La finance responsable se développe aux États-Unis

Dimanche 22 Décembre 2019

Goldman Sachs est devenue la première grande banque américaine à renoncer à financer des forages pétroliers dans l'Arctique. Mais elle s'est aussi battue pour participer à l'introduction en Bourse du géant pétrolier saoudien Aramco.
 
«Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir» pour que les géants de Wall Street intègrent dans leur activité de tous les jours la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), remarque Tensie Wheelan, responsable du Centre pour des entreprises responsables à l'Université de New York. «Mais elles commencent à mettre des équipes en place et à imaginer des structures pour le faire», ajoute-t-elle.
 
Centaines de milliards de dollars
 
Dévoilée dimanche, la nouvelle politique de Goldman Sachs sur les énergies fossiles «montre bien que les banques américaines peuvent fixer des limites à ne pas dépasser sur le pétrole et le gaz», estime pour sa part l'association Rainforest Action Network.
 
Les établissements basés aux États-Unis accusent actuellement «un retard considérable par rapport à leurs homologues» sur le sujet, rappelle l'organisation dans un communiqué. Les banques européennes se sont imposées des contraintes plus poussées tandis que les banques asiatiques font des progrès rapides, note-t-elle.
 
Citigroup, Morgan Stanley, Bank of America ou JPMorgan Chase ont certes promis ces dernières années de prêter plusieurs centaines de milliards de dollars pour financer des projets d'énergies renouvelables ou de technologies propres. Ces établissements participent aussi à l'émission d'obligations vertes destinées à des investissements durables.
 
Mais ce n'est pas suffisant, juge Rainforest Action Network: si la plupart des grandes banques américaines se sont par exemple déjà engagées à réduire les prêts accordés aux sociétés exploitant le charbon, elles continuent souvent à préparer leur levée de fonds sur les marchés.
Succès des fonds «ESG»
 
Pour leurs clients investisseurs, les banques proposent de plus en plus de produits financiers plus sensibles aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
 
En Europe, «c'est devenu un élément central de nos conversations avec les clients, non seulement les investisseurs institutionnels mais aussi de plus en plus les particuliers», remarquait récemment lors d'un point presse John Bilton, responsable de l'équipe établissant la stratégie de gestion d'actifs chez JPMorgan Chase.
 
«Il serait impensable aujourd'hui pour un investisseur prudent d'envisager une entreprise ayant des problèmes de gouvernance, cela commence à devenir aussi le cas pour les problématiques environnementales et sociales», soulignait-il.
 
Mais même là, les progrès ne se font pas sans accroc. Face au succès croissant des fonds dits «ESG», une des responsables de la SEC, l'agence en charge de la régulation de Wall Street, est montée cette semaine au créneau.
 
«Nous ne savons même pas ce qu'ESG veut vraiment dire», a remarqué Hester Peirce sur la chaîne CNBC. «Je pense que nous nous trompons si nous pensons que nous pouvons nous réunir et amener les régulateurs à se prononcer sur un ensemble difforme de critères autres que la valeur financière à long terme d'une société», a-t-elle affirmé.
 
«Des obstacles restent à surmonter»
 
L'agence de notation S&P Global Ratings reconnaît, dans un document sur les critères ESG diffusé en septembre, qu'elle a rarement pris la décision de modifier la note accordée à un État ou une entreprise - essentielle pour aller négocier des emprunts avec les banques - en se basant uniquement sur un critère de cette catégorie.
 
Mais elle en garde certains à l'œil comme par exemple la montée en puissance des véhicules électriques qui pourrait à terme abaisser la valeur du marché des voitures d'occasion fonctionnant à l'essence ou au diesel.
 
«Des obstacles restent à surmonter», comme «le manque de normes» sur la définition des critères ESG, «la publication à géométrie variable» des données sur le sujet ou «les visions divergentes» sur la façon de les intégrer dans la notation, estime S&P Global Ratings.
 
Nouvelles initiatives saluées
 
La société spécialisée dans les investissements responsables Boston Common salue dans un récent rapport sur la finance verte les nouvelles initiatives comme la charte des «principes pour une banque responsable» signée par 130 banques en septembre.
 
Mais toutes ces mesures «ont eu peu d'impact sur la politique commerciale» des banques, est-il aussi souligné. «Les engagements pour la finance verte sont encore éclipsés par les investissements dans les énergies fossiles et peu de banques restreignent leurs crédits aux clients à forte émission de carbone ou impliqués dans la déforestation.» (ats/nxp)
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