OLUSEGUN OBASANJO - « Nous avons stupidement mal géré l’argent du pétrole et du gaz »

Jeudi 29 Décembre 2016

Pour l’ancien président du Nigeria, Buhari fait du bon travail depuis son arrivée au pouvoir, en particulier contre la corruption. Mais il ne dispose pas des compétences économiques dont a besoin le Nigeria pour sortir de la crise actuelle.
 
Par Momar DIENG (Marrakech)
 
Invité annuel de « Atlantic Dialogues », l’ancien président de la république fédérale du Nigeria, Olusegun Obasanjo, s’est livré à un diagnostic assez sévère da la situation actuelle du géant continental. En conversation avec la journaliste Zeinab Badawi de la BBC, celui qui se définit comme « agriculteur » s’est ému de l’entrée en récession de son pays il y a quelques mois et du choc que cela a représenté, tant pour ses gouvernants actuels que pour l’écosystème économique. Mais d’une certaine manière, Obasanjo en a tiré une nouvelle perspective en termes de remise en cause de certaines orientations. « Aujourd’hui, nous devons prendre possession de notre processus de développement ».
 
Dans le « Grand Salon » du gigantesque hôtel Mamounia de Marrakech, il a déploré les occasions manquées par les régimes successifs de tirer profit de la manne financière permise par les exportations d’hydrocarbures. « Nous avons stupidement mal géré l’argent du pétrole et du gaz », s’est indigné l’ex-président au pouvoir de 1999 à 2007. « Il est temps de diversifier nos matières premières pour amoindrir notre dépendance à l’égard des hydrocarbures. »
 
Concrètement, les réserves monétaires du Nigeria sont passées de 65 milliards de dollars à moins de 24 milliards de dollars, a révélé Obasanjo. C’est pourquoi, « quand les cours du pétrole sur le marché mondial ont chuté, nous n’avions pas de bouée de sauvetage à notre disposition », a-t-il indiqué. La faute à cette descente aux enfers n’est pas imputable au président en exercice, Muhammadu Buhari, arrivé aux affaires au mois de mai 2015. « Par rapport à son prédécesseur, le président Buhari a fait du bon travail depuis sa prise de fonctions, notamment dans le combat contre la corruption », a concédé Obasanjo. « Mais on doit admettre qu’il n’a jamais été fort en Economie, surtout pour ceux qui connaissent ses points forts et ses points faibles », a-t-il ajouté.
 
« Prendre en charge notre développement »
Olusegun Obasanjo accuse explicitement un « bras du gouvernement » d’agir comme un « robot armé » dans le système de gouvernance: l’assemblée nationale. Selon lui, c’est cette institution qui « couvre la corruption ». Dans ce contexte, « comment les citoyens peuvent-ils faire confiance aux politiques », s’est demandé Obasanjo. « Il est constaté que de hauts responsables actuels du pouvoir qui n’avaient pas une seule voiture avant l’arrivée de Buhari en ont aujourd’hui trois ou quatre ou plus. » Une situation que l’ancien chef d’Etat met en parallèle avec la situation précaire des jeunes nigérians dont 50% sont aujourd’hui sans emploi. Et encore, cette « statistique ne couvre même pas l’économie informelle. »
 
Il semble qu’une partie de la solution du problème nigérian doive provenir de l’éducation. A ce propos, Obasanjo se réjouit de l’importance grandissante et salutaire du secteur privé dans la prise en charge du système d’enseignement. « Aujourd’hui, 25% de l’éducation primaire, 45% de l’éducation secondaire et 40% de l’enseignement supérieur au Nigeria sont assurés par des écoles privées », a-t-il révélé. « Si le secteur privé ne s’était pas investi, c’est tout le système d’enseignement qui se serait effondré. »

« The Atlantic Dialogues » s’est tenu du 14 au 16 décembre à Marrakech en présence de 300 invités venus d’une cinquantaine de pays autour du thème : « Changer les mentalités : Stratégies pour un espace atlantique en transition. » Il est co-organisé par le German Marshall Fund des Etats-Unis et l’OCP Policy Center du Maroc.
 
 
 
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