Mexique - Élection historique d’une première présidente

Dimanche 2 Juin 2024

Claudia Sheinbaum, 61 ans (à droite), et sa rivale Xochitl Galvez.
Le Mexique se rend aux urnes dimanche et s’apprête à élire, sauf coup de théâtre, la première femme présidente de l’histoire du pays, gangréné par la violence lié au narcotrafic et où l’ONU décompte une dizaine de féminicides par jour.

 

La favorite de ce scrutin est la candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, 61 ans, devant sa rivale de centre droit Xochitl Galvez. Le troisième candidat est Jorge Maynez, représentant du parti minoritaire Mouvement citoyen.

 

La violence a rattrapé la journée électorale dans le plus grand pays hispanophone du monde, où ont lieu également des élections au niveau local, avec l’assassinat d’un candidat à un mandat dans l’État du Michoacan (ouest).

 

Israël Delgado, 35 ans, a été tué par balle dans la nuit de samedi à dimanche. Avant lui, au moins 25 candidats avaient été assassinés, d’après le comptage de l’AFP.

 

De Cancun (sud-est) à Mexico, les files ont commencé à se former dès l’ouverture des bureaux de vote à 8 h locales (10 h, heure de l’Est).

 

« Je crois que ça va être historique en terme de participation », affirme Ana Hernandez, 28 ans politologue, devant un bureau de vote dans la capitale.

 

En trois mois de campagne, Claudia Sheinbaum, du Mouvement pour la régénération nationale (Morena) et ex-maire de Mexico (2018-2023), a régulièrement devancé de 17 points en moyenne Xochitl Galvez, soutenue par une coalition de trois partis.

 

Clemencia Hernandez, femme de ménage de 55 ans, s’apprête à voter pour la première.  

« Une femme présidente représentera une transformation et espérons qu’elle fasse davantage pour ce pays. Ici la violence contre les femmes est à 100 % », dit-elle.

 

Elle tient par ailleurs à apporter son vote à la gauche sortante. « Aucun gouvernement avant ne s’était préoccupé autant des personnes âgées », argumente-t-elle, en référence au président Andres Manuel Lopez Obrador.

 

Eunice Carlos, retraitée de 70 ans qui attend de voter dans le quartier résidentiel de Polanco, juge au contraire qu’il a été « un président très néfaste, en premier lieu parce qu’il nous a divisés ». « Mon vote va en faveur de la démocratie avec Xochitl Galvez ».

 

Les électeurs sont également appelés à renouveler le Congrès et le Sénat, à choisir les gouverneurs dans neuf des 32 États et à désigner des députés locaux et maires.

 

En tout, 20 000 postes sont à pourvoir lors de ces élections à un tour. Les premières tendances pour la présidentielle seront connues quelques heures après la fermeture des bureaux de vote à 18 h (20 h, heure de l’Est).

 

« Le temps des femmes »

 

« Nous allons entrer dans l’histoire », a proclamé Claudia Sheinbaum, portée par la popularité du président sortant, lors de son dernier rassemblement de campagne mercredi à Mexico.

 

« C’est le temps des femmes et de la transformation », a-t-elle lancé à l’adresse des Mexicaines, qui dénoncent à l’unisson une société machiste.  

« Cela veut dire vivre sans peur et être libres de violences », a ajouté Mme Sheinbaum. Chaque jour, une moyenne de neuf à dix femmes sont assassinées au Mexique, selon l’ONU Femmes.

 

Xochitl Galvez mise elle sur un « vote caché » en sa faveur, qui aurait échappé aux sondages.

 

D’origine modeste, cette fille d’un père indigène, cheffe d’entreprise, a dénoncé l’échec de la politique de sécurité du gouvernement sortant, parlant de « 186 000 personnes assassinées et 50 000 personnes disparues » depuis 2018.

 

Défis

 

La lutte contre la violence des cartels, des gangs et des bandes sera le premier défi de la future présidente, d’après Michael Shifter, chercheur au centre d’analyse Dialogo Interamericano, dont le siège est à Washington.

 

Au total, quelque 450 000 personnes ont été assassinées depuis 2006, quand l’ex-président Felipe Calderon a envoyé l’armée contre les cartels.

 

Mme Sheinbaum a promis de poursuivre la politique actuelle, qui consiste à s’attaquer aux causes de la violence plutôt que le tout-répressif, tout en luttant contre « l’impunité ». Mme Galvez veut elle en finir avec les « accolades » aux cartels.

 

La « presidenta » devra également consolider l’État-providence dans un contexte budgétaire qui se dégrade. Des prévisions annoncent un déficit à 5,9 % du PIB pour 2024, le plus important depuis des décennies.

 

Elle devra également gérer la relation bilatérale intense et complexe avec les États-Unis.

 

Washington demande à Mexico de lutter contre le trafic de fentanyl, une drogue de synthèse qui provoque des milliers d’overdoses aux États-Unis.

 

Le Mexique a pour sa part déposé deux plaintes aux États-Unis contre des fabricants d’armes américains, qu’il accuse d’être responsables de tueries sur son territoire.

 

Les deux pays sont confrontés au défi de l’immigration clandestine qui bat des records, avec 2,4 millions d’arrestations côté États-Unis en 2023, d’après les autorités américaines.

 

La « presidenta » devra alors attendre l’élection de novembre au nord du rio Grande pour savoir si son interlocuteur sera le président démocrate sortant Joe Biden ou le républicain Donald Trump. [AFP]

 
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