Mali : MSF alerte sur le danger de l'utilisation de l'aide humanitaire à des fins politiques et militaires

Samedi 25 Mars 2017

Malgré l'accord de paix signé en 2015 entre le gouvernement du Mali et certains groupes d'insurgés, le conflit se poursuit dans de nombreuses régions du nord


Genève, Suisse, 24 mars 2017) - L'incursion d'acteurs militaires et politiques dans le domaine humanitaire met en péril la fourniture de l'aide humanitaire au Mali. Ceci est la principale conclusion d'un rapport publié aujourd'hui par Médecins Sans Frontières (MSF) qui analyse l'instrumentalisation continue et dommageable de l'aide humanitaire dans le pays.
 
Malgré l'accord de paix signé en 2015 entre le gouvernement du Mali et certains groupes d'insurgés, le conflit se poursuit dans de nombreuses régions du nord. L'insécurité, qui limite la présence des acteurs humanitaires, et l'absence de l'État dans ces régions ont fortement réduit l'accès de la population aux services de base, en particulier les soins de santé. Malheureusement, les menaces à la sécurité des organisations d'aide humanitaire sont encore aggravées par le risque de confusion entre les acteurs humanitaires et acteurs militaires.
 
Trois opérations militaires étrangères sont actuellement en cours au Mali : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), la mission de l'Union européenne dans le Sahel et l'opération militaire française « Barkhane ». Toutes les trois ont pour but de soutenir le gouvernement et ses forces armées contre certains groupes armés. Plusieurs groupes armés s'opposent à ces opérations dans le pays. De fait, la mission de l'ONU au Mali est l'une des plus attaquées dans l'histoire de l'organisation.
 
Cette réponse étrangère s'inscrit dans trois logiques distinctes : l'intégration de tous les objectifs (politiques, militaires, économiques, de développement et humanitaires) dans un même programme ; la stabilisation du contexte pour aider le gouvernement du Mali à étendre sa légitimité ; et la lutte contre le terrorisme. La conjugaison de ces trois logiques peut avoir un impact sérieux sur la fourniture de l'action humanitaire, cette dernière pouvant être confondue par une partie de la population et différents acteurs avec une partie au conflit.
 
Selon le rapport publié aujourd'hui par MSF, les principaux risques pour l'action humanitaire au Mali sont au nombre de quatre. En premier lieu, elle risque d'être perçue comme un soutien à l'agenda politique du gouvernement. En deuxième lieu, elle peut être rejetée par la population et les groupes opposés à cet agenda politique. En troisième lieu et sur base de ce qui précède, les organisations humanitaires peuvent être attaquées si elles sont identifiées comme appartenant au camp ennemi.
 
L'utilisation d'escortes armées par les travailleurs humanitaires et l'utilisation de véhicules civils par les militaires, deux faits observés au Mali, peuvent augmenter la probabilité de ces attaques. Enfin, il y a le risque que l'aide humanitaire vitale ne puisse pas être mise en œuvre, ce qui aggrave les besoins de la population à assister.
 
« L'accès aux populations les plus vulnérables a été une lutte pour les acteurs humanitaires depuis le début du conflit armé. Cependant, le secteur humanitaire n'a pas trouvé, au Mali, un moyen efficace de réagir aux dynamiques militaires et politiques actuelles qui subordonnent l'action humanitaire à leurs intérêts, mettant ainsi en péril les organisations humanitaires et leur travail.

Nous ne pouvons pas nous résigner face à cette réalité
 », explique Mari Carmen Viñoles, responsable des opérations de MSF dans le Sahel. « Malgré ces difficultés, l'action humanitaire reste toujours possible aujourd'hui au Mali et nous devons travailler pour qu'il continue à en être ainsi. » (APO)
 
 
 
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