Laurent Gbagbo, promesses et défis d’une ultime séquence politique

Mercredi 16 Juin 2021

Après une décennie de détention à la Haye et moins de trois mois après son acquittement définitif de toutes charges de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo revient chez lui, ce jeudi 17 juin, en grandes pompes. A 15H45 GMT, l’avion qui le ramène de Bruxelles se posera sur le tarmac de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Une voiture officielle le déposera à l’entrée du pavillon présidentiel où, en présence de ses proches et des représentants du président Alassane Ouattara, il dira ses premiers mots en faveur du projet de «réconciliation nationale» pour lequel il a indiqué vouloir travailler de toutes ses forces, comme l’y a invité son ennemi intime.
 
La page prison tournée, l’ancien chef d’Etat peut derechef se consacrer donc à la politique, son ADN. Entre les murs de la détention à Scheveningen et l’escale prolongée de Bruxelles pour préparer son retour au pays natal, le «camarade Laurent» a sans doute commencé à mettre en place les scénarios qui constitueront une nouvelle séquence dans une carrière politique de très haute intensité. Entre les défis liés à la reprise en main d’un Front populaire ivoirien (FPI) éclaté en morceaux dont un aux mains de son ex-fidèle Pascal Affi-Nguessan, le solde des comptes restant à faire avec la (toujours ?) puissante Simone Ehivet, Laurent Gbagbo devra retrouver l’inspiration, l’influence, la place et l’autorité qui avaient fait de sa personne un cœur-réacteur de la vie politique ivoirienne. C’est ce potentiel renouvelé d’attraction sur de nombreux segments de la société ivoirienne qui lui permettra surtout de revenir au centre d’un jeu que ses concurrents Bédié et Ouattara ne se résignent pas encore à quitter et que des jeunes loups déjà pressés ou en embuscade se plairaient à contrôler pour affirmer l’émergence d’une nouvelle génération de cadres politiques biberonnés à la sauce post Houphouët. Y parviendra-t-il ? L’histoire à venir le dira à travers les contes qui en feront le contenu.
 
Ce qui semble certain, c’est que Laurent Gbagbo sera sous étroite surveillance des autorités politiques ivoiriennes, et en premier lieu d’Alassane Ouattara lui-même. Il est probable que sa condamnation judiciaire à vingt ans de prison dans un des volets de l’affaire des effractions d’agences de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Abidjan, Bouaké, Korhogo et Man ne sera pas exécutée par la justice ivoirienne. Par contre, cette même décision judiciaire pourrait être en permanence l’épée de Damoclès par lequel il sera tenu de ne pas franchir la ligne rouge qui pourrait rebasculer le pays dans un nouveau cycle de violences. Gbagbo n’y a aucun intérêt et n’y pense peut-être même pas !
 
L’attitude des héritiers politiques
 
Dans le vif de ses brûlantes retrouvailles avec son monde naturel de la politique, cet éternel activiste de 76 ans, fondateur du FPI dans la clandestinité en 1982, syndicaliste radical et historien sorbonnard, trouvera peut-être le temps de se reposer un peu. A Gagnoa, son fief politique et affectif du grand-ouest d’abord. Puis à Abidjan, centre bouillant du marigot ivoirien, avant de lâcher ses filets de part et d’autre de la Lagune Ebrié.
 
Selon « Jeune Afrique », les avantages liés à ses anciennes fonctions sont les suivantes : des indemnités mensuelles globales de 17 millions de FCFA, une équipe de sécurité de dix agents, un cabinet de cinq membres, une demi-douzaine d’employés de maison, trois voitures avec chauffeurs… Mais suivant la formule macronienne du «en même temps», Laurent Gbagbo ne manquerait pas de négocier le paiement de ses émoluments d’ancien président de la république, une petite fortune non versée dans ses comptes bancaires pendant la durée de sa détention à Scheveningen. Une issue heureuse à cette requête éventuelle dépendra sûrement de la posture qu’il choisira d’adopter à l’égard du président Alassane Ouattara, détenteur des bourses du Trésor ivoirien.
 
Ses héritiers politiques présomptifs le laisseront-ils dérouler un schéma de «réconciliation nationale» qui lui donnerait un statut de «patriarche» de la paix et de la stabilité et qui rassurerait Alassane Ouattara tout en neutralisant leurs ambitions légitimes ? Difficile d’y-voir-clair pour le moment !
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