Par Adama Gaye (journaliste & consultant)
Alors que notre pays préside, ce mois-ci, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), l’état de notre diplomatie mérite d’être passé à la loupe.
Passons sur les enfantillages suscités par son admission, depuis un an, dans l’Exécutif de l’instance universelle, qui avait été présentée comme l’expression éclatante du leadership diplomatique sénégalais.
Qu’on s’entende bien : nous sommes heureux qu'à l’image du Mali, du Congo, du Burkina et d’autres pays africains, hier, le Sénégal ait été, son tour étant venu, admis temporairement dans le saint des saints de l’Onu. Qu’il l'ait obtenu de haute main, par un scrutin de…maréchal, face à d'autres candidats, est aussi à saluer. Enfin, qu’il puisse s’asseoir dans un lieu où de grandes questions mondiales sont discutées ne peut que réjouir les Sénégalais, heureux, en ces temps de disette généralisée, d’avoir une raison de se bomber le torse.
Mais redescendons sur terre pour analyser froidement ce qui, in fine, n’entre que dans la banale marche de l’activité diplomatique internationale. Il y a alors de quoi s’étonner que le Sénégal l'ait transformé en folklore aussi loufoque que coûteux. Depuis des mois, on fait comme si notre diplomatie avait réussi quelque chose qui pour rien au monde ne devait passer inaperçue.
En vertu de quoi, on a battu le tam-tam et le rappel des troupes. Jusqu’à faire revenir d’anciens diplomates, bons pour la retraite, qui ont été convoyés à New York, aux frais de la nation, pour on-ne-sait quelle raison, en feignant d'oublier que, leur carrière terminée, ils n’avaient pas été capables de préparer, selon les bonnes règles de la succession institutionnelle, d’autres cadres diplomatiques, plus jeunes, susceptibles, sans coûts additionnels, de gérer une participation somme toute ordinaire dans les débats du Conseil de Sécurité.
Ces vieux diplomates n’avaient rien à faire au siège de l'Onu. Leur place est dans le privé, dans les universités sénégalaises, dans les think-tanks, dans les médias pour partager, au plus, leurs savoirs afin qu’une majorité de Sénégalais sachent de quoi retourne le Conseil de Sécurité, y compris en aidant à faire des simulations de son fonctionnement au profit de jeunes étudiants. Alors que de nouveaux diplomates étrangers sont à l’Onu maintenant, nos vétérans diplomates n’ont même pas l’avantage de les connaître à la différence de leurs plus jeunes collègues sénégalais. Pourquoi, à leur place, n’y avoir pas envoyé de jeunes universitaires du pays pour qu’ils s’imprègnent du fonctionnement de l’ONU afin de revenir mieux armés pour dispenser leurs enseignements ? Sous ce prisme, les journalistes qui ont fait partie de la virée méritaient mieux de participer à ce tourisme diplomatique, s’ils en sont revenus plus aptes à analyser le fonctionnement et les procédures de l’ONU.
Cessons d’amuser la galerie : être admis comme membre non-permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU ne signifie nullement que le Sénégal est promis à en devenir un membre permanent. Ce mensonge est sciemment maintenu. Depuis qu’il m’est arrivé d’écouter le professeur d’Oxford, Adams Robert, le meilleur spécialiste de l’ONU, évoquer les contraintes pour être accepté à ce statut, je ne me fais plus aucune illusion sur ce point et le Consensus dit d’Ezulwuni, adopté au Swaziland, en 2005, par l’Union africaine (UA) pour sécuriser un ou deux sièges permanents pour le continent est davantage à l’avantage de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, du Nigeria voire de l’UA elle-même pour y accéder.
Ne rêvons pas non plus sur l’hydro-diplomatie dont le Sénégal, en voix solitaire, se fait le promoteur pendant sa présidence actuelle du Conseil de Sécurité. Elle reste une chimère !
Sur la question du soutien de l’ONU aux opérations de maintien de la paix et de l’engagement de l’Afrique à donner 25 pour cent pour en faire un succès, c’est aussi du vent : les pays riches se servent du Conseil de Sécurité, instance non-démocratique désuète, pour pousser leurs pions, tandis que les contributions africaines à la paix, édentées, restent de simples pétitions de principes.
Moderniser et crédibiliser notre diplomatie deviennent dès lors des exigences pour l'adapter aux nouvelles normes sans murs, virtuelles, ad hoc, qui sont en train de larguer le Conseil de Sécurité de l’Onu, redevenu ces dernières années un lieu de compétition inter-étatique s'accrochant à sa splendeur passée, en voie d’obsolescence.
En d'autres termes, la diplomatie sénégalaise doit cesser son penchant pour l’autoglorification et faire son vrai aggiornamento pour ne plus être au service de carrières individuelles, de conquêtes futiles, ou l'amplificatrice des rêves de légitimation de dirigeants nationaux, dont l’actuel, en déficience de résultats internes – qui comptent le plus aux yeux de la communauté nationale !
Question : où est passée la pierre angulaire de la diplomatie sénégalaise, cette diplomatie économique dont on nous parlait avec tant d’emphase il y a à peine un an ? Au vent, comme les blablas autour d’une présidence du Conseil de Sécurité dont la banalité se révélera dans un très proche avenir.
Comme dans les participations, pompeuses mais inutiles, de notre pays à d’autres grands cénacles, entre autres au G20, aux G7-G8, les mensonges risquent ici aussi de se fracasser sur les rocs d’un peuple refusant, comme les chèvres, de se laisser berner par des calebasses vides.
