Par Adama Gaye
Nulle part ou presque son nom ne figure dans les recensions du 28ème Sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est terminé par d’importantes décisions mais l’histoire retiendra qu’elle en fut l’une des vraies stars.
Ellen Johnson-Sirleaf n’était, il est vrai, qu’un des nombreux Chefs d’Etat à se presser dans les couloirs de l’Africa Hall, ou dont la silhouette était visible dans les salles de réunions, pendant ce rendez-vous qui s’est tenu à Addis-Abeba, au siège de l’organisation, du 30 au 31 Janvier.
Il y avait en vérité de nombreuses raisons pour ne pas fixer l’attention sur cette dame prise dans les rets d’un âge avancé, lui donnant l’air d’une grand-mère détonnant en ce milieu masculin.
Très peu retinrent dès lors la charge symbolique de la remise d’un tableau d’honneur pour saluer le rôle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dont elle assume la présidence en exercice dans la résolution de la crise Gambienne. En le lui remettant, le 30 janvier, le président en exercice sortant de l’UA, le Tchadien Idriss Déby-Itno, voulait certes mettre en exergue l’action positive, réussie, pour une fois, d’une médiation africaine –et souligner l’avantage d’une mutualisation des efforts au niveau régional, et, clin d’œil, demain, continental.
Personne ne s’y est pourtant trompé : les ovations nourries ayant accompagné sa marche lente vers le podium pour récupérer l’honneur lui étaient d’abord destinées. Son silence après l’avoir reçu, toute de classe, exprimait une modestie dans le triomphe. Une grande dame venait de traverser le ciel panafricain…
Sitôt après, les questions spectaculaires prirent le dessus. Notamment celle de l’élection du patron de la Commission de l’UA, pour remplacer la sortante, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, avec la victoire du sobre mais brillant Tchadien, Moussa Faki-Mahamat, et la prévisible déroute diplomatique (une de plus) du Sénégal dont le candidat fut recalé dès le début alors que la course se jouait, comme nous l’indiquions ici il y a une semaine, entre le vainqueur et son redoutable challenger, la ministre Kenyane des Affaires Etrangères, Amina Mohamed, longtemps en tête dans la course…
Le retour du Maroc, signe d’une ré-africanisation de sa politique et d’un retrait de la tentation européenne qui l’a inspirée après son départ de l’ancêtre de l’UA, en l’occurrence l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), en 1984, était aussi suffisamment décisif pour dénier à la présidente libérienne le statut de star de cet événement. Le jeune Roi Marocain, Mohamed 6, architecte d’une politique africaine menée au pas de charge, à travers tout le continent, était un sérieux concurrent, qui, de surcroit, avait réussi à former un front commun subtil, avec l’arch-rival, l’Algérie, pour museler les velléités de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) de s’opposer à sa réadmission.
En chloroformant ses soutiens, surtout du monde anglophone africain, il a réalisé un coup de génie politique que les losers diplomatiques se doivent même d’apprendre. La real-politik, chère à Hans Morgenthau, a de beaux jours sur le continent si la leçon marocaine est retenue. Surtout qu’elle aurait été accompagnée par des espèces sonnantes et trébuchantes, distribuées le 29 Janvier, veille du jour décisif.
Que certains analystes soient tentés à juste titre d’évoquer les décisions somme toute procédurières sur l’élection du nouveau Président en Exercice, le Guinéen Alpha Condé, l’adoption des réformes pour accélérer la marche communautaire, ou les progrès dans le mode de financement de l’organisation continentale, est de bonne guerre.
Mais les deux vrais marqueurs de ce Sommet resteront d’une part la césure qui s’est opérée entre un bloc de pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, francophones pour l’essentiel, sous la conduite de la Monarchie Chérifienne et de la France, avec l’Algérie en alliée surprise, et, de l’autre, une Afrique anglophone, soucieuse de maintenir le flambeau de l’autodétermination des peuples, forte de son héritage dans la lutte violente pour subjuguer apartheid et colonialisme dans cette partie du continent.
L’autre marqueur du Sommet, restera Ellen Johnson-Sirleaf. Sous son leadership, le dictateur Gambien, Yaya Jammeh, a été évincé de son poste, au moyen de sa médiation régionale brandissant alternativement la carotte et le bâton.
Dès lors, alors que j’étais en audience avec elle, la délégation gambienne, dirigée par la nouvelle Vice-présidente du pays est venue la remercier, j’ai pu mesurer combien son action avait été appréciée.
‘’Cette jeune fille sera une grande dame’’, témoigne une biographie qui lui est consacrée. Depuis des années que j’ai le privilège de m’entretenir avec elle, son action, qui lui a déjà valu un Prix Nobel de la Paix, fait d’elle l’un des grands leaders d’un monde souffrant d’un déficit de dirigeants dignes de ce nom…
Sous son impulsion, le Liberia est sorti de l’économie post-guerre qu’elle avait la triste réputation d’avoir. Il se redresse. Ebola vaincu, c’est désormais un pays qui avance, même si certains défis pèsent sur ses épaules, notamment une corruption chronique dans ses instances de gouvernance…
Quand Sirleaf-Johnson quittera ses fonctions, dans quelques-mois, personne ne doutera que ce pays, marqué au fer de la guerre civile, sera célébré comme une démocratie mature.
Charles Taylor, son prédécesseur à la tête du pays, n’avait pas eu tort de me confier un jour, alors que nous marchions en son ranch de Gbarnga, vers la frontière ivoirienne : ‘’Ellen n’est pas un enfant de chœur !’’.
