Les conséquences économiques et financières désastreuses projetées pour l’après pandémie du coronavirus n’épargnent pas l’Afrique alors que le continent est encore le moins touché de la planète par les statistiques macabres sur les morts engendrés par le Covid-19. Chefs d’Etats, institutions internationales bilatérales et multilatérales, organisations régionales et non gouvernementales s’activent pour trouver les meilleures parades pour limiter ce qui serait une casse du siècle. Le président sénégalais Macky Sall s’est positionné très tôt en proposant l’annulation des dettes institutionnelles des pays africains, soutenu ensuite par d’autres chefs d’Etat dont Emmanuel Macron. Mais les argentiers du monde détenteurs de créances sur les pays pauvres ont proposé beaucoup moins : la suspension du paiement des intérêts de la dette dus par chaque pays concerné et seulement pour l’année 2020.
Romuald Wadagni, une question de crédibilité pour le continent
A ce sujet, l’Afrique ne parle pas d’une même voix. Le Bénin, par exemple, nage à contre-courant du Sénégal. Dans une tribune publiée le 23 avril par le magazine « Jeune Afrique », Romuald Wadagni, son ministre de l’Economie et des Finances, considère qu’« un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des Etats et compromettra leur accès aux financements futurs.» Il s’en suivrait alors « un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. »
Quant au moratoire, il « pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu’il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux. »
Pour le Bénin, l’Afrique peut s’en sortir par « la mobilisation urgente de liquidité nouvelle en lieu et place des annulations ou moratoires de dette », et par le recours aux « financements concessionnels » pour relancer les économies/pays. « L’endettement responsable est un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence », a indiqué Romuald Wadagni.
Abdoulaye Diallo, la réalité des chiffres
En réponse à cette tribune où Macky Sall est indirectement visé, c’est le ministre sénégalais de l’Economie et du Budget qui est monté au front pour « clarifier certains faits, ainsi que les arguments sur le sujet de la dette des pays africains dont les économies subissent les effets du Covid-19. » Selon Abdoulaye Daouda Diallo, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
« La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) anticipe un taux de croissance de 1,8% contre une hausse de 3,2% initialement prévue en 2020, sous l’effet de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la baisse des prix des matières premières et des transferts effectués par les migrants », explique le ministre sénégalais.
D’autre part, s’appuyant sur les « premières estimations » de la Zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) à laquelle appartient le Bénin, Abdoulaye Daouda Diallo rappelle que ces projections « font ressortir une diminution de 3,9% de la croissance du PIB, qui se situerait à +2,7% contre une progression de +6,6% initialement prévue pour 2020. » Dans la foulée, une étude de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est mise sur la table : les pertes de ressources financières seraient de « 36,4 milliards de dollars à la fin juin 2020 », de « 63,2 milliards de dollars à la fin septembre 2020 » et de « 73 milliards de dollars à la fin décembre 2020 ».
Ce sont ces projections plutôt alarmistes qui expliquent la définition par les institutions régionales et sous régionales d’une « position commune sur le traitement de la dette dans le cadre des initiatives pour faire face aux conséquences sanitaires et économiques du Covid-19. »
Selon Abdoulaye Daouda Diallo, « le communiqué final de la session extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao du 23 avril est sans ambiguïté. Ils soutiennent l’initiative de l’Union africaine (UA) de négocier avec les partenaires pour une annulation de la dette auprès de créanciers publics et des institutions multilatérales. »
« L’Afrique doit compter sur ses propres forces »
Dans une autre tribune parue cette semaine, l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé prend position : « La demande d’annulation est amplement justifiée et légitime. Elle est justifiée au regard du contexte actuel de lutte contre une pandémie que personne ne prévoyait et qui nécessite la mobilisation de ressources considérables pour la combattre. Seule l’annulation pourrait contribuer à mettre à la disposition des pays africains de ressources à portée de main – le service de la dette inscrit dans leurs budgets- pour faire face à la pandémie. »
Néanmoins, a-t-il ajouté, « la leçon fondamentale que l’Afrique doit en tirer est qu’elle doit avant tout compter sur ses propres forces. En cette période de bouleversement mondial, l’heure doit être à une profonde introspection des dirigeants africains, surtout de la part de ceux dont les pays célèbrent le 60e anniversaire de leur « indépendance ». Comment en est-on arrivé là ? Faut-il continuer dans les voies suivies jusque là ou bien faut-il un changement radical de cap ? Faut-il laisser les acteurs extérieurs – pays et institutions- continuer à dicter les politiques de développement de l’Afrique ? Ou bien faut-il que celle-ci ait enfin le courage et la lucidité de prendre son destin en main ? »
Romuald Wadagni, une question de crédibilité pour le continent
A ce sujet, l’Afrique ne parle pas d’une même voix. Le Bénin, par exemple, nage à contre-courant du Sénégal. Dans une tribune publiée le 23 avril par le magazine « Jeune Afrique », Romuald Wadagni, son ministre de l’Economie et des Finances, considère qu’« un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des Etats et compromettra leur accès aux financements futurs.» Il s’en suivrait alors « un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. »
Quant au moratoire, il « pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu’il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux. »
Pour le Bénin, l’Afrique peut s’en sortir par « la mobilisation urgente de liquidité nouvelle en lieu et place des annulations ou moratoires de dette », et par le recours aux « financements concessionnels » pour relancer les économies/pays. « L’endettement responsable est un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence », a indiqué Romuald Wadagni.
