La haine-méchanceté crasse dans le jeu politique déteint négativement sur les institutions du pays

Vendredi 10 Novembre 2023

Madi Waké Touré

C’est à dessein que j’ai accolé les termes, haine et méchanceté du fait que l’un ne va pas sans l’autre ; autrement dit l’un nourrit l’autre. La haine -méchanceté se décline par des sentiments et pratiques viles qui finissent par déshumaniser totalement l’homme qui en est porteur.

 

Seulement, personne ne veut être traité de méchant. C’est pourquoi, ceux et celles-là qui traînent ces tares, cherchent par toutes sortes de subterfuges à masquer la laideur qu’ils trainent. Mais comment ?

 

Je vais y répondre ! L’homme étant ce qu’il est : il cherche toujours à se présenter aux yeux des autres sous les dehors les plus favorables. Ce mode de figuration propre à l’homme peut tromper n’importe qui, même la plus vigilante créature.

 

Seulement, la sagesse Wolof dans toute sa beauté et sa finesse, rappelle cette vérité d’airain : « Yague, bayiwul dara » c’est-à-dire, le temps finit par mettre tout à découvert ; tout ce qu’on cachait dans les replis les plus profonds de l’âme, finit par s’étaler au grand jour, révélé par les faits, gestes et autres discours posés.

 

Et le politicien, plus que tout autre homme, a un répertoire figuratif au-dessus de la moyenne, ce qui lui permet de faire dans la théâtralisation permanente dans l’espace public. Que certaines manifestations extérieures d’amitié ou de complicité ne vous trompent pas !

 

Au fait, le monde a changé ! Totalement, je dirai ! Nous ne sommes plus en face de politiciens, armés d’un idéal. Idéal de grandeur pour la nation ! Idéal de prospérité pour le plus grand nombre ! Idéal de justice sociale !

 

Ce qui préoccupe l’écrasante majorité de ceux-là qui s’activent dans le champ politique, c’est la lutte des places et des privilèges, pas autre chose. Tout autre discours qui détonne avec ce que je dis là, n’est que mensonge !

 

Quand la préoccupation principale tourne autour des biens matériels, l’adversité politique prend alors les allures d’une lutte à mort. Convoquons à cet effet ces mots fort justes d’un compatriote. Lequel ne fait que confirmer nos dires.

 

Dans une tribune qui surfe dans la qualité et qui a pour titre : « Satan dira bravo » et signé Ibrahima Sylla, on lit ce qui suit : «   Jadis terre d’hospitalité et d’exil pour tous les opprimés politiques d’Afrique ? Le Sénégal, « pays de la Téranga » est devenu le « pays des hospitalisations d’opposants et manifestants ». Victimes des forfaitures d’un système qui les a privés de tous leurs droits, les dignes et fiers combattants de la liberté en sont arrivés finalement à se voir priver de tout. (…) L’arbitraire a fini par plonger le Sénégal dans la misère des cœurs. Des compatriotes ont été lâchement tués, victimes de la politique des nervis et des usages disproportionnés de la puissance publique. La force restant « hors-la-loi » et « à l’ouest de toute humanité ». Source : Seneplus.com

 

Tout cela pour dire que le pays va mal ! Il va mal au point qu’on a du mal à reconnaître certains intellectuels. Beaucoup parmi ceux-là qui ont retourné leurs vestes, étaient à la pointe du combat contre le régime de Wade. Ils sont aujourd’hui aphones face aux dérives du pouvoir-APR.

 

Et pire même, ceux-là qui se présentaient comme des avant gardistes sont devenus les plus indéfectibles soutiens du pouvoir en place. 

 

Que devient ce fameux slogan qui faisait tilt dans les consciences de par la charge de vérité qu’il charriait : « Reew, kene du pacco, danu koy penccoo » (Un pays se construit dans la concertation mais pas dans le partage du gâteau)

 

Autre temps, autre discours, me direz-vous ! Triste Sénégal ! C’est peut-être toutes ces forfaitures qui ont révolté ce brillant et engagé philosophe, Alassane Kitane pour dire son fait à un universitaire devenu politicien-professionnel. Ecoutons, Kitane : « Quand un Professeur d'université a l'habitude de tout justifier selon ses intérêts politiques, il perd une grande partie de sa crédibilité scientifique. Or ceux qui suivent Ismaïla Madior Fall depuis 2012 sont déroutés par sa manie à justifier aujourd'hui ce qu'il critiquait auparavant. C'est tellement manifeste que les Sénégalais sont persuadés que si ce ministre était contemporain de Faidherbe, il trouverait un moyen de justifier ses massacres. »

 

Fort des vérités énoncées plus haut, je dis avec force que quand la haine-méchanceté s’imprime dans les cœurs et les esprits, il devient difficile pour l’homme de poser des actes qui font dans la grandeur.

 

En observant à la loupe la sphère politique ces dernières années, on se rend vite compte que la politique a quitté les cieux de l’élévation morale pour s’installer durablement dans le champ de l’invective, de l’injure, de la haine.

 

N’a-t-on pas entendu des vieillards plus proches de la mort que d’autres choses, souhaiter à leurs adversaires politiques la géhenne voire la mort ? Ambiance délétère. Atmosphère toxique. C’est  dire combien la politique a pourri ce pays. Et gravement !

