OUSMANE SONKO (PRESIDENT DE PASTEF-LES PATRIOTES): « Les grands partis ne peuvent justifier leurs fonds… »

Lundi 19 Septembre 2016

Vous plaidez pour le respect de la loi relative aux comptes financiers des partis politiques. Que préconisez-vous dans ce sens ?
L’un des points qui est considéré comme une réforme fondamentale parmi les quinze points de la révision constitutionnelle soumis au référendum du 20 mars 2016 concerne justement la modernisation des partis politiques avec comme élément fondamental, le financement des partis politiques. Ce débat, nous l’avions proposé en prenant prétexte de l’affaire Lamine Diack en disant qu’il y a trop d’échanges concernant la marche des partis politiques au Sénégal en faisant allusion au nombre. Pour nous, c’est un faux débat parce qu’il aurait fallu que le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique applique normalement la législation prévue dans ce cas, pour que l’on se retrouve avec deux ou trois partis.
 
Ça n’a pas été fait.
Non, car tous ces partis disparaitraient y compris ceux considérés comme de grands partis et qui sont les plus grands fraudeurs de la loi. (…) Je dois même dire que ce qui a été proposé avec le référendum n’est qu’une transposition des dispositions de cette loi dans la Constitution. Alors, celui qui ne peut pas appliquer une loi qui a une portée inférieure à la Constitution, je vois mal comment il appliquera ladite Constitution. Cette loi existe depuis longtemps et contraint même, dans les huit jours suivant la date anniversaire du récépissé, de déposer le compte financier de l’exercice. Ce qui devrait permettre de contrôler les flux financiers des partis politiques car, ce compte devait préciser la source de chaque centime et établir que toutes les sources financières proviennent des cotisations, des dons et legs des sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations. (…) Pour ce qui est de Pastef, nous avons déposé conformément à la loi et dans les délais tous les documents relatifs à la comptabilité de notre parti pour l’exercice 2015.
 
Qu’est-ce qui est interdit en pratique ?
Les financements provenant de l’étranger, notamment. Mais cette loi, après promulgation, n’a jamais été respectée par aucune formation politique y compris le Parti socialiste qui était au pouvoir. En réalité, les grands partis ne peuvent pas justifier l’origine des fonds colossaux qu’ils déploient lors des échéances électorales. Tout le monde voit qu’ils battent campagne à coup de milliards de Cfa. Aussi, personne ne pourra nous convaincre que ce sont les dons et legs qui permettent de telles dépenses ! Nous savons très bien qu’à l’élection présidentielle de 2012, beaucoup d’argent est entré dans le pays. On a cité de grands capitalistes français ainsi que d’autres acteurs économiques à qui des retours sur investissements pourraient avoir été accordés d’une manière ou d’une autre…
 
Personne n’en parle pourtant !
C’est comme qui dirait que c’est normal. Il y a une sorte de loi d’omerta, un consensus entre les grands partis et leurs financements occultes provenant de l’étranger ou même de détournements de deniers publics. (…) Dans tous les cas, l’appliquer, c’est assister à la disparition du Parti socialiste (Ps), de l’Alliance pour la République (Apr) ou encore de l’Alliance des forces de progrès (Afp). Je rappelle qu’à la date du 31 janvier 2015, nous avons saisi par correspondance le ministre de l’Intérieur pour l’application de cette disposition. S’il n’y a pas de réponses d’ici quatre mois comme le prévoit la loi, nous sommes habiletés à saisir la Cour suprême d’un recours.
  
Et l’affaire Lamine Diack n’a rien arrangé...
Dans ce débat, il y a eu beaucoup d’amalgames. Je suis de l’opposition radicale, mais quand il y a un débat, il faut le poser sereinement et scientifiquement. Le lien est très vite fait entre le financement de partis politiques par Lamine Diack, et l’origine de l’argent. Je dois dire que c’est son droit le plus absolu en tant que Sénégalais. La loi interdit le financement par des étrangers, provenant de l’étranger et donné par des étrangers ou d’étrangers vivant au Sénégal. Maintenant, un Sénégalais, qu’il vive au Kentucky ou à Djeddah, a le droit d’avoir des opinions, d’appartenir à un parti politique, de cotiser dans un parti et de voter pour qui il veut. Donc, que Lamine Diack qui est Sénégalais contribue dans un parti ou dans un regroupement de partis politiques – je n’ai jamais reçu de l’argent – ne pose aucun problème.
 
 
 
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