Lors d’un propos liminaire, devant son gouvernement au complet et de nombreux journalistes rassemblés dans la salle des fêtes de l’Élysée, le président de la République a esquissé « le sens profond » de cette nouvelle phase de son action, après une année 2023 marquée par les adoptions chaotiques des lois sur les retraites et sur l’immigration.
« Je suis convaincu que nous avons tous les atouts pour réussir » et que « nous n’en avons pas fini avec notre histoire de progrès et que nos enfants vivront mieux demain, que nous ne vivons aujourd’hui », a assuré M. Macron.
Alors que son nouveau premier ministre, Gabriel Attal, ne prononcera que le 30 janvier sa déclaration de politique générale, le chef de l’État a, bien au-delà des « grands axes » annoncés par l’Élysée, distillé plusieurs mesures concernant l’école, l’économie et la sécurité.
Premier axe : la jeunesse et l’école. M. Macron entend réguler l’usage des écrans « pour nos enfants », sur la base d’un rapport d’experts qu’il a réunis la semaine dernière. Il entend également « refonder l’instruction civique », dont le volume horaire sera doublé, avec une heure par semaine dès la cinquième, et souhaite « que le théâtre devienne un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine ».
Le président entend également voir expérimenter la « tenue unique » pour les élèves dès cette année dans une centaine d’établissements scolaires, en vue d’une éventuelle généralisation en 2026. Et a également souhaité rétablir des cérémonies de remise des diplômes « dès cette année » au collège, « un rite républicain d’unité, de fierté et de reconnaissance », a-t-il dit, en se disant aussi au passage « totalement favorable » à l’apprentissage systématique de La Marseillaise en primaire.
Le tout assorti d’un mea culpa sur « l’égalité des chances » : « je dois reconnaître avec netteté qu’après six ans et demi […], nous avons amélioré des choses mais nous ne les avons pas radicalement changées ». « L’avenir des enfants de la République reste encore par trop déterminé par le nom de famille, l’endroit où l’on est né, le milieu auquel on appartient ».
« Congé de naissance »
Deuxième thème abordé : la sécurité. Dix opérations « place nette » seront menées chaque semaine contre le trafic de drogue, « dans toutes les catégories de ville », dans une volonté de restaurer « l’ordre ».
Il a également ajouté vouloir lutter contre « l’islam radical », notamment grâce à la loi qui a permis de mettre fin « au système des imams détachés » depuis le 1er janvier.
Sur le plan économique, le président a demandé à son gouvernement des mesures permettant de « mieux gagner sa vie par le travail ». Il souhaite par ailleurs que les fonctionnaires soient davantage rémunérés « au mérite ».
M. Macron a dit par ailleurs souhaiter la régularisation de « nombre de médecins étrangers ».
Le président a également livré des annonces visant à relancer la natalité, avec la création d’un « congé de naissance » de six mois pour remplacer le congé parental, ainsi que le lancement d’un « grand plan » pour lutter contre le « fléau » de l’infertilité.
La conférence de presse, censée durer environ deux heures, se poursuivait par l’exercice des questions-réponses.
Le président devrait à coup sûr être interrogé sur les premiers pas du nouvel exécutif, nommé la semaine dernière et déjà aux prises avec une polémique autour de la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra. Mardi, à l’Assemblée, elle a réitéré ses « excuses » aux enseignants de l’école publique après avoir invoqué « des paquets d’heures pas sérieusement remplacées » pour justifier la scolarisation de ses enfants dans le privé.
Une conférence de presse qui suscitait avant sa tenue les critiques des oppositions. Emmanuel Macron « s’impose dans les foyers, c’est le retour de l’ORTF », l’ancien monopole de l’audiovisuel public, a ironisé mardi le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner.
« Audace »
Hors campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron ne s’est prêté qu’une fois à cet exercice d’une longue conférence de presse tous azimuts, le 25 avril 2019, lui préférant le plus souvent l’échange direct avec les Français.
Ironie du sort, il s’agissait déjà alors, au sortir de la crise des « gilets jaunes », de donner un nouvel élan à un premier quinquennat malmené et de reprendre de la hauteur avant des élections européennes.
À la veille de ce qu’il a lui-même appelé son « rendez-vous avec la nation », le président a appelé lundi soir ses troupes à « garder » leur « unité » et à se « mobiliser » pour le prochain scrutin européen, début juin, autour du gouvernement Attal.
« De l’audace, de l’audace, de l’audace », a-t-il martelé devant les parlementaires de la majorité, donnant le ton de cet « An II » du quinquennat.
La majorité présidentielle est sortie fracturée du débat sur la loi immigration, et les interrogations demeurent sur la capacité de Gabriel Attal, plus jeune premier ministre de la Ve République, à imposer son autorité.
Celui-ci a promis mardi devant les députés de sa majorité relative « d’appuyer sur l’accélérateur avec des mesures fortes », mais s’est dit « lucide » sur les contextes économiques « incertain » et politique « tendu ».
La gauche a déjà prévenu qu’elle déposerait une motion de censure si le gouvernement ne demande pas la confiance de l’Assemblée nationale. [AFP]