Le gouvernement à l'offensive pour désamorcer la grogne des retraités

Jeudi 20 Septembre 2018

Le Premier ministre Édouard Philippe a tenté jeudi de désamorcer la grogne croissante des seniors sur le pouvoir d'achat en promettant un geste fiscal pour 300.000 retraités, qui seront exemptés à partir de 2019 de la hausse de la CSG.

Les retraités "ne sont pas mal aimés, ils ne sont pas mal aimés du tout", a assuré M. Philippe sur France Inter, en défendant la politique budgétaire du gouvernement, et notamment la hausse de 1,7 point de CSG entrée en vigueur au 1er janvier 2018.

"Nous faisons des choix car nous voulons que le travail paye. Nous voulons que ceux qui aujourd'hui payent les pensions puissent bénéficier de leur effort accru", a poursuivi le chef du gouvernement, tout en reconnaissant la nécessité d'un meilleur "calibrage" de cette réforme.

Actuellement, 60% des retraités, soit 7,5 millions de personnes, sont concernés par la hausse de la CSG, mise en place pour compenser la suppression des cotisations salariales. Un niveau trop élevé aux yeux des associations de retraités, qui dénoncent un "matraquage fiscal".

Face aux critiques, le Premier ministre avait annoncé en mars un geste pour les 100.000 retraités se trouvant juste au-dessus du revenu fiscal de référence, à savoir 14.404 euros pour une personne seule et 22.051 euros pour un couple.

Jeudi matin, le chef du gouvernement a précisé que cette "mesure de correction" concernerait finalement "300.000 personnes", "qui n'auront pas à payer cette augmentation de la CSG dans les années qui viennent". "C'est un effort de 350 millions d'euros", a-t-il insisté.

Concrètement, il faudra être passé pendant deux ans d'affilée au-dessus du seuil pour être frappé par l'augmentation de la CSG. Ce qui signifie que les contribuables qui dépassent le seuil durant une seule année seront épargnés.

"C'est une mesure de justice sociale, qui permet d'ajuster un dispositif qui n'avait pas vocation à pénaliser les plus fragiles de nos concitoyens", s'est félicité dans un communiqué le député LREM Joël Giraud, rapporteur général du Budget.

- "Variable d'ajustement" -

Cette décision intervient dans un contexte délicat pour le gouvernement, contraint de trouver des marges de manœuvre pour boucler son budget 2019 tout en prenant en compte des reproches des seniors sur le pouvoir d'achat.

"Il faut écouter les personnes âgées", a mis en garde mardi le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, dans un entretien accordé à L'Express. "Si celles-ci protestent, ce n'est pas parce qu'elles sont de mauvaise foi".

Selon L'Élysée, Emmanuel Macron lui-même est monté au créneau pour demander à son entourage d'"arrêter d'emmerder les retraités", reconnaissant en creux que sa politique avait désavantagé cette partie de la population.

Pour les principaux intéressés, le geste fiscal annoncé par l'exécutif ne suffit toutefois pas à mettre un terme au mécontentement. "Le compte est loin d'être bon", a ainsi taclé le président de l'Union française des retraités, Christian Bourreau.

"Il y a un problème de fond, que l'annonce faite par Édouard Philippe aujourd'hui ne règle pas", a renchéri Michel Salingue, secrétaire général de la Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP), pour qui les retraités sont devenus une "variable d'ajustement".

"Qu'on passe de 100.000 à 300.000 retraités, c'est tant mieux pour les 200.000 personnes concernées. Mais la réalité, c'est que les retraités vont continuer de perdre du pouvoir d'achat" en raison notamment du "quasi-gel des pensions", a-t-il ajouté.

Le gouvernement a en effet décidé de limité à 0,3% la revalorisation des pensions de retraites en 2019, alors que l'inflation devrait atteindre cette année-là 1,3% selon Bercy. De quoi économiser, selon une source proche du dossier, près d'un milliard d'euros.

A la suite de cette décision, une journée de manifestation a été annoncée pour le 3 octobre. "Jamais le divorce des retraités n'a été aussi fort avec un gouvernement", a dénoncé l'intersyndicale des retraités dans un communiqué.

Selon le baromètre Ipsos du mois de septembre, la popularité d'Emmanuel Macron chez les retraités -- qui avait déjà fortement baissé l'an dernier -- s'est effondrée ces derniers mois, avec 74% de personnes ayant une opinion défavorable ou très défavorable du président.

"Depuis l'été, il y a eu un décrochage", relève Chloé Morin, analyste de l'opinion chez Ipsos, qui explique ce phénomène par les mesures fiscales mais aussi par "l'attitude de Macron". "Et évidemment c'est un électorat crucial pour les européennes". (AFP)
 
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