« La déclaration des 100 : quelles voies de salut pour le Sénégal ? » (Liste des signataires en pièce jointe)

Samedi 4 Mars 2023

Pour les 100 hommes et femmes qui ont produit cette déclaration, le salut du Sénégal passe par le respect de plusieurs préalables dont les moindres ne sont pas le respect scrupuleux de la Constitution dans tous ses aspects et l'administration d'une justice équitable pour tous les Sénégalais quelles que soient leurs appartenances politiques et autres. En toile de fond de cet appel, ces hommes et femmes venues de toutes les couches professionnelles et sociales de la société prônent également un retour sans délai aux valeurs religieuses qui font la spécificité de notre pays.
Dans la pièce jointe, la liste de ces personnalités signataires de la déclaration.


Les deux principaux protagonistes de la vie politique sénégalaise: le futur président actuel Macky Sall (g) et l'opposant Ousmane Sonko.

La déclaration des 100 VALIDEE A4 VERSION COMPLETTE avec liste Signatures.pdf  (276.35 Ko)

 
« Chères concitoyennes, chers concitoyens, amis et habitants du Sénégal,
 
Le pays qui nous est tous cher, traverse des moments d’incertitudes augurant de sombres lendemains. La tension est latente. Aucun Sénégalais soucieux de son avenir ne peut rester sans mot dire face à cette situation inédite. La moindre étincelle peut embraser notre cher pays. La situation n’est pas insurmontable, mais exige la mobilisation de tous et de chacun pour éviter à ce pays les sombres perspectives qui pointent à un horizon qui se rapproche. Des voix audibles dans les secteurs respectifs de leurs porteurs appellent solennellement les différents acteurs à un apaisement de la situation, à une désescalade de la violence physique et verbale qui menace et risque de faire éclater notre république. Ces voix soucieuses de la stabilité et de la bonne marche de notre jeune nation, sont celles d’universitaires, opérateurs économiques, ingénieurs, imams et maîtres coraniques, écrivains, éditeurs, diplomates, médecins, sages-femmes, chefs d’entreprises, guides religieux, enseignants et fonctionnaires, membres actifs de la société, citoyens et citoyennes de sensibilités différentes. Ces esprits engagés dans la préservation de l’unité nationale et la préservation des valeurs que nous avons en partage, ont en commun de s’être abreuvés à l’immense source que sont les Enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba et ceux de nos grands sages et maîtres spirituels.
 
Ce pays nous a beaucoup donné : l’école, le travail, la liberté d’aller et de venir, la dignité, le rêve et enfin l’espoir. Aujourd’hui, il est à la croisée des chemins. Mais il doit marcher vers l’avant. Pendant 63 ans, l’imagination de vaillants compatriotes, l’énergie d’une jeunesse décomplexée, l’esprit d’entreprise de dynamiques citoyens ont buté sur les réticences et les errances des politiques. Nous pouvons les surmonter. Nous devons les surmonter.
 
Dans sa lettre ouverte intitulée Le Langage de la Vérité* adressée à Galandou Diouf ancien député du Sénégal, le Grand Mufti Serigne Mbacké Bousso, un des premiers disciples de Cheikh Ahmadou Bamba, nous a laissé en héritage ces conseils enrobés d’injonctions coraniques. Parlant de la relation entre les dirigeants et les citoyens, dans un style inédit, il interpellait les dirigeants puis les populations en empruntant la voix du Seigneur :
 
“Sois donc reconnaissant envers Moi, Galandou Diouf, en développant Mon pays, en t’occupant de Mes serviteurs, en ramenant les exilés chez eux, en libérant les prisonniers, en soutenant les faibles et en aidant les professionnels dans leur profession afin qu’ils ne soient pas exposés au marasme.”
 
