Le patron du principal syndicat agricole français a annoncé lundi que des "actions" seraient menées "aussi longtemps qu'il sera nécessaire" et appelé une nouvelle fois à des "réponses concrètes" face à la "désespérance" des agriculteurs, avant un rendez-vous dans la soirée avec Gabriel Attal.
"Je peux vous dire que dès aujourd'hui et toute la semaine et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, un certain nombre d'actions vont être menées", a déclaré le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau, sur France Inter.
Les actions concerneront "chaque département", a-t-il dit, soulignant que "la montée de la tension est forte, d'où la nécessité d'apporter des réponses concrètes".
Les blocages sont pour l'heure principalement localisés en Occitanie.
Le Premier ministre, confronté à sa première crise depuis sa nomination le 11 janvier, recevra Arnaud Rousseau et son homologue des Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot à 18H00.
Les autres organisations agricoles (Coordination rurale, Confédération paysanne) demandent aussi à être reçues.
Si le gouvernement n'est "pas au rendez-vous", "on peut être à l'aube d'un gros mouvement agricole", a déclaré lundi le président des JA, sur France 2.
Depuis jeudi soir, plusieurs dizaines d'exploitants bloquent l'autoroute A64, qui relie Toulouse à Bayonne, à hauteur de Carbonne, en Haute-Garonne.
Lundi juste avant midi, plusieurs dizaines de manifestants ont occupé les voies de l'autoroute A9 dans le sens Montpellier-Barcelone au niveau du péage Perpignan-sud, perturbant le trafic routier sur cet axe.
Des agriculteurs bloquaient aussi lundi les accès à la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne.
Au coeur des manifestations, des charges financières et des normes environnementales jugées trop lourdes.
Ces motifs de mécontentement sont récurrents dans une profession que le gouvernement tente pourtant de ménager depuis des années pour éviter d'ouvrir un nouveau front social.
En décembre, l'ex-Première ministre Elisabeth Borne avait ainsi annoncé à la FNSEA et aux JA l'abandon de hausses de taxes sur les pesticides et l'irrigation, suscitant la colère... des associations environnementales et d'acteurs de l'eau.
Depuis la Vendée, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a communiqué lundi sur le lancement, déjà dans les tuyaux, d'un "fonds hydraulique" pour aider les agriculteurs à investir dans le stockage de l'eau, la réutilisation des eaux usées ou l'efficience de l'irrigation. Il doit être abondé de 20 millions d'euros "dès 2024", selon son cabinet.
Dans ce territoire comptant depuis des années des réserves d'irrigation, qualifiées de "bassines" par leurs détracteurs, il a aussi réaffirmé que le gouvernement allait s'employer à réduire les délais des procédures pour accélérer la construction de telles installations.
Le gouvernement craint un embrasement car, des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l'Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions contre les hausses des taxes et le "Pacte vert" européen. Le tout, sur fond d'inflation et de concurrence des importations ukrainiennes, et avant les élections européennes en juin.
Le Royaume-Uni n'est pas épargné: des producteurs de fruits et légumes vont manifester lundi devant le Parlement à Londres pour protester contre les contrats d'achats "injustes" qui les lient à la grande distribution.
- "Retard à l'allumage" -
En France, la profession est aussi agacée par les reports successifs du projet de loi sur l'agriculture, promis il y a plus d'un an par Emmanuel Macron et finalement moins ambitieux que la "loi d'orientation agricole" initialement annoncée.
Dimanche, Marc Fesneau a annoncé un nouveau délai de "quelques semaines".
Le projet de loi entend favoriser la relève en agriculture, une nécessité à l'heure où la population des près de 500.000 chefs d'exploitation vieillit. Il doit désormais aussi s'enrichir de mesures pour simplifier le millefeuille de réglementations agricoles.
A moins de cinq mois des élections européennes, les oppositions courtisent le monde agricole.
Le porte-parole du Rassemblement national (RN), Sébastien Chenu, a estimé lundi sur TF1 que le gouvernement accusait un "retard à l'allumage" face à des doléances anciennes.
Droite comme gauche ont demandé à l'exécutif de renoncer à alourdir le coût du carburant des tracteurs.
Le ministère de l'Economie et la FNSEA se sont mis d'accord l'été dernier sur une réduction progressive de la niche fiscale sur le gazole non routier (GNR), en échange de compensations. Arnaud Rousseau avait précédemment défendu une "trajectoire supportable", négociée par le syndicat "en responsabilité".
Mais la Coordination rurale, 2e syndicat agricole, continue de s'opposer catégoriquement à la remise en cause de cette niche fiscale, tout comme le chef des députés Les Républicains, Olivier Marleix.
Interrogé par l'AFP, François Veillerette, porte-parole de l'ONG Générations futures, comprend les revendications pour un meilleur revenu et interdire d'importer des produits venant de pays moins-disants.
Mais "là où ça ne va pas du tout, c'est sur les attaques qu'ils continuent à faire sur tout ce qui est normes environnementales".
"On a l'impression qu'ils n'en ont jamais assez", veulent "toujours plus de pesticides, toujours moins de contrôle, toujours moins d'évaluation du risque" lié à ces molécules, a-t-il déploré.
Du côté de Bruxelles, une réunion des ministres de l'Agriculture est prévue mardi. [AFP]