagne, et Marielle de Sarnez, dont le nom apparaît dans l'enquête sur les assistants du MoDem, prendre les commandes de leurs groupes respectifs à l'Assemblée.
 
"Je dis clairement à M. Macron et au président de la République : faites attention, ne renouvelez pas les mêmes erreurs."
 
C'est Emmanuel Macron lui-même qui a proposé à Richard Ferrand de prendre la présidence du groupe de La République en marche (LREM).
 
"180 MINISTRES PENDANT LE QUINQUENNAT"
Brice Hortefeux, qui incarne aussi l'aile la plus droitière de LR, a quant à lui ironisé mercredi sur le rythme des départs : "A ce rythme-là, cela signifie que l'on userait 180 ministres pendant le quinquennat", a-t-il dit sur RTL.
 
"En cinq semaines, il y a trois départs actés et un départ envisagé. Cela ne s'est jamais vu dans l'histoire de la République, en tout cas de la Ve République", a dit le dépositaire de l'héritage sarkozyste.
 
"Le réveil est douloureux pour les Français qui avaient espéré une ère nouvelle", a pour sa part déclaré l'ancien magistrat et désormais secrétaire national de LR à la justice, Georges Fenech.
 
Chez Les Républicains, d'autres n'ont en revanche pas caché leur embarras, rappelant au passage que la droite n'avait pas été épargnée par son lot d'affaires, dont celle qui a précipité la défaite de François Fillon à la présidentielle.
 
Ainsi le "juppéiste" Gilles Boyer a-t-il estimé, sur Twitter, que les cadres de LR étaient "bien peu qualifiés pour donner des leçons en matière d'affaires".
 
"Je suis un peu mal à l'aise parce que, si dès qu'il y a une enquête préliminaire alors qu'il y a la présomption d'innocence, on dit 'les gens doivent démissionner', ça risque de très rapidement de tourner au jeu de massacre", a pour sa part dit à Reuters le député LR Julien Aubert.
 
"PRÉSIDENCE COMPLIQUÉE"
Tout en jugeant "intenable" la position des quatre ex-ministres, le socialiste Olivier Faure a lui aussi mis en garde contre toute accusation précipitée.
 
"Il y a des soupçons lourds qui pèsent sur eux, ce qui justifie leur départ du gouvernement, mais je ne veux pas non plus aller les condamner alors que je ne suis ni magistrat ni enquêteur. Donc ce n'est pas à moi de dire ce que leur situation engendre", a estimé le député, ex-président du groupe PS à l'Assemblée, interrogé par Reuters.
 
Marine Le Pen s'est placée sur un autre terrain que celui de la probité en politique.
 
"C'est très révélateur de l'état d'esprit d'Emmanuel Macron et de son éthique personnelle", a dit à la presse la présidente du Front national, un parti au coeur d'une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs de ses assistants parlementaires.
 
"Parce qu'il a utilisé M. Bayrou quand il en avait besoin pour créer une dynamique dans son élection présidentielle et, lorsqu'il a eu la majorité sans le MoDem aux élections législatives, il se débarrasse du MoDem", a poursuivi la dirigeante frontiste à son arrivée à l'Assemblée nationale.
 
"La présidence flamboyante est déjà en train de se transformer en présidence compliquée", selon le vice-président du FN Florian Philippot, qui s'exprimait sur franceinfo.
 
"Ce qui devait être au départ un simple remaniement technique, classique après une élection législative, se transforme en véritable Bérézina", a-t-il raillé.
 
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