 

Oui gravement au motif que même les institutions, censées réguler la vie sociale, politique, culturelle du pays ne sont pas épargnées. C’est cela la vérité !

 

Ne nous arrêtons pas aux affirmations péremptoires ! Essayons d’argumenter. A ce que je sache, les institutions qui encadrent et organisent nos vies, ne sont pas désincarnées. Elles sont animées par des hommes de chair et de sang qui ont des sentiments, des émotions, des penchants, des préférences, des choix ; lesquels malheureusement sous nos cieux, interfèrent dans les décisions. L’autre ne disait-il pas et à juste raison, je le pense : « L’émotion est négre ! »

 

Comment peut-on comprendre qu’une décision de justice légalement prise ne soit pas appliquée ? Et tous les juristes sérieux qui se sont penchés sur la question, s’accordent à reconnaître que l’ordonnance du juge, Sabassy Faye est exécutoire. Mais que constate-t-on ?

Des tergiversations voire même un refus d’obtempérer. Du mateye.

 

Un autre cas de figure avec beaucoup de coïncidences troublantes ! La CENA, parlons-en ! Combien de fois des Sénégalais et pas des moindres se sont levés pour dire que le président de la CENA devrait rendre le tablier depuis belle lurette pour avoir dépassé la date -limite du mandat à lui confié.

 

Ces différents appels à la démission du président de la CENA n’étaient pas entendus en haut lieu. Et voilà que la CENA prend une décision qui n’a pas l’heur de plaire au prince et hop, le couperet de tomber.

Décision normale !!!!??? ?

 

Décision pour sévir contre une institution qui ne fait plus l’affaire du pouvoir !!!!????Autant d’interrogations qui taraudent l’esprit des citoyens, habitués à voir le pouvoir en place brandir le bâton contre tous ceux ou celles qui contrarient ses projets.

 

Tout compte fait, on peut dire à l’aune de ce que nous observons depuis quelques années que les logiques qui président aux décisions de ce pouvoir-APR ne sont ni plus ni moins que des logiques partisanes. Et malheureusement, les logiques partisanes déteignent fortement sur les institutions.

 

Ce mot de trop prononcé par la plus haute autorité du pays, résonne encore dans tous les esprits : « Sur certains dossiers, j’ai mis le coude ». Et tous les autres qui n’ont pas la chance de bénéficier de ce fameux…parapluie…présidentiel, ils vont eux croupir en prison dans des conditions infrahumaines.

 

En fait cet hyper-présidentialisme qui sévit au Sénégal depuis de très longues années-ça ne date pas d’aujourd’hui- est la cause principale de tous nos maux. La mainmise du président sur toutes les institutions est totale. Vous vous rappelez ce mot terrible du juge, Hamidou Dème : « Je démissionne d’une justice qui a démissionné ».

 

Les interviews de l’ancien procureur de la CREI, Alioune Ndao, disponibles dans le NET, font froid dans le dos et montrent à suffisance la toute-puissance de l’Exécutif face à une justice désarmée. Le deux poids, deux mesures est flagrant et on a comme l’impression que seuls les membres de l’opposition vont en prison.

 

Ce n’est pas bon, ce qui est en train de se jouer sous nos yeux. La preuve, le pays est bloqué. Vivement que la raison revienne dans ce pays. La déchirure sociale est profonde. TRES PROFONDE !!!

 

De fait, il revient au Président Macky Sall, qui dispose de tous les leviers en mains, de faire dans l’apaisement. Ce pays a besoin de …PARDON ! ON DOIT SE PARDONNER ! Balma akh, est la requête que nous nous adressons les uns aux autres lors de toutes nos fêtes les plus sacrées. N’est-il pas temps de vivre pleinement et sincèrement cet appel à la paix des cœurs et des esprits !

 

 Jamais dans l’histoire politique du pays, nous n’avons vécu une telle situation : une nation coupée en deux ! Et les sénégalais qui ne connaissent pas ça en souffrent terriblement

 

En attendant que les uns et les autres reviennent à de meilleurs sentiments, méditons sur ce mot-sagesse de la sociologue française, Dominique Schnapper, directrice à l’EHESS : « La haine fait partie de ces passions tristes qui opposent les uns aux autres les individus, elle est sans doute inévitable. Mais, si son expression s’étend dans l’espace public, si elle devient l’un des principaux éléments qui animent la vie sociale et contraignent les décisions politiques, elle devient un danger. La logique de l’ordre démocratique impose à tous les hommes publics, quels que soient leurs sympathies et leurs antipathies, de manifester leur considération à l’égard de ceux qui leur sont opposés dans le combat politique.

 

La haine est dysfonctionnelle. Si elle règne sans contrôle, elle peut être une étape dans les processus par lesquels les démocraties, fragiles, pourraient mourir. Les démocrates peuvent avoir – doivent avoir – des adversaires politiques, mais ils ne doivent pas avoir d’ennemis. »

Fait à Pikine le 10 Novembre 2023

Madi Waké TOURE, Assistant Social, Conseiller en Travail Social

 

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