"Sois reconnaissant envers Moi, Galandou Diouf, en te considérant comme étant un parmi eux et en ne te voyant pas meilleur qu’eux, mais comme quelqu’un que J’ai choisi parmi eux afin d’observer comment tu te comporteras. J’élève quiconque se montre humble et Je rabaisse quiconque se montre orgueilleux. »
 
“Quant à vous, qui l'avez élu, soyez reconnaissants, en l'aidant à développer ce pays béni. Évitez de lui demander des choses n'ayant pas un caractère d’intérêt général, mais uniquement des choses qui relèvent de l'intérêt public. En agissant ainsi, je vous assisterai, Je pérenniserai votre gloire et je vous ferai connaître partout. Vous rattraperez alors les peuples qui vous ont devancés et vous devancerez davantage ceux que vous devancez déjà. Sachez que le passé n’était ténébreux que par le fait d'élever le partisan au-delà de ses mérites, en fermant les yeux sur ses torts et ses travers, et de porter préjudice à l’opposant, quelques nombreux que soient ses mérites. Soyez reconnaissants envers Moi, ne soyez pas ingrats ! Je suis Celui qui ai révélé : « Si vous êtes reconnaissants, très certainement J’augmenterai [Mes bienfaits] pour vous.” [Abraham : 07] et Je ne faillis jamais à Ma promesse. Je rends puissant qui Je veux et J'humilie qui Je veux, Je donne autorité à qui Je veux sur qui Je veux et Je la retire à qui Je veux, et nul ne peut repousser Mes décisions.”
 
Les guides religieux, les pouvoirs publics et les populations
 
Si tous les observateurs reconnaissent aux autorités religieuses un rôle de régulateur social, ce mécanisme mérite d’être examiné sous tous les angles. Aujourd’hui, certains observateurs de plus en plus nombreux ne cessent de demander leur intervention avant que l’irréparable n’arrive à notre pays, alors que d’autres esprits les accusent indirectement de complicité ou de connivence avec le pouvoir. D’emblée, il nous semble important de rappeler que le dispositif institutionnel du Sénégal ignore complètement et au demeurant légalement, ces institutions populaires incarnées par les religieux, guides de la plupart des Sénégalais du berceau au tombeau. Elles ne sont sollicitées que lorsque des débordements risquent d’emporter le pays. En temps normal, « les légalistes et les républicains » les accuseraient d’immixtion dans les affaires politiques et de l’Etat. Au nom de la laïcité, les décideurs institutionnels les ont ostracisés dans le grand agenda national. Pourtant, ces mêmes guides religieux sont les filtres entre une institution extravertie et les populations pourtant citoyennes de ce pays. A ces dernières considérées par la majorité de nos dirigeants comme du bétail électoral et non comme des concitoyens d’égale dignité, on oppose une langue étrangère étrangement institutionnalisée comme la langue officielle du pays.
 
Ces guides religieux sont exposés. Aucune disposition légale ne les protège contre les offenses contrairement au chef de l’Etat qui a son bouclier à travers un arsenal de répression dissuasif. Les guides n’ont jamais réclamé de statut particulier. Pourtant, ils sont les soupapes de sécurité du pays, les repères des populations. Cette situation incongrue peut-elle encore durer ? Les guides sont de fins connaisseurs de la société. Ils vivent avec les populations qui leur témoignent une très grande révérence. C’est pour cela qu’ils ne cessent de prier et de travailler pour la paix et l’allègement des coûts de la vie au profit des familles.
 
“Yërmaande”, une demande sociale
 
Une évocation partagée depuis des décennies voudrait qu’aux premières années post indépendance déjà, un vieux paysan s’interrogeait sur la date limite de cette nouvelle ère. Il en souhaitait la fin, assurément. Soixante-trois ans après, sa demande semble être toujours en partie à l'ordre du jour car le fossé entre les dirigeants et leurs administrés n'est toujours pas comblé. Malgré des efforts notables ces dernières décennies au crédit des différents gouvernements en matière d’infrastructures, les Sénégalais restent fatigués. Et pourtant ce qu’ils réclament relève d’une ambition loin de toute démesure : manger à leur faim, bien se soigner et à moindre coût, pouvoir recevoir une formation de qualité afin d'apporter leur expertise devant le concert des nations, pouvoir se déplacer facilement et à moindre risque. Aujourd'hui force est de reconnaître que le panier de la ménagère est percé de partout. L’hyperinflation est ressentie par les plus faibles. Et voici le tableau noirci encore plus par l'impact du covid-19 et la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Les populations jusqu’ici déjà très éprouvées sont quasi à terre. En remettant entre les mains de ses dirigeants des dizaines de milliers de milliards de FCFA, le Sénégalais n'aspire qu'à un mieux-être qui lui permettra d'être à son tour productif. Il ne désire rien de plus qu'un dirigeant qui lui prête une oreille attentive parce que vivant les mêmes réalités que lui, parce que foncièrement connecté à ses aspirations légitimes. Pour ce faire, il faut prendre courageusement le problème en charge en remettant l'homo senegalensis au centre de son propre développement. Ne perdons pas de temps, donnons un signal clair. Une solidarité accrue avec les populations les plus défavorisées de notre pays s’impose. Les populations ne demandent qu’une chose : la paix dans toutes ses dimensions. A ce propos, écoutons le Khalife Général des Mourides.
 
