Le transport aérien coûte cher en Afrique : voici comment le rendre plus accessible (The CONVERSATION)

Lundi 23 Décembre 2024

Les billets d'avion coûtent cher en Afrique, pour les vols intérieurs comme sur les destinations hors du continent. Conséquence : le transport aérien africain ne représente que 4,5 % du nombre de passagers transportés dans le monde. Voyager en avion dans le continent est laborieux, coûteux et fastidieux. Les ministres en cherge deu transport aérien se sont réunis, à la mi-novembre 2924 à Lomé, pour examiner le problème. Les facteurs qui renchérissent les prix du billet d’avion en Afrique demeurent une préoccupation majeure des responsable du transport aérien sur le continent. Le professeur Paul Chiambaretto, auteur de plusieurs articles scientifiques et livres sur le transport aérien, explique à The Conversation Africa les raisons de cette cherté et indique la voie à suivre pour un transport aérien plus accessible sur le continent.

Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Sénégal)

Quels sont les principaux facteurs qui contribuent à la hausse des prix des billets d'avion en Afrique par rapport à d'autres régions du monde ?

 

Les prix des billets d'avion en Afrique sont systématiquement plus élevés que dans d'autres régions du monde, et plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Premièrement, le manque d'infrastructures aéroportuaires constitue un frein majeur. Les coûts liés à la construction, à l'entretien et à la modernisation des aéroports africains sont souvent plus élevés que dans d'autres régions. La raison principale est liée à un manque de concurrence et une moins grande présence des grands groupes aéroportuaires mondiaux comme Aéroport de Paris (ADP) et Vinci. Cela se traduit par des frais aéroportuaires structurellement plus élevés et qui contribuent à renchérir les prix des billets.

 

En guise de comparaison , le billet d'un vol direct de moins de trois heures entre Berlin en Allemagne et Istanbul en Turquie coûte environ 150 dollars. Sur la même distance, entre Kinshasa (RD Congo) et Lagos (Nigeria), il faut débourser entre 500 et 850 dollars, avec parfois plusieurs escales.

 

Ensuite, la faible concurrence sur les routes régionales aggrave la situation. De nombreuses liaisons aériennes intra-africaines sont dominées par un petit nombre de compagnies nationales, créant un manque de compétitivité qui maintient les tarifs à des niveaux élevés. Il est souvent plus intéressant pour un passager africain de faire une correspondance en Europe, en Turquie ou en Moyen-Orient qu’un vol direct car les prix sont moins élevés.

 

Enfin, les coûts du carburant en Afrique sont particulièrement élevés, en raison des infrastructures de raffinage limitées et des lourdes taxes à l’importation dans plusieurs pays. Or le carburant peut représenter jusqu’à 35 % du coût d’un billet d’avion.

 

Comment les politiques gouvernementales et les taxes aéronautiques affectent-elles le coût des billets d'avion en Afrique ?

 

Les politiques gouvernementales et les taxes aéronautiques en Afrique jouent un rôle déterminant dans la structure des prix des billets. Tout d’abord, de nombreux pays africains imposent des taxes plus élevées que dans le reste du monde sur les billets d’avion et sur le carburant, ce qui renchérit considérablement les coûts pour les passagers. Par exemple, dans certains pays, ces taxes peuvent représenter plus de 20 % du prix total d'un billet.

 

De plus, les accords de ciel ouvert, qui visent à libéraliser l'espace aérien et à favoriser la concurrence, peinent encore à se développer dans plusieurs régions d'Afrique. Cela signifie que de nombreux pays continuent à protéger leurs compagnies nationales par des politiques restrictives, limitant ainsi la concurrence et maintenant des prix élevés, notamment sur les vols transfrontaliers.

 

Quel est l'impact de la concurrence entre les compagnies aériennes africaines et les compagnies étrangères sur les tarifs des billets d'avion dans la région ?

 

La concurrence entre les compagnies africaines et les compagnies étrangères a un impact direct sur les prix des billets dans la région. Les compagnies aériennes internationales européennes (comme Air France, Lufthansa, Brussels Airlines) mais aussi du Golfe (telles qu'Emirates, Qatar Airways) ou Turkish Airlines, profitent de réseaux mondiaux bien établis et d'économies d’échelle significatives, leur permettant souvent de proposer des prix plus compétitifs que les compagnies africaines sur certaines liaisons. Les destinations africaines sont d’ailleurs très rentables pour ces compagnies aériennes. Et au final, environ 80 % des liaisons intercontinentales africaines sont opérées par des compagnies non africaines, réduisant la capacité des transporteurs locaux à rester compétitifs.

 

A l’inverse, les compagnies africaines souffrent généralement de flottes plus réduites et vieillissantes ainsi que d'une gestion moins optimisée, ce qui entraîne des coûts d'exploitation plus élevés. Ces coûts sont souvent répercutés sur les passagers, ce qui renforce l’écart tarifaire entre les compagnies locales et leurs concurrentes internationales.

 

Néanmoins, toutes les compagnies aériennes africaines ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines d'entre elles, comme Ethiopian Airlines ou Kenya Airways, ont beaucoup investi ces dernières années dans le renouvellement de leur flotte, de façon à se rapprocher des niveaux de services et de coûts des compagnies aériennes non-africaines.

 

Quelles recommandations faut-il mettre en œuvre pour un transport aérien moins cher en Afrique ?

 

Afin de rendre le transport aérien plus accessible et plus abordable en Afrique, plusieurs mesures peuvent être envisagées. Tout d’abord, la promotion des accords de ciel ouvert est essentielle. Une mise en œuvre complète de la Déclaration de Yamoussoukro, qui vise à libéraliser le ciel africain, permettrait de favoriser la concurrence et de réduire les tarifs pour les passagers. A titre d’exemple, les compagnies à bas coûts ne représentent qu’une dizaine de pourcents des vols en Afrique, contre 35 à 40 % à l’échelle mondiale. La libéralisation du marché africain aurait pour effet de favoriser l’entrée de nouveaux acteurs et de tirer les prix vers le bas.

 

En parallèle, améliorer les infrastructures aéroportuaires dans la région permettrait de réduire les coûts d’exploitation des compagnies aériennes, ce qui se traduirait par des tarifs plus abordables pour les passagers.

 

Enfin, il est crucial d'encourager la coopération régionale entre les compagnies africaines. La création d'alliances ou de partenariats stratégiques pourrait accroître l'efficacité des opérations et offrir des économies d'échelle, permettant ainsi de proposer des tarifs plus compétitifs, à l’image des alliances observées dans le reste du monde.

Interview reprise avec l’aimable autorisation de THE CONVERSATION

 
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