Législatives tchèques : la victoire attendue du "Trump" local

Vendredi 20 Octobre 2017

Mécontents de leur classe politique et de l'Union européenne, les Tchèques ont commencé à voter vendredi après-midi pour des législatives auxquelles le "Trump tchèque" fait figure de favori.

Les quelque huit millions d'électeurs devraient donc couronner le mouvement populiste ANO du milliardaire Andrej Babis, qui a réitéré à la veille des élections son hostilité à l'accueil des migrants et à la zone euro.

M. Babis a voté peu de temps après l'ouverture des bureaux à 14h00 (12H00 GMT) à Pruhonice, près de Prague, avec son épouse Monika. "Ces élections sont fondamentales pour l'avenir du pays", a-t-il estimé.

Fondateur du géant agroalimentaire, chimique et médiatique Agrofert, M. Babis, 63 ans, également qualifié de "Berlusconi tchèque", pourrait obtenir avec son mouvement entre 25% et 30% des voix, selon différents sondages.

Et ce malgré ses ennuis avec la justice, après une inculpation pour fraude aux fonds européens et des accusations de collaboration avec la police secrète communiste StB avant 1989, qu'il rejette.

Selon le quotidien Hospodarske Noviny, ces élections devraient marquer un "tournant dans l'évolution du pays, aussi bien du point de vue de son fonctionnement interne, que de son ancrage dans l'Union européenne".

- Quelque chose de nouveau -

"Mécontente et préoccupée", la société tchèque "est prête à essayer quelque chose de nouveau", estime le commentateur de ce journal, Petr Honzejk.

"Le résultat en est malheureusement la situation dans laquelle nous nous trouvons avant un succès sans précédent de partis qui peuvent, dans une certaine constellation, perturber le système de fonctionnement de la démocratie libérale en tant que tel", avertit-il.

En dépit de ses critiques de la zone euro et des directives de Bruxelles, M. Babis n'est pour autant ni hostile à l'Union européenne en tant que telle, ni partisan d'une sortie de l'UE.

Le scrutin pourrait toutefois aussi catapulter au parlement, voire au gouvernement, le parti SPD ("Liberté et démocratie directe") du tchéco-japonais Tomio Okamura, strictement opposé à l'intégration européenne et à l'immigration, porté par un courant présent dans d'autres pays d'Europe de l'Est.

"J'aime bien Okamura, il est radical et je partage ses opinions sur la situation en Europe. Nous savons tous ce qui se passe dans ces Etats vers lesquels les migrants se dirigent en priorité, je ne veux pas que cela se produise chez nous", a confié à l'AFP une Pragoise de 41 ans, Marie Matulova.

- Sentiment de menace -

"La crise de l'intégration européenne, les problèmes liés à l'immigration, les attaques terroristes à l'ouest de nos frontières, tout cela provoque en Tchéquie (...) un sentiment instinctif de menace", note aussi Petr Honzejk, avant d'ajouter: "Ce sont Bruxelles et les élites politiques liées à l'intégration européenne qui en sont accusés".

"Nous ne voulons pas de quotas, nous ne voulons pas de migrants ici, nous voulons stopper l'immigration et voulons finalement avoir un Premier ministre qui dira à (la chancelière allemande Angela) Merkel et au (président français Emmanuel) Macron que la solution se trouve hors de l'Europe", a déclaré le chef d'ANO jeudi soir.

Son principal rival social-démocrate, le ministre pro-européen des Affaires étrangères Lubomir Zaoralek, est loin de dire le contraire: "Il n'y aura pas de quotas, je peux le garantir et le promettre", a-t-il affirmé. Et "personne ne nous oblige maintenant à entrer dans la zone euro".

A l'issue d'une campagne inhabituellement terne, jusqu'à neuf partis pourraient franchir le seuil d'éligibilité de 5%, ce qui risque d'ouvrir une période d'incertitude avant la constitution d'une coalition.

Conformément à la tradition tchèque, les bureaux de vote ont ouvert vendredi à 14H00 pour fermer à 22H00 (12H00 - 20H00 GMT) et fonctionneront à nouveau samedi entre 8H00 et 14H00 (06H00 - 12H00 GMT). Les résultats devraient être connus samedi en fin de journée.
 
Nombre de lectures : 123 fois