La Paix
 
Serigne Mountakha nous a rappelé que le Sénégal avait définitivement acquis la Paix le jour où Dieu nous gratifia de cet être exceptionnel : Cheikh Ahmadou Bamba. Nous devons nous inspirer de ses enseignements et de sa philosophie lui qui a été injustement accusé, emprisonné, déporté, exilé, puis maintenu en résidence surveillée pendant plus de trente-trois ans sans jamais une seule fois, lever sa main sur l’ennemi ni appeler au soulèvement. Pourtant des milliers de personnes étaient sous ses ordres. Nonobstant cela, il n’a jamais voulu verser le sang d’un seul de ses amis ni celui d’un seul de ses ennemis. Armé d’une foi inébranlable, d’une résolution sans faille, d’une confiance totale en Son Seigneur, vêtu de piété et imbu de science, il a formé des hommes à l’échelle de ses valeurs. Ses projets les plus importants ont été réalisés après son retour à Dieu. Parce qu’il avait pardonné à ses ennemis pour l’amour de celui qui les a chassés définitivement et il n’a point jugé utile de se défendre. Parce qu’il avait formé des hommes, il avait une vision claire et savait que le temps est le meilleur arbitre. C’est ce modèle qui doit inspirer tout homme qui désire faire régner l’équité et la justice. Nous pouvons puiser notre force dans la philosophie et les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba en expérimentant sa philosophie de la paix et du vivre ensemble tout en étant ferme, comme lui sur les principes fondamentaux. Cette invite s’adresse indistinctement à tous les acteurs politiques de ce pays.
 
Le Sénégal n’aspire qu’à une chose : sa bonne marche. Les Sénégalais ne demandent qu’une chose, ils n’ont qu’une seule aspiration : la paix. Une fois, selon la tradition mouride, un disciple avait demandé au Cheikh s’il y’avait quelque chose de plus important que la paix. Le Cheikh lui répondit ne pas connaître, ni dans ce monde ni dans l’Au-delà, quelque chose de plus important que la paix.
 
La Place de la Justice et de l’Équité
 
Il convient de s’interroger sur les bases qui fondent un monde paisible et notamment la place de la justice, de l’équité et de la transparence dans quelque société humaine que ce soit qui aspire à un bon fonctionnement. La réponse à ces questions nécessite une réflexion préalable sur la nature même de la justice et sur son rôle. La justice rend ses décisions « au nom du peuple sénégalais ». Elle doit reposer sur les principes d’Éthique, d’Équité et d’Indépendance de tous les acteurs de l’Institution.
 
Rigoberta Menchú Tum, militante des droits de l'homme et lauréate du prix Nobel de la paix (1992) disait : “ La paix ne peut exister sans la justice, la justice ne peut exister sans équité, l’équité ne peut exister sans la démocratie et la démocratie sans le développement et le développement sans le respect de l’identité et de la valeur des cultures et des peuples.”
 
La justice est le socle de la bonne marche d'une société. Jadis, les savants musulmans partageaient l’assertion selon laquelle ‘’Dieu soutient la société où règne la justice même si elle est mécréante; il délaisse celle où règne l'injustice, soit-elle croyante’’.
 
