PARIS (Reuters) - Les journalistes d'iTélé ont reconduit mardi leur grève pour la deuxième journée consécutive afin de protester contre l'arrivée de Jean-Marc Morandini sur la chaîne d'information en continu, poursuivant leur bras de fer avec la direction.
La venue de l'animateur mis en examen pour "corruption de mineurs aggravé" a dégradé des relations déjà tendues entre les journalistes et l'état-major de Canal+ depuis la reprise en main du groupe de télévision par Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de la maison-mère Vivendi à l'été 2015.
Sans un mot sur le conflit en cours, Jean-Marc Morandini, qui réfute les accusations portées à son encontre, a fait ses débuts sur iTélé lundi à 18h00 alors qu'une partie de la rédaction s'était rassemblée à l'extérieur des locaux de la chaîne après avoir décidé à la mi-journée une grève de 24h00.
Mardi matin, les salariés de la chaîne ont décidé la reconduction du mouvement à une large majorité (81%).
La direction de Canal+, silencieuse depuis le début du mouvement, s'est à nouveau refusée à tout commentaire. La semaine dernière, elle avait invoqué le respect de la présomption d'innocence pour justifier le maintien du recrutement de Jean-Marc Morandini.
Le choix de la chaîne fait pourtant débat alors que d'autres employeurs de l'animateur comme Europe 1 (Lagardère) et NRJ 12 (NRJ Group) ont choisi de le suspendre de l'antenne le temps de la procédure judiciaire.
Selon plusieurs sources au fait du dossier, la décision a été prise par Vincent Bolloré lui-même, en dépit des réticences d'une partie de ses proches et de cadres de Canal+.
"VOLONTÉ DE LIQUIDATION EN RÈGLE"
Les deux hommes se connaissent de longue date, Jean-Marc Morandini ayant contribué à faire grimper l'audience de Direct 8 à la naissance de la chaîne alors détenue par le groupe Bolloré.
Alors que la classe politique s'est pour l'instant peu exprimée sur le sujet, le député socialiste Patrick Bloche a apporté mardi son soutien aux journalistes en grève en les appelant à "résister".
Dans une interview à Libération, le président de la Commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale a critiqué Vincent Bolloré, évoquant une stratégie contre-productive pour l'image et les intérêts économiques de Canal+.
"A moins que son projet ne soit justement de mettre la chaîne en berne et de la liquider, j’avoue avoir un peu de mal à comprendre une telle obstination", explique le député qui a porté la proposition de loi sur l'indépendance des médias.
"On a l’impression d’avoir affaire à une volonté de liquidation en règle. Et cela ne peut que nuire aux intérêts du groupe Canal et des gens qui y travaillent", a-t-il ajouté.
Interrogé sur France Inter, Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite et du centre, s'est, lui, gardé de prendre position.
"C'est un débat impossible. Si on intervient, on devient des horribles dictateurs qui veulent prendre le contrôle et qui se mêlent du fonctionnement d'une entreprise de presse. Si on ne dit rien, on devient des horribles complices", a-t-il expliqué.
S'exprimant sur les médias en général, il a dit ne pas être choqué lorsque le propriétaire d'un média impose une ligne politique, prenant l'exemple du Nouvel Observateur et du Figaro.