Le Nobel de la paix pour des rescapés d’Hiroshima opposés à l’arme nucléaire

Vendredi 11 Octobre 2024

Le Nobel de la paix a récompensé vendredi le groupe japonais Nihon Hidankyo, qui regroupe des survivants d’Hiroshima et Nagasaki militant aujourd’hui contre l’arme atomique, à un moment où des États comme la Russie menacent de briser ce tabou.

 

Nihon Hidankyo est distingué « pour ses efforts en faveur d’un monde sans armes nucléaires et pour avoir démontré, par des témoignages, que les armes nucléaires ne doivent plus jamais être utilisées », a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes.

 

Le prix « met l’accent sur la nécessité de maintenir le tabou nucléaire », a-t-il souligné. « Et nous avons tous une responsabilité [pour le faire], en particulier les puissances nucléaires ».

 

Ce choix intervient alors que Moscou a, à plusieurs reprises, agité la menace nucléaire pour dissuader l’Occident d’apporter de l’aide militaire à l’Ukraine, qui tente depuis deux ans et demi de repousser l’invasion russe.

 

Le mois dernier, le président Vladimir Poutine a changé la doctrine russe d’emploi de l’arme nucléaire, affirmant qu’il pourrait notamment y recourir en cas de « lancement massif » d’attaques aériennes contre son pays.

 

« Une guerre nucléaire pourrait détruire notre civilisation », a mis en garde M. Frydnes.

La planète s’apprête à commémorer l’an prochain le 80e anniversaire des deux premiers bombardements nucléaires de l’Histoire à Hiroshima et Nagasaki, qui firent au total quelque 214 000 morts et précipitèrent la capitulation du Japon ainsi que la fin de la Seconde Guerre mondiale.

 

Fondé en 1956, Nihon Hidankyo est une organisation qui représente les survivants irradiés – les « hibakusha » – de ces bombardements, dont les rangs s’amenuisent avec le temps.  

 

Les armes nucléaires ne permettent pas de garantir un monde sans conflit, a réagi à Tokyo un co-responsable du groupe, Toshiyuki Mimaki, qui, les larmes aux yeux, assurait à la presse que « jamais [il] n’aurait imaginé » recevoir le Nobel.

 

« On a dit que, grâce aux armements nucléaires, la paix serait maintenue à travers le monde. Mais les armes nucléaires peuvent être utilisées par des terroristes. Et par exemple, si la Russie les utilise contre l’Ukraine, et Israël contre Gaza, cela ne s’arrêtera pas là », a-t-il dit.

 

Toshiyuki Mimaki a comparé le Japon de 1945 à la situation actuelle dans la bande Gaza, théâtre depuis un an d’une offensive israélienne en riposte aux attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

 

« À Gaza, des enfants en sang sont tenus [dans les bras de leurs parents]. C’est comme au Japon il y a 80 ans », a déclaré Toshiyuki Mimaki lors d’une conférence de presse à Tokyo.

 

« Le mal absolu »

 

Le premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, a salué une récompense « extrêmement significative » et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, « un message puissant ».

 

Les bombes nucléaires représentent « le mal absolu », a pour sa part commenté le maire d’Hiroshima, Kazumi Matsui.

 

Présente à moins de 2 kilomètres du point d’impact, Setsuko Thurlow, alors écolière de 13 ans, a raconté avoir vu « un simple éclair de lumière » quand les États-Unis ont largué la bombe Little Boy sur Hiroshima le 6 août 1945.

 

« C’était l’enfer sur Terre », confiait il y a quelques années à l’AFP cette « hibakusha », membre de Nihon Hidankyo, qui a maintes fois évoqué « une procession de fantômes », les membres en lambeaux, les yeux énucléés ou encore les intestins sortant des estomacs béants.  

 

Aujourd’hui, neuf pays détiennent l’arme atomique – États-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et très probablement Israël –, une liste qui a tendance à s’allonger plutôt qu’à rétrécir.

 

Avec l’augmentation des tensions géopolitiques dans le monde, ces puissances nucléaires modernisent leurs arsenaux, soulignaient en juin des chercheurs de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

 

En janvier, sur les quelque 12 121 ogives nucléaires existantes dans le monde, environ 9585 étaient disponibles en vue d’une utilisation potentielle, relevaient-ils.

 

Moscou a annoncé en 2023 suspendre sa participation au traité New START, le dernier traité de contrôle limitant les forces nucléaires stratégiques de la Russie et des États-Unis.

 

Le Nobel de la paix a déjà récompensé à de multiples reprises des efforts visant à obtenir l’interdiction de ces armes de destruction massive en distinguant notamment l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (1985) ou la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN, 2017).

 

Le Nobel, qui consiste en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (environ 1,46 million de dollars canadiens), sera formellement remis le 10 décembre à Oslo. [AFP]

 
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