Le héros du film "Hotel Rwanda" reconnu coupable de « terrorisme »

Lundi 20 Septembre 2021

Paul Rusesabagina
Paul Rusesabagina, dont l’histoire a inspiré le film « Hotel Rwanda » et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été reconnu coupable lundi de « terrorisme », au terme d’un procès qualifié de « politique » par ses soutiens.
 
L’ancien directeur de l’Hôtel des Mille Collines à Kigali était jugé pour son soutien au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d’avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019.
 
« Le tribunal conclut que le rôle de Rusesabagina dans la création du FLN, la fourniture de fonds aux rebelles et l’achat de moyens de communication pour les rebelles constituent tous le crime de commission de terrorisme », a déclaré Beatrice Mukamurenzi, une des trois juges du tribunal de Kigali.
 
« Il a fondé une organisation terroriste, il a contribué financièrement à des activités terroristes », a-t-elle ajouté.
 
Sa peine devait encore être détaillée par le tribunal, durant cette audience de plusieurs heures à laquelle assistaient de nombreux journalistes et diplomates.
 
La prison à vie a été requise contre Paul Rusesabagina, 67 ans, rendu célèbre par le film « Hotel Rwanda » sorti en 2004, qui a raconté comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1000 personnes durant le génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts, principalement des Tutsi.
 
Après avoir été arrêté dans des conditions controversées à Kigali en août 2020, ce virulent opposant à Paul Kagame a été jugé, avec 20 autres personnes, de février à juillet pour neuf chefs d’accusation, dont celui de « terrorisme ».
 
Procès « spectacle »
 
Paul Rusesabagina a participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé, mais il a toujours nié toute implication dans ces attaques.
 
« Le MRCD-FLN a commis des actes terroristes. Le MRCD ne peut être séparé des actes militaires » du FLN, a déclaré la juge Beatrice Mukamurenzi.  
 
Ni Rusesabagina, ni ses avocats n’étaient présents à la lecture du verdict. Ils ont boycotté les audiences depuis mars, dénonçant un procès « politique » rendu possible par son « enlèvement » organisé par les autorités rwandaises, ainsi que des mauvais traitements en détention.
 
Sa famille et ses soutiens n’ont eu de cesse de dénoncer « un spectacle mis en place par le gouvernement rwandais pour faire taire un critique et refroidir toute dissidence future ».
 
Les États-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, le Parlement européen et la Belgique, dont il est ressortissant, avaient également exprimé leurs préoccupations sur les conditions de son arrestation et l’équité du procès.
 
Dans une interview début septembre, le président rwandais Paul Kagame avait répondu aux critiques, assurant que Paul Rusesabagina serait « jugé aussi équitablement que possible ».
 
Ce procès « n’a rien à voir avec le film (ni) avec son statut de célébrité », avait-il affirmé : « Il s’agit des vies de Rwandais perdues à cause de ses actions et à cause des organisations auxquelles il appartenait ou qu’il dirigeait ».
 
Témoignages contradictoires
 
Paul Rusesabagina est depuis plus de 20 ans un virulent opposant à Paul Kagame, qu’il accuse d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-Hutu.
 
Il vivait depuis 1996 en exil aux États-Unis et en Belgique, avant d’être arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d’un avion qu’il pensait à destination du Burundi.
 
Le gouvernement rwandais a admis avoir « facilité le voyage » vers Kigali, mais affirmé que l’arrestation était « légale » et que « ses droits n’ont jamais été violés ».
 
Les cinq mois d’audience ont vu des témoignages contradictoires sur son rôle.
Un porte-parole du FLN a déclaré qu’il n’avait « pas donné d’ordres aux combattants du FLN ». Un autre coaccusé a, lui, affirmé que tous les ordres venaient de lui.
 
Sa notoriété hollywoodienne avait suscité des critiques. Certains survivants des Mille Collines lui reprochent notamment d’avoir tiré profit de leur malheur et d’avoir embelli son rôle.
 
Il avait également utilisé sa célébrité pour donner un écho mondial à ses positions de plus en plus virulentes contre le régime de Paul Kagame, ce qui lui vaut des attaques de partisans du régime. (AFP)
 
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