En l'absence d'une justice équitable, les populations finissent par se faire justice elles-mêmes ce qui mène tout droit à l'anarchie et à d’incalculables dégâts. Le Prophète Mouhammad Paix et Salut sur lui nous avait instruits sur trois sortes de juges (qui existent) et sur leur sort. Le juge qui connaît la Vérité et juge en fonction de cette connaissance ira au Paradis. Le magistrat qui connaît la vérité et qui a tranché sans en tenir compte ira en Enfer. Quant à celui qui ne connaît pas la vérité et arbitre quand même sera aussi un hôte de l’Enfer. Et Cheikh Ahmadou Bamba nous invite dans Kun Kaatiman à ne jamais sacrifier la vie future pour les délices de ce monde éphémère. Quiconque cède la lumière pour les ténèbres le regrettera. Dans la société, nous avons tous intérêt à cultiver les valeurs d'équité et de justice si nous aspirons à la paix et à la prospérité.
 
La Transparence
 
La transparence est un pilier de la bonne gouvernance et le gage de la confiance des citoyens envers leurs élus. Cette transparence doit être l’épine dorsale de la gestion des biens publics. C'est cette transparence qui avait poussé le khalife Oumar ben Khattab à justifier les quelques centimètres de tissu qu'il avait en surplus, après le partage d'un butin de guerre sainte. C'est cette même transparence qui était le souci de Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma quand il lançait le fameux "laaj lu ñu man, def ko fu ñu xam" qui est devenu, plus tard, la devise de Touba Ca Kanam et la pratique qui lui a valu la confiance des Mourides.
 
Cependant, force est de reconnaître que cette transparence n’est pas l’apanage de la majorité de ceux qui gèrent nos biens communs, ce qui freine toute possibilité de développement. Comment renforcer la démocratie ?
 
Le Respect de la Constitution
 
Si la souveraineté nationale appartient au peuple, chaque citoyen en détient une part. Voter est un droit fondamental qui permet d’exercer sa citoyenneté en participant à l’élection de ses représentants. Toute démocratie doit disposer de lois permettant aux citoyens de changer de gouvernement ou de projets politiques, sur des bases légales c’est-à-dire sans avoir besoin de recourir à la violence d’une part et en respectant les procédures définies par les lois, d’autre part. L’égalité devant la loi, le droit à un procès équitable, la liberté de conscience, la liberté d’expression, le droit de vote et le droit d’aller et de venir sont des droits fondamentaux que la République du Sénégal a proclamés et garantit avec la Constitution comme socle.
 
C’est pourquoi, nous devons respecter la Constitution, autant dans sa Lettre que dans son Esprit.
 
Quelle base morale commune faut-il pour que s’édifie et s’entretienne la confiance dans la justice des institutions ? In fine, comment faire de sorte que les bonnes valeurs morales soient les lois qui gouvernent la conscience de chaque Sénégalais ?
 
Retour à nos valeurs
 
Le sage de Darou Minane, Serigne Mountakha Mbacké nous rappelle que la terre de notre cher pays a bu jusqu’à l’ivresse, le sang des hommes de Dieu ; que l’encre de nos valeureux savants a fécondé son limon et irrigué les plaines. Nous devons donc agir à la mesure de nos capacités. Il s’avère hélas que, le spectacle auquel nous assistons est un véritable désastre pour l’éducation de nos enfants exposés à la vulgarité et la crudité des propos qu’ils entendent et qui heurtent leur innocence. Les informations sont devenues des tornades violentes balayant sur leur passage toutes les jeunes pousses de vertu, de pudeur, de kersa, de retenue qui étaient plantées dans la conscience de notre jeunesse. Les gens du Pouvoir comme ceux de l’Opposition doivent apprendre à parler de la plus belle des manières, comme le recommande le Coran. Ils doivent apprendre à parler avec retenue en couvrant leur propos de kersa et de tegin. N’oublions pas que tout ce qui est dit aujourd’hui sera répété demain devant le Seigneur.
 
Le respect de la parole donnée est également une valeur fondamentale de notre pays. Il est à préserver. Le non-respect de la parole donnée condamne son auteur a une perte de sa dignité, car il a, par ce fait, exposé sa nudité en déchirant, le manteau d’honneur qui le couvrait aux yeux de la société. La parole donnée est le lieu de rencontre des hommes qui ont la moindre exigence morale, ceux qui incarnent nos valeurs de jom, de ngor, de kersa, de doylu et de nawle. Un poète disait : « L’amour est plus précieux que la vie, l’honneur plus précieux que l’argent et plus précieux que tous deux, la parole donnée. » Le Coran dit : “ Et respectez l’engagement, car vous serez interrogés au sujet des engagements.” [17-34], “ O les croyants ! remplissez fidèlement vos engagements mutuels.”. Faisant l’éloge de Ismail aleyhi salâm, fils de Ibrahim, Dieu dit : “Rappelle aussi l’histoire d’Ismael ; il était fidèle dans son engagement et il était un Messager et un Prophète.” [19-54] Notre référence la plus sacrée, le Coran interroge et avertit le croyant : « O vous qui croyez ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une chose abominable auprès de Dieu que vous disiez ce que vous ne faites pas. » [61-2,3]
 
La situation actuelle est-elle une menace ou une opportunité ?
 
