Pastéfiens, bienvenue dans le système !

Samedi 20 Mars 2021

(CHRONIQUE) "Un homme d'esprit, dans la solitude la plus absolue, trouve dans ses propres pensées et dans sa propre fantaisie de quoi se divertir agréablement, tandis que l'être borné aura beau varier sans cesse les fêtes, les spectacles, les promenades et les amusements, il ne parviendra pas à écarter l'ennui qui le torture." Arthur Schopenhauer, Les Aphorismes de la sagesse.
 
Reconnaissons à Ousmane Sonko son droit à la maturation et donc à relativiser les contradictions que l'on peut relever autant dans ses postures, dans ses discours et dans ses positionnements sur l'échiquier politique.
 
La Real-politik est à ce prix-là. Ceux-là qui ont pensé qu'il est un homme nouveau, avec un discours novateur et une pratique innovante descendront, à leurs corps défendants, de leur illusion.
 
Le magma politique du Sénégal est fait d'un roc en de laine de verre, selon la saisonnalité thermique, s'y alternent dureté et mollesse, et ça il faut avoir appréhendé la rationalité historique, au sens weberien du terme, ici faisant appel aux différents types d'action en valeur, qui expliquent, voire selon l'approche durkheimienne des faits sociaux, font comprendre le niveau conscience générale de l'opinion, de ses imbrications avec le paradoxe.
 
Partant de ce constat, tout ceci aurait pu ou dû lui être évitable, si tant est que la lutte pour les conquêtes démocratiques depuis Lamine Senghor, l'irréductible pourfendeur de Blaise Diagne, jusqu'à Diop Decroix, Alla Kane et consorts, avait été appréhendée non pas du seul point de vue de la pieuvre phagocytante de la superstructure, mais avec une prudence qui ôterait au discours politique le jugement moral et les simplifications catégorielles.
 
Cette prudence se serait traduite par une remise en cause épistémologique tant du discours du refus et de la résistance contre le système, et de l'offre alternative en s'évitant les "erreurs", ce jugement étant subjectif, des anciens, que de la manière d'embrigader les masses.
 
L'idée qu'en matière de révolution il n'y'a ni pute, ni saint; que le seul nombre compte pour inverser la tendance et faire basculer favorablement le rapport de force, n'est pas saugrenue, du moins pour tout politique doué de bon sens, en politique c'est un invariant.
 
Machiavel le reprend d'une bien meilleure formule, dans son Discours sur la dernière décade du Tite Live, en ces termes: "Contenter le peuple et ménager les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner".
 
Et ici Contenter le peuple, compte tenu des schismes opérés par les acteurs antérieurs et contemporains, consisterait à lui distiller la culture du consensus dynamique, à commercer avec l'existant, quoique ne les agréant pas, dans les formes de l'élégance discursive et de la loyauté dans l'adversité.
 
Peu importe les manigances et les facéties du système et de ses agents, leur intrigue et intimidation, viol et violence, déconstruire un usage politique aux ramifications corruptogènes ancrées, jusqu'à l'inconscient collectif, requiert une inflexibilité face aux tentations de la colère légitime et une générosité devant un adversaire fébrile et vulnérable.
 
Mais la catégorisation généralisant toute la classe politique, notamment antérieure, et la prétention à disposer du génie que nulle autre formation politique n'a jamais eu ou fait montre dans l'histoire du Sénégal, ignorant ou méprisant les innommables anonymes qui ont sacrifié leurs carrières dans leur foi en un grand soir imminent, semblent être tout l'écheveau de la contradiction que renvoient à Ousmane Sonko et au Pastef, leurs adversaires.
 
Or, il est heureux qu'ils nous reviennent tels que nous sommes constitués sociologiquement et anthropologiquement, sénégalais du Sénégal et non extraterrestres greffés au peuple. Faits de conciliabules et de roulement de mécaniques, aux actions désertes. Faisant peu de cas de l'humilité et ayant une ambition comparable à l'appétit d'oiseau, au milieu d'un monde de pachydermes.
 
Les pastefiens étaient de bornés révolutionnaires, et au premier chef Ousmane Sonko, cette épreuve du supposé complot, par-delà l'ignominie qu'inspire la trame des faits, au plan politique les ramène à la pesanteur atmosphérique de la réalité politique sénégalaise.
 
Ni puristes, ni impurs, ni maitre, ni César, ni tribun, discutons entre Sénégalais, tel est le message que sa visite chez le Mollah de Kaolack nous inspire. Ce peuple prompt à des furies explosives, n'en est pas moins attaché aux symboles de son asservissement. Et nul libérateur ne saurait y arriver, s'il n'est pas candidat au suicide de classe ou de caste, au propre comme au figuré.
Chers pastefiens, bienvenue dans le système.
Aguibou DIALLO
 
 
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