Le Soudan s'apprête à célébrer la signature d'un accord de transition vers un pouvoir civil

Samedi 17 Aout 2019

Les militaires au pouvoir et les meneurs de la contestation au Soudan doivent sceller samedi un accord historique ouvrant la voie à un transfert du pouvoir aux civils, dont la population espère qu'il lui apportera davantage de liberté et une vie meilleure.
 
Une cérémonie doit se dérouler samedi après-midi à Khartoum sur les bords du Nil pour la signature des documents qui définissent les 39 mois de transition à venir.
 
Si la voie vers la démocratie risque d'être encore longue, l'humeur est toutefois à la célébration dans la capitale où des dignitaires étrangers et des milliers de Soudanais affluaient dès vendredi pour l'occasion.
 
L'accord conclu début août a mis fin à près de huit mois d'un mouvement de contestation inédit qui a mené le 11 avril à la chute du président Omar el-Béchir, resté 30 ans au pouvoir, avant de se retourner contre les généraux du Conseil militaire de transition qui a pris sa succession.
 
Conclu à la faveur d'une médiation de l'Ethiopie et de l'Union africaine, cet accord a été accueilli avec soulagement des deux côtés, les manifestants célébrant la victoire de leur "révolution" et les généraux s'attribuant le mérite d'avoir évité une guerre civile.
 
A Atbara, une ville du centre du pays où ont eu lieu les premiers rassemblements contre la décision du gouvernement de tripler le prix du pain le 19 décembre, certains dansaient et chantaient sur les quais de la gare avant de partir pour Khartoum, selon des images postées sur les réseaux sociaux.
 
"Pouvoir civil", ont-il scandé, promettant de venger ceux qui ont péri dans la répression des manifestations.
 
- Premières étapes -
 
Les premières étapes de la transition devraient suivre la signature avec l'annonce dimanche de la composition du Conseil souverain en majorité constitué de civils qui doit mener la transition.
 
Jeudi, l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), le fer de lance de la contestation, a désigné Abdallah Hamdok, un ex-économiste de l'ONU, pour devenir Premier ministre. Le Conseil souverain doit annoncer mardi s'il le confirme à ce poste.
 
M. Hamdok aura alors la lourde tâche de relever l'économie du pays qui s'est écroulée après que la sécession du Sud en 2011 l'a privée des trois quarts de ses réserves de pétrole. Inflation et pénuries ont été des moteurs de la contestation.
 
Des élections sont prévues pour 2022 mais beaucoup de Soudanais doutent d'ores et déjà des capacités des institutions de transition à limiter le pouvoir de l'élite militaire.
 
Si ceux-ci sont minoritaires au sein des 11 membres du Conseil souverain qui doit gouverner 40 millions de Soudanais, celui-ci sera d'abord dirigé par un général pendant 21 mois. Et les ministres de l'Intérieur et de la Défense seront choisis par les militaires.
 
"Les dynamiques politiques auront plus d'importance que des bouts de papier", affirme Rosalind Marsden, du groupe de réflexion Chatham House établi à Londres.
 
"Le plus gros défi du gouvernement sera le démantèlement des (entités informelles) islamistes qui ont pris le contrôle de toutes les institutions de l'Etat et des secteurs clés de l'économie", ajoute-t-elle.
 
Le Premier ministre éthiopien participera à la cérémonie aux côtés de dirigeants d'autres pays de la région.
 
L'une des premières conséquences de l'accord en matière diplomatique devrait être la levée de la suspension en juin du Soudan de l'Union africaine.
 
Le général Mohammed Ali Ibrahim, membre du Conseil militaire de transition, a dit vendredi que la signature "rouvrirait la porte aux relations internationales du Soudan".
 
- Groupes rebelles absents -
 
Le jour de la signature devait aussi être celui de l'ouverture du procès de l'ex-président inculpé pour corruption mais celle-ci a été repoussée à une date indéterminée.
 
Vendredi, Amnesty International a averti contre la possibilité pour M. Béchir d'échapper à un procès devant la Cour pénale internationale qui a émis contre lui deux mandats d'arrêt notamment pour "génocide" au Darfour.
 
"Omar el-Béchir a échappé à la justice depuis bien trop longtemps et les victimes de crimes atroces attendent toujours réparation", a indiqué l'ONG.
 
Au sein du mouvement de contestation, certains affirment que l'accord n'est pas suffisant pour contrecarrer le pouvoir des militaires et garantir que justice soit aussi faite pour les quelque 250 personnes qui sont mortes lors des manifestations selon un comité de médecins proche des protestataires.
 
Les grands absents de la cérémonie de signature seront les groupes rebelles des régions marginalisées du Darfour, du Nil Bleu et du Kordofan.
 
Le Front révolutionnaire soudanais, qui réunit ces groupes, a soutenu la contestation mais a rejeté la déclaration constitutionnelle de l'accord, exigeant de participer au gouvernement et davantage de garanties concernant le processus de paix les concernant. (AFP)
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