Finalement, cette situation peut être une chance immense à saisir pour retrouver la trace de notre glorieuse histoire et s’y appuyer pour aller de l’avant. Il nous faut une volonté sans faille, dépasser les intérêts de classe, de clan ou de territoires, si légitimes soient-ils mais le plus souvent mineurs au regard de l’enjeu. L’Etat doit permettre à chaque Sénégalais de prendre part à la seule construction susceptible de permettre à notre pays de dire son mot, être entendu sur la scène du monde face aux empires d’aujourd’hui et à ceux qui s’édifieront demain. Même si notre monde est mené par les plus hautes technologies, nous devons faire un investissement massif dans la construction d’institutions fortes qui résisteront et s’adapteront aux évolutions. Les hommes partent, les institutions demeurent. Le Sénégal restera.
 
Carl A Schenk disait : « Si vous voulez obtenir une récolte pour une année plantez du maïs, si vous voulez une récolte durant des décennies, plantez des arbres, si vous voulez une récolte durant des siècles, élevez des hommes, si vous voulez une récolte pour l’éternité, érigez des démocraties. »
 
Quel modèle de développement voulons-nous ?
 
Avec des dirigeants inspirés par les bonnes valeurs morales, avec comme boussole l’éthique et l’équité, nous pourrons nous engager dans le chantier d’un développement endogène basé sur les enseignements de Serigne Touba et des grandes figures morales de notre pays. Un Sénégal décentralisé et résolument engagé dans la construction d’un grand pays, propre producteur de ses besoins de base et acteur de son développement. Serigne Touba nous avait déjà montré la voie. En 1926, après la collecte de 5 millions de francs pour les besoins de la construction de la grande mosquée de Touba à raison de 140 francs par adulte et 40 francs par enfant, le crowdfunding avant l’heure, Cheikh Ahmadou Bamba avait tenu à ses fidèles, entre autres, les propos suivants : « Pour tout projet, comptez sur vos ressources propres. Car compter sur les autres, c’est aliéner votre libre choix. Celui qui vous aide peut influencer votre orientation. »
 
C’est d’ailleurs, cette réalité de l’aide occidentale liée qui explique la volonté des donateurs de vouloir imposer à nos pays, leurs agendas alors que leurs projets de société jurent parfois avec nos valeurs morales, culturelles et religieuses. Allons de l’avant tout en nous inspirant des réalisations léguées par des grandes figures de notre pays. Rappelons-nous les prouesses de Serigne Abdoullahi Mbacké fils de Serigne Touba, qui avait réussi dans les années 50, à aménager des champs et espaces de culture et de pêche à Darou Rahmane, au point que tout ce que les populations locales consommaient venait de ces ouvrages, hormis le sel. L’expression ceebu daaru Rahmaan est encore fraîche dans les esprits. Serigne Abdoullahi nous avait montré la voie juste avant les indépendances.
 
