MACRON ET NOUS: Fichons-lui la paix, emmerdons nos dirigeants!

Vendredi 2 Février 2018

L’arrivée à Dakar du plus jeune président de la République française de l'histoire a été précédée par une salve de protestations à la fois outrées et légitimes. La France nous inflige assez de mal pour que nous nous en plaignions haut et fort. Mais en face, que font nos propres gouvernants, ceux-là même que nous avons élus pour nous sortir du cul-de-sac sans horizons dans lequel soixante ans de politiques nous ont enfermés ?


Du Macron partout et nulle part, jusqu’à l’overdose. Comme dans un éternel recommencement, la visite d’Etat du président de la République Française au Sénégal soulève passion et intérêt chez bon nombre de nos compatriotes de l’élite intellectuelle et politique. A juste raison d’ailleurs.
 
Presque six décennies après son indépendance, le Sénégal est plus que jamais un pays dépendant de l’«aide» économique et financière française, du parapluie militaire français, des us et coutumes administratifs français. Notre pays est encore fidèle au centralisme bureaucratique français, aux doctrines et pratiques juridiques françaises, aux modes de consommation français, au système d’enseignement scolaire et supérieur français… Même pour la nourriture des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (tiens !), nos dirigeants au plus haut niveau ont préféré faire confiance à une obscure entreprise…française!
 
Le côté sombre et monstrueux de nos rapports avec une ancienne puissance coloniale toujours présente au cœur de notre quotidien est une réalité concrète. La France nous asphyxie, elle nous étouffe, elle nous leurre, elle nous bluffe, elle fait du business sur notre dos. La France nous étreint à mort en nous disant qu’elle nous aime, tout en veillant à ce que nous ne mourrions pas tout de suite pour continuer à se payer sur la bête que nous sommes. En même temps, la France nous plaît, elle nous subjugue, sa culture nous attire et Paris a la plus belle avenue du monde. La France ne nous laisse pas indifférents… En apparence, tout semble compliqué ! En réalité, tout est simple. Nous récoltons simplement ce que nous semons.
 
Entre démocratie et royaume-soleil
 
Quand la France élit son président de la République, ce dernier sait ce qu’il a à faire pour mériter un mandat supplémentaire, et ce qu’il n’a pas à faire pour ne pas mériter un autre bail à l’Elysée, compte non tenu des contingences politiques internes.
 
Comme De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estain, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Emmanuel Macron n’invente pas la roue qui, depuis Mathusalem, fait tourner les mécanismes de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de son pays. Il s’occupe des déficits, du chômage, du pouvoir d’achat, des loisirs, de l’école, de la sécurité, de marchés et contrats pour les entreprises publiques et privées, etc. A l’interne, la loi, le règlement et le fonctionnement normal des institutions l’empêchent d’être un roi-soleil.
 
Quand le Sénégal élit son président de la République, il sait ce qu’il a à faire pour obtenir un mandat de plus. Il place sa famille et ses amis au cœur des affaires de l’Etat et de la République. Il capture les ressources du pays à son profit et pour son clan. Il offre des contrats de plusieurs centaines de milliards de francs Cfa à des sociétés-écrans. Il domestique les institutions politiques, judiciaires, administratives et décentralisées censées être des contre-pouvoirs à son pouvoir déjà exorbitant. Il cannibalise la démocratie, érige la corruption en système de recrutement élitique et populaire pour garnir sa base électorale. Il s’enrichit et enrichit la cohorte de courtisans accrochés à ses basques.
 
Des «missions» que facilite la disponibilité immédiate et incontrôlée de plusieurs dizaines de milliards de francs Cfa. A la fin de son pouvoir et des honneurs, il peut bien vivre à l’extérieur avec le magot amassé. Nous n’avons pas de présidents, mais des rois-soleil pitoyables et falots. C’est notre destin, pour le moment, mais ça commence à trop durer!
 
Dégager les sous-marins locaux…
 
Macron travaille pour la pérennité des entreprises françaises en Afrique, pour la prospérité des citoyens français de Paris, de la Lozère, de la Corse, pour la sécurité physique, culturelle et intellectuelle de la France ? C’est son droit, c’est même son honneur que de s’y atteler avec une volonté si touchante! En face, que font nos gouvernants à nous, ceux que nous avons élus pour protéger notre économie fragile, soutenir nos entreprises, mettre de la qualité dans le système d’enseignement, bâtir un pays réellement indépendant et construire une interdépendance de qualité avec le reste du monde ? Nous avons les réponses sous nos yeux et elles ne sont pas glorieuses.
 
Là est le combat initial et originel que, certains, avec courage et désintéressement, mènent comme ils peuvent en l’absence du soutien d’une masse critique populaire en mesure de faire aboutir ce projet national d’indépendance circonscrit aux élites.
 
Arrêtons de rêver: Emmanuel Macron n’a ni l’intention ni les moyens de faire ce que nous voulons qu’il fasse et que nous avons le devoir, nous, de faire. Il ne sacrifiera jamais ce qu’il pense être de l’intérêt de la France. Si les sous-préfets de la coloniale hexagonale qui gouvernent nos pays se révèlent incapables de prendre leurs responsabilités historiques et patriotiques pour nous sortir de ce cul-de-sac évidemment sans horizons, si nous sommes inaptes à faire émerger des Lumumba, Sankara ou Nyerere, alors fichons la paix à Macron.
 
Commençons par dégager d’abord ceux que nous considérons comme les sous-marins locaux qui travaillent à la misère permanente du peuple. Après, le reste devient un jeu d’enfant. Et nous entrerions enfin dans l’Histoire, notre destin entre nos propres mains, entre des mains propres.
 
 
 
  
 
 
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