Olivier Faure prend ses distances avec les Insoumis pour donner des gages à l'aile réformiste de son parti, en acceptant de faire des compromis avec le camp macroniste au nom de l'esprit de "responsabilité" de la gauche.
"Comment un parti de gouvernement comme le PS en arrive à être scotché à LFI ?", tempêtait le mois dernier Renaud Muselier, le président Renaissance de la région Paca. "Faure, c'est le Ciotti de la gauche, le syndrome de Stockholm".
Nul doute que Renaud Muselier serait satisfait de l'évolution du patron du PS, maintenant accusé par les Insoumis d'avoir eu la "censure honteuse".
"Nous sommes le Parti socialiste, nous voulons regagner et gouverner, nous ne sommes pas là pour faire de la figuration", plante la maire de Nantes Johanna Rolland, proche du patron du PS.
Olivier Faure, qui avait proposé l'été dernier sa candidature pour Matignon, plaide aujourd'hui pour des discussions avec le bloc central et la droite sur la base "de concessions réciproques" en vue de la formation d'un nouveau gouvernement.
"Le but du jeu n'est pas de sauter comme des cabris sur Matignon : je veux que l'on arrache des victoires maintenant pour les Français (es), en priorité sur le pouvoir d'achat et les salaires", explique-t-il sur BFMTV.
Il n'est pas le premier au sein de son parti à avoir voulu tendre la main.
"Je suis très fier de l'évolution du groupe sur la non-censure" du futur gouvernement, se félicite ainsi pudiquement le député de l'Eure Philippe Brun, qui plaide pour un accord de ce type à l'Assemblée depuis l'été.
Il y a plus de deux semaines, c'est le chef des députés socialistes Boris Vallaud, dont il se murmure qu'il pourrait être tenté de reprendre le parti, qui avait proposé ce pacte de non-agression entre les différentes forces de l'Assemblée.
"Une initiative personnelle de sa part. Une mauvaise réponse à une question mal anticipée", nuançait alors un proche d'Olivier Faure.
- "Il en a fait des caisses" -
Il n'empêche que, lentement mais sûrement, l'idée a fait son chemin.
"L'engagement que nous avons pris (mardi à l'Elysée, ndlr) c'est que nous n'utiliserons pas le 49.3 si nous sommes appelés à gouverner, en échange de quoi les oppositions s'engageraient à ne pas censurer", détaille le premier secrétaire.
"Olivier Faure ne voulait pas de la non-censure au début. Il disait qu'il fallait rester allié avec les Insoumis, que c'était un saut dans le vide", explique un député socialiste. "Mais il a compris que le magistère moral de cette initiative allait revenir à Boris Vallaud et Philippe Brun". Au point même d'en faire trop, selon lui.
Comme lorsque vendredi dernier, avant d'être reçu à l'Elysée avec les autres responsables socialistes, il a proposé d'ouvrir la table des négociations au leader de la droite Laurent Wauquiez.
"Il en a fait des caisses et est allé plus à droite que ce que proposaient Vallaud et Brun en ouvrant à Wauquiez", note le député.
Ce jour-là, Olivier Faure a été "peu clair et pas suffisamment explicite", reconnait un cadre PS.
En tout cas, ce qu'il a perdu en crédit sur sa gauche en multipliant les appels au compromis et en replaçant le PS comme un parti de gouvernement, Olivier Faure l'a regagné sur sa droite.
Longtemps vilipendé par l'aile réformiste de son parti car jugé trop conciliant avec les Insoumis, le député de Seine-et-Marne a réussi à réduire au silence les critiques émanant notamment de la présidente de la région Occitanie Carole Delga et le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol.
"Même Hollande on ne l'entend plus, c'est bon signe, c'est qu'il est d'accord. Tout le monde a posé les armes au PS le temps de la période", note le proche d'Olivier Faure.
Utile dans la perspective du prochain congrès du PS, qui se profile pour 2025.
Beaucoup à gauche lisent en effet les dernières prises de position d'Olivier Faure, qui avait gagné de peu son dernier congrès, comme des tentatives de couper l'herbe sous le pied de son aile réformiste.
"Il fait ça pour son congrès, il n'y a que ça qui l'intéresse", assure un député PS.
"Il est sous pression et veut gagner son congrès mais il va tout perdre. Son congrès et sa crédibilité", pronostique pour sa part un cadre insoumis.
Des attaques qui glissent sur l'intéressé. "Quoiqu'il se passe, on dit toujours que c'est de ma faute", soupirait récemment, en petit comité, le flegmatique dirigeant. [AFP]