Aujourd’hui, la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine et la surinflation qui en découle ont fini de démontrer les limites d’une économie extravertie. Force est de constater que la voie du salut passe par une plus grande confiance au génie sénégalais avec des solutions endogènes pour un développement économique durable. Notre sécurité alimentaire, sanitaire ainsi que notre développement économique et social en dépendent. Nous réitérons notre appel aux décideurs actuels et futurs, à s’inspirer des enseignements de nos figures religieuses et historiques, à les adapter aux réalités du monde actuel afin d’atteindre un développement économique et social inclusif. Ceci ne pourra se faire qu’en repensant notre système éducatif pour mieux l’adapter à nos réalités socio-culturelles et religieuses et en réorientant nos besoins de développement. A Touba, l’exemple le plus récent est celui administré par le Huitième Khalife Général des Mourides, Cheikh Mountakha Bachir Mbacké, qui a appelé les Mourides à lever un fonds de 37 milliards pour construire le plus grand complexe d’éducation et de recherche privé du pays. Son nom est Complexe Cheikh Ahmadoul Khadim pour l’Education et la Formation. Les Mourides et leur guide ont piloté et sorti de terre cette œuvre d’envergure initiée pour former des cadres et chercheurs dans tous les domaines de connaissance. Compter sur soi ne veut pas dire s’enfermer. Nous réaffirmons la nécessité de s’ouvrir au monde pour un partenariat bénéfique à tous. Il nous faut conquérir une plus grande cohésion politique, économique, culturelle et spirituelle. Pour saisir l’espérance du temps à venir. S’enraciner dans nos valeurs culturelles avant de s’ouvrir au monde et participer à sa bonne marche avec notre identité.
 
A tous les acteurs politiques, nous rappelons les conseils de l’Imam Ali à l’endroit de Malick Al Ashtar, gouverneur d’Egypte.
 
« Que le plus écouté de toi soit celui qui te fera entendre les plus amères vérités et le moins écouté celui qui t’aide à faire ce que Dieu ne permet pas à ses représentants.
 
Attache-toi aux pieux comme aux honnêtes : habitue-les à ne pas te flatter, ni à te faire des éloges sur ce que tu n’auras pas fait, car la flatterie engendre la vanité et mène à l’orgueil. »
 
Conclusion
 
Les signataires de cette DECLARATION appellent toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais à œuvrer pour un Sénégal de paix, de stabilité et de renforcement de la démocratie.
 
Pour réussir cette grande aspiration, nous réaffirmons notre attachement :
 
• A une Justice indépendante et équitable
• A la transparence et la bonne gouvernance dans les affaires publiques
• Au respect de la Constitution, notamment en ce qui concerne le nombre de mandats consécutifs
• A la satisfaction de la demande sociale
• A la préservation de nos valeurs religieuses et traditionnelles pour une société enracinée mais ouverte au monde
• A l’ancrage de notre système éducatif dans nos valeurs de base en l’adaptant à nos besoins de développement et aux réalités du monde moderne
• Au choix de solutions de développement endogènes tirées des enseignements de nos grandes figures religieuses et historiques, en faisant confiance au génie sénégalais, tout en restant ouvert à toute coopération juste et équitable.
 
Ces aspirations ne peuvent être satisfaites que si la paix et la stabilité du pays sont préservées. C’est tout le sens des propos tenus en février 2023 par le Khalife Cheikh Mountakha Bachir Mbacké à Porokhane : « Le développement du pays passe nécessairement par la paix. Cette paix incombe d’abord aux autorités car c’est à elles qu’Allah a confié la direction du pays. Cette paix devrait être évidente et facile à réaliser pour le Sénégal du moment qu’Allah nous a gratifié de références de la trempe d’un homme de paix comme Cheikh Ahmadou Bamba. Cependant la paix passe obligatoirement par le respect des principes de droiture et de vérité, njub ak dëgg. »
 
La paix est également de la responsabilité de tous et de chacun. Pour aider chaque Sénégalais à atteindre cet idéal, Cheikhoul Khadim nous a laissé en héritage, cette formule clé : « A Toi qui aspires au salut, à la paix, que le bien gouverne ton intention, ta parole et tes actions en tout lieu et en toute circonstance. »
 
Sénégalaises, Sénégalais, chers compatriotes, nous devons bâtir pour le Sénégal, une œuvre à l’échelle de l’Histoire.
Une œuvre qui aura une capacité d’entraînement.
 
Pour atteindre ce noble objectif, nous tendons nos mains en demandant au Seigneur Tout Puissant, de bénir et protéger notre cher pays le Sénégal afin qu’il devienne le grand carrefour des idées, des innovations et des grandes valeurs de la nation humaine.
 
Salaamun qawulann min Rabbin Rahiim. Paix à vous ! Salaam ! est le mot de bienvenue qu’un Maître Miséricordieux adresse à Ses hôtes. [36-58].
Vendredi, le 03 mars 2023 / 10 Sha’ban 1444 H.
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