Abdoulaye Diallo, la réalité des chiffres
En réponse à cette tribune où Macky Sall est indirectement visé, c’est le ministre sénégalais de l’Economie et du Budget qui est monté au front pour « clarifier certains faits, ainsi que les arguments sur le sujet de la dette des pays africains dont les économies subissent les effets du Covid-19. » Selon Abdoulaye Daouda Diallo, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
« La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) anticipe un taux de croissance de 1,8% contre une hausse de 3,2% initialement prévue en 2020, sous l’effet de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la baisse des prix des matières premières et des transferts effectués par les migrants », explique le ministre sénégalais.
D’autre part, s’appuyant sur les « premières estimations » de la Zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) à laquelle appartient le Bénin, Abdoulaye Daouda Diallo rappelle que ces projections « font ressortir une diminution de 3,9% de la croissance du PIB, qui se situerait à +2,7% contre une progression de +6,6% initialement prévue pour 2020. » Dans la foulée, une étude de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est mise sur la table : les pertes de ressources financières seraient de « 36,4 milliards de dollars à la fin juin 2020 », de « 63,2 milliards de dollars à la fin septembre 2020 » et de « 73 milliards de dollars à la fin décembre 2020 ».
Ce sont ces projections plutôt alarmistes qui expliquent la définition par les institutions régionales et sous régionales d’une « position commune sur le traitement de la dette dans le cadre des initiatives pour faire face aux conséquences sanitaires et économiques du Covid-19. »
Selon Abdoulaye Daouda Diallo, « le communiqué final de la session extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao du 23 avril est sans ambiguïté. Ils soutiennent l’initiative de l’Union africaine (UA) de négocier avec les partenaires pour une annulation de la dette auprès de créanciers publics et des institutions multilatérales. »
« L’Afrique doit compter sur ses propres forces »
Dans une autre tribune parue cette semaine, l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé prend position : « La demande d’annulation est amplement justifiée et légitime. Elle est justifiée au regard du contexte actuel de lutte contre une pandémie que personne ne prévoyait et qui nécessite la mobilisation de ressources considérables pour la combattre. Seule l’annulation pourrait contribuer à mettre à la disposition des pays africains de ressources à portée de main – le service de la dette inscrit dans leurs budgets- pour faire face à la pandémie. »
Néanmoins, a-t-il ajouté, « la leçon fondamentale que l’Afrique doit en tirer est qu’elle doit avant tout compter sur ses propres forces. En cette période de bouleversement mondial, l’heure doit être à une profonde introspection des dirigeants africains, surtout de la part de ceux dont les pays célèbrent le 60e anniversaire de leur « indépendance ». Comment en est-on arrivé là ? Faut-il continuer dans les voies suivies jusque là ou bien faut-il un changement radical de cap ? Faut-il laisser les acteurs extérieurs – pays et institutions- continuer à dicter les politiques de développement de l’Afrique ? Ou bien faut-il que celle-ci ait enfin le courage et la lucidité de prendre son destin en main ? »