Elle est devenue une icône…
Nulle part ou presque son nom ne figure dans les recensions du 28ème Sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est terminé par d’importantes décisions mais l’histoire retiendra qu’elle en fut l’une des vraies stars.
Ellen Johnson-Sirleaf n’était, il est vrai, qu’un des nombreux Chefs d’Etat à se presser dans les couloirs de l’Africa Hall, ou dont la silhouette était visible dans les salles de réunions, pendant ce rendez-vous qui s’est tenu à Addis-Abeba, au siège de l’organisation, du 30 au 31 Janvier.
Il y avait en vérité de nombreuses raisons pour ne pas fixer l’attention sur cette dame prise dans les rets d’un âge avancé, lui donnant l’air d’une grand-mère détonnant en ce milieu masculin.
Très peu retinrent dès lors la charge symbolique de la remise d’un tableau d’honneur pour saluer le rôle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dont elle assume la présidence en exercice dans la résolution de la crise Gambienne. En le lui remettant, le 30 janvier, le président en exercice sortant de l’UA, le Tchadien Idriss Déby-Itno, voulait certes mettre en exergue l’action positive, réussie, pour une fois, d’une médiation africaine –et souligner l’avantage d’une mutualisation des efforts au niveau régional, et, clin d’œil, demain, continental.
Personne ne s’y est pourtant trompé : les ovations nourries ayant accompagné sa marche lente vers le podium pour récupérer l’honneur lui étaient d’abord destinées. Son silence après l’avoir reçu, toute de classe, exprimait une modestie dans le triomphe. Une grande dame venait de traverser le ciel panafricain…
Sitôt après, les questions spectaculaires prirent le dessus. Notamment celle de l’élection du patron de la Commission de l’UA, pour remplacer la sortante, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, avec la victoire du sobre mais brillant Tchadien, Moussa Faki-Mahamat, et la prévisible déroute diplomatique (une de plus) du Sénégal dont le candidat fut recalé dès le début alors que la course se jouait, comme nous l’indiquions ici il y a une semaine, entre le vainqueur et son redoutable challenger, la ministre Kenyane des Affaires Etrangères, Amina Mohamed, longtemps en tête dans la course…
Le retour du Maroc, signe d’une ré-africanisation de sa politique et d’un retrait de la tentation européenne qui l’a inspirée après son départ de l’ancêtre de l’UA, en l’occurrence l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), en 1984, était aussi suffisamment décisif pour dénier à la présidente libérienne le statut de star de cet événement. Le jeune Roi Marocain, Mohamed 6, architecte d’une politique africaine menée au pas de charge, à travers tout le continent, était un sérieux concurrent, qui, de surcroit, avait réussi à former un front commun subtil, avec l’arch-rival, l’Algérie, pour museler les velléités de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) de s’opposer à sa réadmission.
En chloroformant ses soutiens, surtout du monde anglophone africain, il a réalisé un coup de génie politique que les losers diplomatiques se doivent même d’apprendre. La real-politik, chère à Hans Morgenthau, a de beaux jours sur le continent si la leçon marocaine est retenue. Surtout qu’elle aurait été accompagnée par des espèces sonnantes et trébuchantes, distribuées le 29 Janvier, veille du jour décisif.
Que certains analystes soient tentés à juste titre d’évoquer les décisions somme toute procédurières sur l’élection du nouveau Président en Exercice, le Guinéen Alpha Condé, l’adoption des réformes pour accélérer la marche communautaire, ou les progrès dans le mode de financement de l’organisation continentale, est de bonne guerre.
Mais les deux vrais marqueurs de ce Sommet resteront d’une part la césure qui s’est opérée entre un bloc de pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, francophones pour l’essentiel, sous la conduite de la Monarchie Chérifienne et de la France, avec l’Algérie en alliée surprise, et, de l’autre, une Afrique anglophone, soucieuse de maintenir le flambeau de l’autodétermination des peuples, forte de son héritage dans la lutte violente pour subjuguer apartheid et colonialisme dans cette partie du continent.
L’autre marqueur du Sommet, restera Ellen Johnson-Sirleaf. Sous son leadership, le dictateur Gambien, Yaya Jammeh, a été évincé de son poste, au moyen de sa médiation régionale brandissant alternativement la carotte et le bâton.
Dès lors, alors que j’étais en audience avec elle, la délégation gambienne, dirigée par la nouvelle Vice-présidente du pays est venue la remercier, j’ai pu mesurer combien son action avait été appréciée.
‘’Cette jeune fille sera une grande dame’’, témoigne une biographie qui lui est consacrée. Depuis des années que j’ai le privilège de m’entretenir avec elle, son action, qui lui a déjà valu un Prix Nobel de la Paix, fait d’elle l’un des grands leaders d’un monde souffrant d’un déficit de dirigeants dignes de ce nom…
Sous son impulsion, le Liberia est sorti de l’économie post-guerre qu’elle avait la triste réputation d’avoir. Il se redresse. Ebola vaincu, c’est désormais un pays qui avance, même si certains défis pèsent sur ses épaules, notamment une corruption chronique dans ses instances de gouvernance…
Quand Sirleaf-Johnson quittera ses fonctions, dans quelques-mois, personne ne doutera que ce pays, marqué au fer de la guerre civile, sera célébré comme une démocratie mature.
Charles Taylor, son prédécesseur à la tête du pays, n’avait pas eu tort de me confier un jour, alors que nous marchions en son ranch de Gbarnga, vers la frontière ivoirienne : ‘’Ellen n’est pas un enfant de chœur !’’.
Elle est devenue une icône…