Massacres, viols, pillages au Tigré : Washington sanctionne le chef de l’État major de l’Érythrée

Lundi 23 Aout 2021

Le général érythréen Filipos Woldeyohannes,
Les États-Unis ont annoncé lundi des sanctions contre un haut responsable militaire érythréen pour des exactions attribuées aux forces érythréennes dans le cadre du conflit dans la région éthiopienne au Tigré, des accusations qualifiées d’«inacceptables» par l’Érythrée.
 
Le général Filipos Woldeyohannes, « chef d’état-major des forces armées érythréennes », est visé pour son rôle de « dirigeant d’une entité engagée dans de graves violations des droits humains commises durant le conflit actuel au Tigré », a indiqué le Trésor américain dans un communiqué.
 
L’armée érythréenne « est responsable de massacres, de pillages et d’agressions sexuelles. Les soldats ont violé, torturé et exécuté des civils », a affirmé le Trésor. Par conséquent, tous les biens appartenant au général aux États-Unis « sont bloqués » et les citoyens américains ont interdiction de faire des affaires avec lui.
 
« Le département au Trésor continuera d’agir contre les personnes impliquées dans de graves violations des droits humains à travers le monde, y compris dans la région éthiopienne du Tigré, où de tels actes exacerbent le conflit et la crise humanitaire en cours », selon le texte.
 
« Nous exhortons l’Érythrée à retirer immédiatement et de manière permanente ses forces d’Éthiopie, et pressons toutes les parties au conflit de commencer des négociations en vue d’un cessez-le-feu et de mettre fin aux violations des droits humains », ajoute-t-il.
 
L’Érythrée a réagi avec colère.
 
« Le gouvernement érythréen rejette, à la fois dans la lettre et dans l’esprit, les allégations totalement sans fondement et le chantage exprimé à son encontre », a indiqué le ministère des Affaires étrangères érythréen dans un communiqué.
 
Le ministère a qualifié ces accusations d’« inacceptables », ajoutant : « Ce n’est pas la première fois que l’administration américaine mène de telles campagnes diffamatoires sans fondement contre l’Érythrée ».
 
« Face à des accusations répétées et injustifiées, l’Érythrée ne peut rester silencieux. En ces circonstances, l’Érythrée appelle l’administration américaine à présenter l’affaire à une juridiction indépendante si elle a des éléments pour prouver ses fausses allégations », a-t-il ajouté.
 
Renforts érythréens
 
Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 des troupes au Tigré pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon le prix Nobel de la paix 2019, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l’armée fédérale ordonnées par le TPLF.
 
Il a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais le 28 juin, les forces pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré. Depuis, elles ont poussé vers l’est et le sud, dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara.
 
L’Érythrée, frontalière du Tigré au nord, est intervenue dès les premiers mois du conflit pour soutenir l’armée éthiopienne dans son opération militaire contre l’ancien gouvernement régional.
 
Son armée est accusée d’atrocités sur les civils tigréens (exécutions sommaires, viols…), et les États-Unis et l’UE ont appelé de manière répétée à son départ. L’Érythrée avait affirmé que ses troupes se retiraient en avril, mais leur retrait n’a pas été total.
 
Selon un document interne de l’Union européenne daté du 20 août, qu’a pu voir l’AFP, les troupes érythréennes étaient « présentes dans l’ouest du Tigré, où ils ont pris des positions défensives avec des chars et de l’artillerie autour d’Adi Goshu et Humera, et possiblement le long de la frontière avec le Soudan ».
 
Ce document cite aussi des rapports selon lesquels l’Érythrée a envoyé des renforts dans l’ouest du Tigré au cours « des derniers jours » tout en continuant d’occuper « une partie du territoire » dans le nord du Tigré.
 
Le Tigré se trouve en outre depuis plusieurs mois au cœur d’une grave crise humanitaire, selon les Nations unies, alors que l’aide internationale peine à parvenir en raison de nombreux retards et obstacles administratifs.   
 
Début août, la directrice de l’Agence américaine d’aide internationale (USAID) Samantha Power avait déclaré que seule 10 % de l’aide humanitaire parvenait au Tigré. Quelque 5,2 millions de personnes — soit plus de 90 % de la population du Tigré — vivent grâce à l’aide extérieure, selon l’ONU. (AFP)
 
 
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