Noël en vain (par Jean-Luc Mélenchon)

Dimanche 24 Décembre 2023

Gaza, détruite par les armées israéliennes

Ce Noël est défiguré par le massacre à Gaza. Il suffit d’y penser pour ne pas pouvoir dormir. Même la loi Immigration, qui nous a tous abattus de tristesse, ne produit pas un effet si profond, si intense, si déchirant, quand bien même cette loi marque le retour de cette France à front de bœuf qu’on n’imaginait pas renaître dans les bras de l’homme jeune qui préside notre pays. Là-bas, au Proche-Orient, des dizaines de milliers de personnes sont condamnées à mort au terme d’insupportables souffrances, peurs, maladies, blessures et famine. La nuit de Noël, les chrétiens d’Orient, palestiniens et autres, vivront leurs rites sous les bombes. Ce sera Noël en vain. 
 

Et rien n’est fait pour stopper le massacre. Absolument rien. Je veux dire « rien » de cet arsenal aussitôt déballé quand il s’agit des ennemis de « l’Occident », du camp du bien dans « le choc des civilisations », c’est-à-dire des USA et de leurs supplétifs européens. Tout s’arrêterait demain matin, si les USA et le gouvernement des démocrates de Joe Biden le voulaient. Et nous-mêmes, en France, nous avons dû attendre 32 jours pour que le Président de la République parle de cessez-le-feu, mot d’ordre toujours absent de la bouche de la présidente de l’Assemblée nationale, qui s’était pourtant rendue en soutien inconditionnel à Tel Aviv au début du massacre. 

 

L’opinion des Français s’est retournée. Certes, nous n’avons plus à endurer l’ignoble harcèlement de l’accusation d’antisémitisme ou « d’idiot utile du Hamas » chaque fois que nous protestons contre les crimes de guerre. Car plus personne ne peut voir désormais dans cette accusation, sur ce sujet, autre chose qu’une infamie supplémentaire de la part de ceux qui ne sont au fond que les complices d’un génocide, d’un nettoyage ethnique dont ils se délectent parce qu’il justifie leur propre délire ethniciste. Entendre Meyer Habib dire que, du fait de l’exode, aucun Israélien ne sera jamais un colon en Judée, suffit à comprendre où nous en sommes dans ce domaine. Pourquoi l’Italie ne réclame-t-elle pas sa part de souveraineté sur ces terres puisque l’empereur Titus en avait scellé la conquête, notamment par la destruction du Temple de Jérusalem ? Ou l’Égypte ? N’a-t-elle pas été dominante là-bas pendant vingt siècles avant notre ère, aux âges du polythéisme de toute la région ? Je ne veux pas dévaloriser davantage Meyer Habib, car chacune de ses interventions est une propagande active pour la cause palestinienne, tant la sienne est défendue à l’Assemblée et dans les médias de manière caricaturale et insupportable sur le plan du respect de la dignité humaine.

 

Le massacre de Gaza ouvre une séquence terrible dans le siècle qui commence. Jamais dans un conflit, depuis la Seconde Guerre mondiale, on n’avait entendu des propos racistes comme cette fois-ci ceux qu’on entend dans la bouche des amis de Netanyahu pour justifier le massacre. Jamais on n’avait entendu parler de l’ennemi comme des « animaux » ou des « fils de chiens » qu’il faudrait « tous massacrer », comme on l’entend dans la bouche des gouvernants d’extrême droite en Israël. Les peuples du monde entier le savent grâce aux réseaux sociaux, et le plaisir évident que ressentent les génocidaires à assumer leurs intentions dans des vidéos qui circulent par millions de vues. 

 

Le bilan est terrible pour l’ambiance dominante ainsi assumée et validée. Si Israël peut commettre impunément ce nettoyage ethnique, compte tenu de son histoire et de ses soutiens pour ces crimes, qui pourrait se voir reprocher d’en faire autant ? Gaza est l’ultime défaite morale de « l’Occident ». À partir de maintenant, chacun peut se sentir tout permis. Notamment dans ces 175 pays qui ont un différent frontalier. Et parmi les 28 % d’entre eux pour qui c’est déjà un conflit armé.

 

L’effondrement de l’autorité de l’alliance atlantique a déjà été bien notée dans la séquence Ukraine/Russie. Le score des motions sur le cessez-le-feu à Gaza enfonce le clou. Les USA et Israël y sont aussi isolés que lors des votes pour le blocus de Cuba. En janvier, les nouveaux alliés des BRICS vont porter cette coalition mondiale à un niveau de PIB supérieur à celui du G7. Avant que l’ancien ordre finisse d’être déstabilisé, avant que le nouveau trouve son point d’équilibre et que tout cela se stabilise, une période trouble va se dérouler comme toujours dans l’histoire en pareil cas. 

 

Dans quelques semaines, il faudra commencer à discuter des conditions de la paix entre l’Ukraine et la Russie. Le point de vue européen est devenu plus délicat à tenir, compte tenu du soutien inconditionnel apporté à Netanyahu par l’Union européenne. Comment défendre le droit international ici, et le nier là-bas ? Comment défendre l’intégrité des frontières ici, et l’oublier là-bas ? Comment condamner les bombardements ici, et les supporter sans broncher là-bas ? Comment dénoncer par avance des projets de brutalités à venir de la part de Poutine et laisser sans réponse Netanyahu menacer le Liban de raser sa capitale ? Et ainsi de suite. 
 

Certes, les Nations ne sont nullement obligées d’être de bonne foi dans leurs relations. Mais, faute d’arguments principiels, moraux ou juridiques, il ne reste que le rapport de force, déployé ou menaçant. Qui croit les USA, et à plus forte raison l’Union européenne, en état de mener un combat plus long, mieux soutenu ou plus efficace contre la Russie ? Personne. Et pour le seul usage de l’Ukraine ? Encore moins, en quelque sorte…

melenchon.fr/

 
Nombre de lectures : 184 fois