Au lendemain du point de presse résolument accusatoire du gouvernement tenu le 26 septembre 2024 et consacré à la « falsification » de certains comptes publics de l’Etat par Macky Sall et ses acolytes, un ami m’interpelle pour faire part de ses doutes. Ma réponse : attendons de voir. Mais une chose me semble certaine : aucun Président de la République ou Premier ministre au monde ne prendrait la responsabilité de livrer à une presse locale et internationale des faits d’une gravité aussi extrême sans avoir eu, en amont, la certitude de leur authenticité et véracité.
Un peu moins de cinq mois plus tard, le 12 février 2025, on se rend compte que le chef du gouvernement ne nous avait servi qu’un bref mais déjà gravissime avant-goût des œuvres malveillantes d’un groupuscule de crapules sans scrupules qui, dans l’intimité et l’opacité de leurs connexions mafieuses, ont presque mis à genoux l’Etat, au moins dans ses marges et capacités budgétaires régaliennes. La réalité du désastre révélé par les magistrats de l’institution de contrôle atteint des proportions giga-industrielles au regard de la dimension de notre pays.
Ce que le Rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques entre 2019 et le 31 mars 2024 nous dit dans toute sa solennité, c’est la détermination absolument maléfique qui peut animer des personnes de toutes origines dans leur soif de capturer l’Etat et ses démembrements pour assouvir des envies grotesques : domination, jouissance, prévarication, vols, détournements, substitution, le tout avec le Sceau d’une impunité totale garantie par la plus haute autorité de l’Etat ou par ses chambellans ou, comme souvent, par l’instinct collectif de protection qui peut animer un groupe.
Les principales conclusions de la Cour des comptes, au nombre d’une dizaine, sont factuelles. Elles recensent une panoplie d’actes et de pratiques j’men-foutistes avec lesquels une administration d’Etat non corrompue et républicaine ne saurait se rendre complice. En fin de compte, la Cour ouvre à l’Etat et aux autorités en place l’immense chantier de reconstruction ou de réforme d’une bureaucratie de hauts fonctionnaires happés par la politique politicienne, souvent peu courageuse pour dénoncer la patrimonialisation de l’Etat et de ses instruments de gouvernance.
On se rend compte aujourd’hui que les Sénégalais n’avaient pas assez pris au sérieux la dimension cumulativement loufoque et tragique des propos de l’ancien président Macky Sall lorsqu’il plaisantait - presqu’avec le sourire malin - sur son « coude » qui protégeait plusieurs de ses amis, collaborateurs et fonctionnaires contre la traque judiciaire qu’ils auraient méritée, selon lui. Ses successeurs ont un boulevard légitime devant eux…
Macky Sall n'était pas seulement un parrain dans l'assassinat de plusieurs dizaines de personnes sous son règne de douze ans. Il était également un trafiquant de nos maigres ressources publiques.