Alors que les départs massifs de migrants vers l’Espagne se multiplient à partir des côtes sénégalaises, entraînant des centaines de morts ou de disparus, la question du financement visant à décourager les postulants à l’émigration irrégulière s’impose aux autorités sénégalaises. Selon la Fondation Heinrich Böll établie à Dakar, «plus de 200 milliards de francs CFA (environ 306 millions d’euros) ont été consacrés à la mise en œuvre de différentes initiatives dans le domaine des migrations entre 2005 et 2019».
Selon le document, ce montant est basé «sur le décompte fait à partir de la compilation des différents budgets des projets et programmes migratoires» mis en œuvre au Sénégal.
Les financements de politique migratoire ont été identifiés sur trois séquences.
La période 2005-2012 – assimilée dans le rapport à l’étape de «verrouillage des possibilités de migration légale» – a provoqué une «ampleur des migrations irrégulières à bord de pirogues surnommées ‘’barça wala barsakh’’ (à Barcelone ou la mort)». Ces sept années ont absorbé 15% du montant total, soit 30 milliards de francs CFA (environ 45,730 millions d’euros).
Avec 35% du financement, soit 70 milliards de francs CFA (environ 107 millions d’euros), la deuxième période 2012-2015 a surtout coïncidé avec l’arrivée de fonds européens visant à favoriser le retour au pays de Sénégalais vivant en Europe.
Enfin, la majeure partie des investissements –120 milliards de francs CFA (près de 183 millions d’euros)– a été consommée entre 2015 et 2019 et a porté sur divers thèmes: sensibilisation, appuis institutionnels, renforcement du contrôle des frontières, etc.
Selon l’étude, en dépit de l’envergure des financements, «les résultats obtenus sont mitigés et le phénomène de la migration irrégulière continue de prendre de l’importance. Cela peut s’expliquer par un contexte institutionnel national marqué par un éparpillement des acteurs et par une absence de politique claire et cohérente».
Le professeur Aly Tandian, directeur du Laboratoire d’études et de recherches sur les migrations et faits de société à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal, décrypte le phénomène:
«Ce qui a biaisé les actions engagées, c’est la méconnaissance des besoins des populations. Il y a des préalables à respecter comme la cartographie des besoins, le profilage des acteurs, la faisabilité des projets, etc. Les zones de départ des candidats à la migration ont leurs similarités mais aussi et surtout leurs spécificités», analyse-t-il.
Il explique qu’il est «parfois surpris de voir émerger des projets maraîchers, agricoles ou avicoles visant à contrer la migration irrégulière alors que leurs bénéficiaires ont des compétences dans d’autres secteurs».
L’émotion suscitée dans l’opinion publique par la recrudescence des morts et disparus en mer depuis plusieurs semaines a remis l’État sur la sellette. Ce 3 novembre, un collectif d’une trentaine d’organisations de la société civile, de syndicats et d’associations de migrants a rendu publique une déclaration pour demander des comptes aux autorités sénégalaises
«L’absence d’une vraie politique migratoire se traduit par du pilotage à vue et transforme le pays en gouffre à milliards obtenus de la coopération internationale. Il n’y a aucune transparence sur ces fonds, aucune efficacité depuis le Sommet de La Valette […] et l’adoption du Pacte mondial sur les migrations. Sinon des ministères hypertrophiés, des actions sans impact positif, un décalage avec les attentes des jeunes en particulier. Autant d’errements qui nourrissent et enrichissent des trafiquants sans scrupules», lit-on dans le communiqué.
En novembre 2015, dirigeants européens et africains s’étaient en effet retrouvés à La Valette, pour asseoir une «responsabilité commune» dans la gestion des migrations.
«La migration, une question complexe»
Les objectifs fixés tenaient en quelques points: démanteler les causes profondes favorisant les départs clandestins, renforcer la coopération entre pays pour neutraliser les départs irréguliers, protéger les migrants, établir des politiques de prévention afin d’inciter les candidats à rester dans leur pays, faciliter l’expulsion de clandestins dans leur pays d’origine.
Le collectif, pour qui «l’État est responsable de tous ces maux», exige «la publication de tous les projets […] avec leurs montants, les sources de financement et les ministères qui en assurent la gestion, un audit des fonds obtenus (des partenaires étrangers) depuis cinq ans au moins, la publication de tous les accords (de réadmission) signés avec les pays européens, l’Union européenne, le Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes), etc.».
«Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Mais pour mettre en œuvre de véritables solutions, il faut de la volonté et de l’humilité. La migration est une question bien trop complexe pour n’être gérée que par des politiques», rappelle le Pr Aly Tandian.
Selon le document, ce montant est basé «sur le décompte fait à partir de la compilation des différents budgets des projets et programmes migratoires» mis en œuvre au Sénégal.
Les financements de politique migratoire ont été identifiés sur trois séquences.
La période 2005-2012 – assimilée dans le rapport à l’étape de «verrouillage des possibilités de migration légale» – a provoqué une «ampleur des migrations irrégulières à bord de pirogues surnommées ‘’barça wala barsakh’’ (à Barcelone ou la mort)». Ces sept années ont absorbé 15% du montant total, soit 30 milliards de francs CFA (environ 45,730 millions d’euros).
Avec 35% du financement, soit 70 milliards de francs CFA (environ 107 millions d’euros), la deuxième période 2012-2015 a surtout coïncidé avec l’arrivée de fonds européens visant à favoriser le retour au pays de Sénégalais vivant en Europe.
Enfin, la majeure partie des investissements –120 milliards de francs CFA (près de 183 millions d’euros)– a été consommée entre 2015 et 2019 et a porté sur divers thèmes: sensibilisation, appuis institutionnels, renforcement du contrôle des frontières, etc.
Selon l’étude, en dépit de l’envergure des financements, «les résultats obtenus sont mitigés et le phénomène de la migration irrégulière continue de prendre de l’importance. Cela peut s’expliquer par un contexte institutionnel national marqué par un éparpillement des acteurs et par une absence de politique claire et cohérente».
Le professeur Aly Tandian, directeur du Laboratoire d’études et de recherches sur les migrations et faits de société à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal, décrypte le phénomène:
«Ce qui a biaisé les actions engagées, c’est la méconnaissance des besoins des populations. Il y a des préalables à respecter comme la cartographie des besoins, le profilage des acteurs, la faisabilité des projets, etc. Les zones de départ des candidats à la migration ont leurs similarités mais aussi et surtout leurs spécificités», analyse-t-il.
Il explique qu’il est «parfois surpris de voir émerger des projets maraîchers, agricoles ou avicoles visant à contrer la migration irrégulière alors que leurs bénéficiaires ont des compétences dans d’autres secteurs».
L’émotion suscitée dans l’opinion publique par la recrudescence des morts et disparus en mer depuis plusieurs semaines a remis l’État sur la sellette. Ce 3 novembre, un collectif d’une trentaine d’organisations de la société civile, de syndicats et d’associations de migrants a rendu publique une déclaration pour demander des comptes aux autorités sénégalaises
«L’absence d’une vraie politique migratoire se traduit par du pilotage à vue et transforme le pays en gouffre à milliards obtenus de la coopération internationale. Il n’y a aucune transparence sur ces fonds, aucune efficacité depuis le Sommet de La Valette […] et l’adoption du Pacte mondial sur les migrations. Sinon des ministères hypertrophiés, des actions sans impact positif, un décalage avec les attentes des jeunes en particulier. Autant d’errements qui nourrissent et enrichissent des trafiquants sans scrupules», lit-on dans le communiqué.
En novembre 2015, dirigeants européens et africains s’étaient en effet retrouvés à La Valette, pour asseoir une «responsabilité commune» dans la gestion des migrations.
«La migration, une question complexe»
Les objectifs fixés tenaient en quelques points: démanteler les causes profondes favorisant les départs clandestins, renforcer la coopération entre pays pour neutraliser les départs irréguliers, protéger les migrants, établir des politiques de prévention afin d’inciter les candidats à rester dans leur pays, faciliter l’expulsion de clandestins dans leur pays d’origine.
Le collectif, pour qui «l’État est responsable de tous ces maux», exige «la publication de tous les projets […] avec leurs montants, les sources de financement et les ministères qui en assurent la gestion, un audit des fonds obtenus (des partenaires étrangers) depuis cinq ans au moins, la publication de tous les accords (de réadmission) signés avec les pays européens, l’Union européenne, le Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes), etc.».
«Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Mais pour mettre en œuvre de véritables solutions, il faut de la volonté et de l’humilité. La migration est une question bien trop complexe pour n’être gérée que par des politiques», rappelle le Pr Aly Tandian.