Pas trop fiers !

Jeudi 20 Avril 2017


Le Sénégal a donc bouclé ce 4 avril 2017 les 57 ans d’une indépendance paisiblement négociée avec la France. Un grand raout annuel, organisé sur un boulevard qui rend un hommage éternel à un général agent destructeur de notre identité, tente désespérément de nous convaincre que notre histoire a commencé ce jour là, avec la bénédiction du colon-usurpateur retourné chez lui en restant chez nous grâce à des subterfuges de toutes natures qui, paradoxalement, l’ont rendu encore plus fort et plus présent aujourd’hui qu’hier.
 
Cinquante-sept ans plus tard donc, nous n’avons pas à être fiers de ce que nous sommes devenus par la force de la baïonnette et d’un système d’assimilation puissant et pénétrant, mais également par nos propres trahisons intérieures. La France nous est toujours aussi indispensable: c’est elle qui boucle notre budget annuel car nos autorités d’hier et de maintenant s’en révèlent incapables ; et c’est elle qui garantit l’inviolabilité de notre territoire face aux menaces extérieures. La France et ses hôpitaux accueillent encore nos « illustres » malades, autorités et simples citoyens, désireux de survivre aux carences de notre système de santé. Tant mieux pour eux car personne n’est candidat à la mort.
 
La réalité est terrible : nous ne savons presque rien faire par nous-mêmes. Tous les grands pays du monde sont à notre chevet sur tous les plans (éducation, agriculture, développement scientifique, infrastructures, etc.). Les institutions de Bretton Woods, Fmi et Banque mondiale, se sont infiltrés dans la définition de nos politiques publiques, en dépit de leurs échecs répétés à nous sortir définitivement de l’ornière. Et nous pouvons encore nous faire écraser par l’Union européenne dans le cadre des Ape.
 
Nous ne savons rien faire par nous-mêmes, mais la plupart des dirigeants qui ont « servi » ce pays ont su, eux, s’enrichir sur le dos des populations à travers moult stratagèmes. Ils sont l’élite corrompue, celle qui était censée amener le Sénégal à un autre palier. Nous ne savons rien faire par nous-mêmes, mais avons su élever l’indiscipline collective à un niveau de perfection qui ne nous laissait aucune chance de progrès significatifs.
 
Nous ne savons rien faire par nous-mêmes car, très tôt, nous n’avons pas voulu être la Corée ou Singapore: nous voulions rester une certaine France, celle qui ne tire rien de substantiel de la Mère-Métropole quand il s’agit d’assurer sa propre émergence.
 
Nous en sommes là, cinquante-sept ans plus tard. Voir et entendre des chiffonniers parvenus disputer un espace de liberté d’expression à de jeunes activiste qui, eux, ont déjà rendu service à la démocratie sénégalaise, quoi que l’on puisse leur reprocher par ailleurs. (Momar Dieng)

 
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