Nouvelle-Calédonie - Emmanuel Macron en route, incendies dans la nuit à Nouméa

Mercredi 22 Mai 2024

Le président français Emmanuel Macron est en route mercredi pour la Nouvelle-Calédonie, plus d’une semaine après le début de violences inédites en 40 ans dans l’archipel français du Pacifique Sud, où des écoles et véhicules ont été incendiés pendant la nuit.  

 

Au terme d’un périple de plus de 17 000 kilomètres, le chef de l’État doit atterrir jeudi matin dans le territoire français du Pacifique Sud, notamment pour y installer une mission de dialogue composée de trois hauts fonctionnaires.

 

Cette mission restera sur place « autant qu’il faudra » et « aura pour objectif de faire émerger un dialogue politique local dans le but de parvenir à un accord politique global », a précisé mercredi le premier ministre français Gabriel Attal.

 

Le président Macron doit notamment s’entretenir avec les élus et acteurs économiques de l’archipel, que les violences et destructions ont plongé dans une situation catastrophique.

 

Sur le terrain, les indépendantistes ont d’ores et déjà annoncé la mise en place de comités d’accueil du président, avec dans certaines zones des barrages « renforcés ».

 

« Nous restons mobilisés […] tant que l’État s’entête dans le dégel du corps électoral provincial », a prévenu dans un communiqué un relais CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain, collectif indépendantiste qui organise la contestation depuis six mois).

 

Il compte notamment bloquer l’embranchement des deux grands axes routiers donnant accès au nord de l’île durant la journée de jeudi. Seuls les véhicules sanitaires, pompiers et ravitaillement de produits essentiels pourront circuler, a-t-il prévenu.

 

Cyberattaque inédite

 

Cette visite surprise intervient alors que se multiplient, jusque dans la majorité du président Macron, les demandes de report du projet de loi constitutionnelle sur le corps électoral de l’archipel, rejeté par les indépendantistes et à l’origine des émeutes.

 

Dans l’archipel, la nuit de mardi à mercredi « a été plus calme que la précédente malgré deux incendies dans l’agglomération de Nouméa », a rapporté le Haut-commissariat de la République.

 

Selon la municipalité de Nouméa, interrogée par l’AFP, deux écoles et 300 véhicules d’un concessionnaire sont notamment partis en fumée.

 

« Très peu de temps après l’annonce » de la visite présidentielle, la Nouvelle-Calédonie a par ailleurs été visée par une cyberattaque « d’une force inédite », a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.

 

L’attaque, consistant en l’envoi simultané de « millions de courriels », a été stoppée « avant qu’il y ait des dégâts importants », a-t-il assuré.

 

La cyberattaque n’aura « pas de conséquences dans la durée », selon l’Agence française de sécurité informatique qui invite à « l’extrême prudence » sur son origine.  

 

« Bonne nouvelle »

 

Neuf jours après le début des plus graves violences touchant l’archipel depuis près de quarante ans, la situation reste précaire et des quartiers entiers toujours difficilement accessibles.

 

Dans un quartier aisé du sud de Nouméa épargné par les émeutes, Jean, 57 ans, occupe depuis une semaine avec ses voisins une barricade destinée à empêcher d’éventuelles intrusions.

 

La venue du président est « une bonne nouvelle », estime-t-il. « La situation est totalement bloquée, il faut espérer que ça permette aux esprits de se calmer, qu’une porte de sortie va être trouvée. » 

 

Sur un barrage de Dumbéa, un fief indépendantiste à l’ouest de Nouméa, Mike, 52 ans, se réjouit lui aussi que « Macron arrive pour voir ce qui se passe ».

 « Nous, on reste sur l’opposition », s’empresse-t-il d’ajouter. 

 

« Je ne comprends pas pourquoi notre sort doit être discuté par des gens qui n’habitent même pas ici ». (Mike)

 

Six morts

 

Mercredi matin, des incendies étaient visibles en plusieurs points de l’agglomération de Nouméa, a constaté une journaliste de l’AFP.

 

Il est « beaucoup trop tôt » pour faire un bilan global des dégâts, car il y a encore des quartiers où les agents ne vont pas, a expliqué à l’AFP l’administration de la ville de Nouméa.

 

Le Haut-commissariat a indiqué que « plus de 90 barrages ont déjà été neutralisés et sont progressivement nettoyés ».

 

« C’est pas réglé. C’est extrêmement compliqué pour les forces de l’ordre qui font leur travail […] Ils dégagent les barrages, mais les barrages sont remontés les uns après les autres », a déploré la maire de Nouméa.

 

Depuis le début des violences, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles.  

 

Quelque 86 policiers et gendarmes ont aussi été blessés, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Les forces de l’ordre ont procédé à près de 300 interpellations, selon le procureur de Nouméa, Yves Dupas.

 

Signe de la difficulté à reprendre en main la situation sécuritaire, l’aéroport international de l’archipel restera fermé aux vols commerciaux jusqu’à samedi matin.

 

« 103 Australiens et membres de leurs familles » ont atterri à Brisbane dans la soirée « sur un vol affrété par la France », a annoncé la sénatrice australienne Penny Wong sur X. Au total, selon elle, ce sont « 187 Australiens et membres de leurs familles » qui ont pu quitter l’archipel depuis le début de la crise.

 

Les sites miniers exploités par Eramet, l’un des trois grands opérateurs du nickel dans l’archipel, sont à l’arrêt.

 

Report de la réforme ?

 

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues : couvre-feu nocturne, interdiction des rassemblements, du transport d’armes, de la vente d’alcool et de l’application TikTok.

 

Sur le front politique, les principales figures non-indépendantistes de l’archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa mardi, ont appelé à poursuivre l’examen de la réforme constitutionnelle contestée, qui doit être adoptée avant fin juin.  

 

Son retrait serait « une erreur gravissime » qui donnerait « raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a asséné le député de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf.

 

Les appels se sont pourtant multipliés, de tous bords politiques pour réclamer un report de cette réforme, qui aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, selon les indépendantistes. [AFP]

 
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