Alors que notre pays préside, ce mois-ci, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), l’état de notre diplomatie mérite d’être passé à la loupe.
Passons sur les enfantillages suscités par son admission, depuis un an, dans l’Exécutif de l’instance universelle, qui avait été présentée comme l’expression éclatante du leadership diplomatique sénégalais.
Qu’on s’entende bien : nous sommes heureux qu'à l’image du Mali, du Congo, du Burkina et d’autres pays africains, hier, le Sénégal ait été, son tour étant venu, admis temporairement dans le saint des saints de l’Onu. Qu’il l'ait obtenu de haute main, par un scrutin de…maréchal, face à d'autres candidats, est aussi à saluer. Enfin, qu’il puisse s’asseoir dans un lieu où de grandes questions mondiales sont discutées ne peut que réjouir les Sénégalais, heureux, en ces temps de disette généralisée, d’avoir une raison de se bomber le torse.
Mais redescendons sur terre pour analyser froidement ce qui, in fine, n’entre que dans la banale marche de l’activité diplomatique internationale. Il y a alors de quoi s’étonner que le Sénégal l'ait transformé en folklore aussi loufoque que coûteux. Depuis des mois, on fait comme si notre diplomatie avait réussi quelque chose qui pour rien au monde ne devait passer inaperçue.
En vertu de quoi, on a battu le tam-tam et le rappel des troupes. Jusqu’à faire revenir d’anciens diplomates, bons pour la retraite, qui ont été convoyés à New York, aux frais de la nation, pour on-ne-sait quelle raison, en feignant d'oublier que, leur carrière terminée, ils n’avaient pas été capables de préparer, selon les bonnes règles de la succession institutionnelle, d’autres cadres diplomatiques, plus jeunes, susceptibles, sans coûts additionnels, de gérer une participation somme toute ordinaire dans les débats du Conseil de Sécurité.
Ces vieux diplomates n’avaient rien à faire au siège de l'Onu. Leur place est dans le privé, dans les universités sénégalaises, dans les think-tanks, dans les médias pour partager, au plus, leurs savoirs afin qu’une majorité de Sénégalais sachent de quoi retourne le Conseil de Sécurité, y compris en aidant à faire des simulations de son fonctionnement au profit de jeunes étudiants. Alors que de nouveaux diplomates étrangers sont à l’Onu maintenant, nos vétérans diplomates n’ont même pas l’avantage de les connaître à la différence de leurs plus jeunes collègues sénégalais. Pourquoi, à leur place, n’y avoir pas envoyé de jeunes universitaires du pays pour qu’ils s’imprègnent du fonctionnement de l’ONU afin de revenir mieux armés pour dispenser leurs enseignements ? Sous ce prisme, les journalistes qui ont fait partie de la virée méritaient mieux de participer à ce tourisme diplomatique, s’ils en sont revenus plus aptes à analyser le fonctionnement et les procédures de l’ONU.
Cessons d’amuser la galerie : être admis comme membre non-permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU ne signifie nullement que le Sénégal est promis à en devenir un membre permanent. Ce mensonge est sciemment maintenu. Depuis qu’il m’est arrivé d’écouter le professeur d’Oxford, Adams Robert, le meilleur spécialiste de l’ONU, évoquer les contraintes pour être accepté à ce statut, je ne me fais plus aucune illusion sur ce point et le Consensus dit d’Ezulwuni, adopté au Swaziland, en 2005, par l’Union africaine (UA) pour sécuriser un ou deux sièges permanents pour le continent est davantage à l’avantage de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, du Nigeria voire de l’UA elle-même pour y accéder.
Ne rêvons pas non plus sur l’hydro-diplomatie dont le Sénégal, en voix solitaire, se fait le promoteur pendant sa présidence actuelle du Conseil de Sécurité. Elle reste une chimère !
Sur la question du soutien de l’ONU aux opérations de maintien de la paix et de l’engagement de l’Afrique à donner 25 pour cent pour en faire un succès, c’est aussi du vent : les pays riches se servent du Conseil de Sécurité, instance non-démocratique désuète, pour pousser leurs pions, tandis que les contributions africaines à la paix, édentées, restent de simples pétitions de principes.
Moderniser et crédibiliser notre diplomatie deviennent dès lors des exigences pour l'adapter aux nouvelles normes sans murs, virtuelles, ad hoc, qui sont en train de larguer le Conseil de Sécurité de l’Onu, redevenu ces dernières années un lieu de compétition inter-étatique s'accrochant à sa splendeur passée, en voie d’obsolescence.
En d'autres termes, la diplomatie sénégalaise doit cesser son penchant pour l’autoglorification et faire son vrai aggiornamento pour ne plus être au service de carrières individuelles, de conquêtes futiles, ou l'amplificatrice des rêves de légitimation de dirigeants nationaux, dont l’actuel, en déficience de résultats internes – qui comptent le plus aux yeux de la communauté nationale !
Question : où est passée la pierre angulaire de la diplomatie sénégalaise, cette diplomatie économique dont on nous parlait avec tant d’emphase il y a à peine un an ? Au vent, comme les blablas autour d’une présidence du Conseil de Sécurité dont la banalité se révélera dans un très proche avenir.
Comme dans les participations, pompeuses mais inutiles, de notre pays à d’autres grands cénacles, entre autres au G20, aux G7-G8, les mensonges risquent ici aussi de se fracasser sur les rocs d’un peuple refusant, comme les chèvres, de se laisser berner par des calebasses vides.